Les faits : La question de la laïcité a toujours revêtu un caractère sensible surtout quand son contenu est flou et son application en dents de scie ; telle que relevée dans Les Brèves Juridiques No 137. La présente note s’emploie à contribuer au débat tout en ayant à l’esprit la mise en garde de ELIKIA M’BOKOLO [2016], que : « …Aujourd’hui encore, s’ils ont l’audace de prendre la parole, les partisans de la laïcité au Congo, se voient aussitôt soupçonnés comme Buisseret, d’appartenir à ces obscures confréries ... ». Neni !
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En droit : La laïcité est un concept qui n’est pas univoque et semble être une notion difficile à définir, mieux à accepter voire à comprendre de manière précise et complète sans verser dans un subjectivisme singulier et quelques fois dangereux. Toutefois, elle est l’union de trois principes : la liberté de conscience, l’égalité de traitement de tous les citoyens, quelles que soient leurs convictions spirituelles, et l’idée selon laquelle la loi commune ne doit viser que l’intérêt commun. A l’image d’autres pays, le droit à la liberté de religion et de culte trouve une garantie dans la proclamation du caractère laïc de l’État congolais dans la Constitution.Â
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La Constitution du 18 février 2006, proclame la laïcité de la RDC mais son préambule et son article 74 font explicitement référence à « Dieu ». Ce qui s’apparente à un mariage forcé de la noble idée de construire la République autour du concept de laïcité avec l’obligation faite à tout futur Président de la République de s’engager solennellement devant Dieu. Imposer « Dieu » à tout Congolais ne peut que laisser perplexe. Une telle démarche porte atteinte à la liberté ou droit fondamental de toute personne de croire ou de ne pas croire.
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Quand bien même l’on puisse concéder que la population est majoritairement pieuse, il est une vérité incontestable que les Congolais ne sont pas tous des croyants ; parmi eux, on trouve également des non-croyants, des agnostiques, des athées, etc. Ce qui, du point de vue de la laïcité, est discriminatoire. L’institution d’un régime constitutionnel laïque devait ipso facto impliquer que la religion ou la croyance cesse d’être un outil de l’administration.Â
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Ainsi, la laïcité telle qu’il ressort des débats, semble fondamentalement revêtir un caractère négatif, compris dans le sens du rejet de la religion plus qu’une neutralité à son égard. Dans ce sens, elle apparaît comme un sujet de discorde alors qu’il n’en devrait pas en être ainsi ! Cela n’est pas nouveau car, le même constat fut fait par GILLES KEPEL [1991] » qu’il n’existe que deux options : soit la séparation du spirituel et du temporel est refusée et il n’y a alors aucune place pour la laïcité, puisque la religion n’est plus simplement une affaire privée mais le fondement et la règle de la société ; soit la laïcité est acceptée et la religion ne peut s’imposer à l’ensemble des citoyens comme une morale collective et un principe de société.Â
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Pour notre part, il y a nécessité de définir un équilibre et une claire distinction entre le domaine spirituel et les affaires publiques ; car, la laïcité n’est pas la négation des religions, mais le respect de la liberté de conscience et de la neutralité de l’État et de ses acteurs.Â
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Me Joseph YAV KATSHUNG
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