Les faits : Chers compatriotes amateurs de logique institutionnelle, rares, je le sais, il est temps d’applaudir l’ingéniosité administrative made in Lubumbashi, capitale du Haut-Katanga. La deuxième ville du Congo nous offre ces jours, un chef-d’œuvre d’absurde juridique : deux gouverneurs, deux maires, et un flou institutionnel si dense qu’on pourrait s’y perdre comme dans un mauvais thriller politique. Cette situation, qualifiée de doublon administratif, soulève de graves enjeux juridiques et institutionnels, tant au niveau du respect des textes légaux que de la gouvernance locale. Faut-il en rire ou s’en inquiéter ? Voilà le temps d’une brève satirique voire pamphlétaire !
En Droit : Et pourtant, la Constitution de la RDC, dans son article 198, précise que la province est dirigée par un gouverneur élu, assisté d’un gouvernement provincial. Ça devrait être simple, non ? Dans cette pièce tragi-comique à huis clos, chacun joue son rôle avec brio. Un ministre s’arroge le droit de désigner un maire comme on distribue des badges VIP, pendant que le Conseil d’État, dans une démonstration de contrôle juridictionnel, suspend l’arrêté par une ordonnance en referee suspension en attendant que la juridiction ne se prononce au fond. En face, une autre autorité municipale brandit son titre comme un talisman, jurant qu’elle est la vraie, la seule, l’unique… mais les arrêtés valsent, et les recours pleuvent, surtout lorsque le pouvoir central oublie que l’administration territoriale est fondée sur le principe de la décentralisation (article 3 de la Constitution).
Au niveau du gouvernorat, le spectacle s’amplifie. Deux hommes trônent sur le Haut-Katanga, chacun sûr de sa légitimité, et l’intérim confié à l’autre par message du Ministre, encore lui, vient pimenter la sauce et d’aucuns se posent la question de son opportunité, quand l’on sait que c’est le Vice qui fait l’intérim en cas d’indisponibilité du titulaire. Le peuple, lui, ne sait plus à quel Saint-Gouverneur se vouer. Les services publics font du slalom entre des possibles décisions contradictoires, ce qui, soit dit en passant, va à l’encontre du principe de continuité du service public, consacré par la jurisprudence administrative. Mais ne soyons pas injustes, car derrière ce chaos se cache une leçon magistrale en droit administratif : la démocratie n’est pas un karaoké, où chacun reprend à sa manière les paroles de la Constitution. Le doublon administratif est une forme sophistiquée de désobéissance institutionnelle, un sabotage déguisé en querelle de bureaux. La légitimité des actes administratifs, selon la loi n°16/001 relative aux principes généraux de l’administration publique, repose sur leur conformité à la compétence de leur auteur et au respect des formes légales. Autrement dit, si tout le monde signe mais personne n’a le droit, rien ne vaut.
On en vient à se demander si Lubumbashi n’expérimente pas une forme inédite de gouvernance quantique, où deux autorités existent en même temps sans jamais se rencontrer, un peu comme un chat de Schrödinger version RDC. Et à force de jouer à cache-cache avec la légalité, on finit par étouffer le citoyen dans un labyrinthe d’incertitudes. Et pourtant, il existe une solution, incroyablement simple, appliquer la loi, et rien que la loi. Pas celle qu’on réinterprète en réunion des fanatiques, ou des associations et des partis mais celle gravée dans les textes de loi dans un État qui se veut de Droit et Démocratique. Et si Lubumbashi veut éviter de devenir le laboratoire national du chaos normatif, il est temps de désigner clairement qui pilote l’avion. Avec un seul commandant de bord et des passagers qui méritent un vol stable.
En définitive, Lubumbashi n’est pas seulement devenue la capitale du cuivre, elle brille désormais comme l’épicentre national du quiproquo administratif. Deux gouverneurs ? Deux maires ? Pourquoi pas un parlement parallèle pendant qu’on y est ? L’administration devient un carnaval où la loi est un déguisement qu’on retire dès que les projecteurs s’éteignent. Mais attention, l’État de Droit n’est pas un buffet où l’on choisit ce qui nous arrange. Et pendant que les responsables publics se disputent le fauteuil, c’est le citoyen qui reste debout. C’est le service public qui rouille. Et c’est la République qui fait du surplace dans une voiture sans conducteur, au bord du précipice constitutionnel. Holà holà, arrêtons-nous un instant !
Satire du Prof. Joseph YAV KATSHUNG