Le sort des avenants en matière immobilière : Entre autonomie contractuelle et compétence arbitrale !

Publié le 18/08/2025 Vu 92 fois 0
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Le litige sur des avenants immobiliers attaqués pour dol soulève-t-il la compétence spéciale du juge immobilier ou celle de l’arbitre en vertu de la clause compromissoire étendue aux actes accessoires ?

Le litige sur des avenants immobiliers attaqués pour dol soulève-t-il la compétence spéciale du juge immob

Le sort des avenants en matière immobilière : Entre autonomie contractuelle et compétence arbitrale !

Les Faits : Dans les opérations immobilières, l’avenant occupe une place stratégique car il modifie, précise ou complète l’acte de vente - le contrat principal - sans en altérer la structure fondamentale. Pourtant, lorsqu’un litige survient sur sa validité, se pose une double question juridique : l’avenant relève-t-il de la compétence du juge du lieu de situation de l’immeuble ou de celle de l’arbitre désigné par une clause compromissoire du contrat initial ?

Ce dilemme met en tension deux piliers du droit contractuel contemporain : l’autonomie de la volonté et la compétence juridictionnelle. Le litige qui nous occupe s’inscrit dans une vente immobilière portant sur des parcelles situées à Mbujimayi, au sein de laquelle deux avenants sont attaqués pour dol devant le TGI Kinshasa-Gombe sous RC 129053, alors que l’acte de vente comporte, au point 16, une clause compromissoire stipulant que tout différend relatif à son interprétation ou son exécution sera tranché par arbitrage à Mbujimayi, selon un règlement convenu.

Au cœur du débat se trouvent donc deux interrogations : la qualification juridique de l’action (matière immobilière ou litige contractuel distinct) et l’extension d’une clause compromissoire aux avenants. Ces questions invitent à croiser le droit interne congolais, le droit français et les dispositions uniformes de l’OHADA.

En Droit : L’avenant est un acte contractuel modificatif qui ne prend sens qu’en référence au contrat initial. Il n’en crée pas un nouveau, il se contente d’en modifier, compléter ou préciser certaines clauses, tout en laissant subsister celles qui ne sont pas affectées. Pour produire effet, il doit être signé par toutes les parties et respecter les conditions générales de validité des conventions. Lorsqu’une divergence survient entre l’avenant et le contrat initial, l’avenant prévaut sur les stipulations modifiées, car il incarne la volonté actualisée des parties.

En droit congolais, conformément au Code des obligations et contrats, l’avenant est qualifié de convention accessoire qui devient partie intégrante du contrat initial dès sa formation régulière. Il peut être annulé pour vice du consentement sans nécessairement entraîner la nullité du contrat principal, sauf si leur indivisibilité est avérée. Sur la compétence territoriale, l’article 136 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 érige en compétence exclusive celle du juge du lieu de situation de l’immeuble pour toute « matière immobilière ».

Les juridictions congolaises adoptent ici un critère matériel : dès lors que la demande, fût-ce indirectement, affecte un droit réel immobilier (formation, validité ou exécution), elle relève de cette compétence spéciale. La tentative du demandeur de faire primer l’article 130 de la susdite loi organique (règle de droit commun fondée sur le domicile du défendeur) se heurte donc à la spécialité de l’article 136, conformément à la jurisprudence de la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe du 12 mai 2021.

Quant à la clause compromissoire, son extension naturelle aux avenants est consacrée par l’Acte uniforme OHADA relatif au droit de l’arbitrage (art. 4 et 13) et confirmée par la CCJA (arrêt n° 042/2020 du 17 déc. 2020). La jurisprudence française (Cass. 1re civ., 27 mars 2007, n° 04-20.842) et OHADA convergent, sauf stipulation expresse contraire, les avenants relevant de l’exécution du contrat initial entrent dans le champ de la clause arbitrale, y compris lorsqu’ils sont attaqués pour nullité pour dol. Seule une fraude directement dirigée contre la convention d’arbitrage permettrait d’écarter l’instance arbitrale. En pratique, cette articulation produit une double conséquence.

D’une part, le juge étatique saisi doit, en vertu de l’article 13 AUA se déclarer incompétent au profit de l’arbitre désigné dès lors que la clause est valide et applicable. D’autre part, la compétence territoriale spéciale ancrée dans le lieu de situation de l’immeuble reste la référence si, pour une raison quelconque, l’arbitrage est inapplicable.

Ce litige illustre donc la primauté des qualifications objectives sur les stratégies procédurales visant à contourner une compétence, ainsi que la force d’extension naturelle des conventions d’arbitrage dans une chaîne contractuelle unitaire. Il rappelle enfin que, dans la hiérarchie contractuelle, l’avenant est indissociable du contrat qu’il complète, tout comme le choix juridictionnel des parties ne se fragmente pas au gré des contestations partielles. Mais hélas, le TGI s’est égaré du bon droit !

Me Joseph YAV KATSHUNG, Arbitre agréé au CAMC-O

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