Les faits : Le terme « ubérisation » est un néologisme qui provient de l’entreprise UBER qui a généralisé à l’échelle planétaire un service de Voiture de Transport avec Chauffeur communément appelée VTC, entrant directement en concurrence avec les taxis habituels, non sans faire des clashs et des bosses. En RDC, ce modèle a été adopté dans plusieurs villes, mais son application à Kinshasa a récemment pris une tournure controversée avec l’exclusion de toutes les plateformes concurrentes au profit de YANGO. Cette situation appelle une analyse croisée en fait et en droit.
En Droit : Bien qu’Uber ne soit pas encore présent en RDC, des initiatives locales s’inspirent de ce modèle pour organiser le transport de passagers et de marchandises. C’est donc un phénomène en développement, notamment dans les grandes villes comme Kinshasa et Lubumbashi. Ce modèle, bien que porteur d’opportunités, soulève également des questions cruciales sur la régulation juridique du secteur et sur la capacité des acteurs à protéger les droits des consommateurs.
Le premier aspect problématique réside dans le comportement abusif de certains chauffeurs. En effet, des dérives telles que la négociation forcée des tarifs, l’imposition de pratiques de surcharge ou encore la diffusion de messages frauduleux se multiplient. Ces comportements, souvent motivés par l’appât du gain, portent atteinte à la transparence initialement promise par les plateformes. De tels agissements sapent non seulement la confiance des usagers, mais posent également la question de savoir si la responsabilité incombe uniquement aux chauffeurs ou si celle-ci est partagée avec les plateformes qui ne réussissent plus à en contrôler efficacement l’application des règles internes. Cette situation complexifie la répartition des responsabilités.
D’une part, les chauffeurs sont tenus de respecter le cadre contractuel établi par la plateforme, lequel doit inscrire une logique de transparence et de respect des tarifs affichés. En cas de manquement, ils s’exposent à des sanctions contractuelles et, potentiellement, à une requalification de leur statut professionnel par les tribunaux. D’autre part, les plateformes ont une responsabilité essentielle dans le contrôle et la régulation des comportements de leurs partenaires. La défaillance de ces mécanismes, souvent mise en lumière par des pratiques frauduleuses telles que la diffusion de fausses notifications ou l’imposition de négociations tarifaires, engage la responsabilité de la plateforme sur le plan civil et parfois pénal. Pour pallier ces dérives potentielles, il est essentiel que les plateformes de transport adoptent une démarche de transparence totale.
Cerise sur le gâteau, à Kinshasa, un communiqué du Ministère Provincial des Transports, du 14/07/2025, interdit – à l’exception de YANGO - toutes les autres plateformes d’exercice à Kinshasa alors que l’essor mondial des VTC repose sur la concurrence entre plateformes numériques. Ce modèle favorise la baisse des coûts, l’innovation technologique et la flexibilité pour les usagers. La décision d’octroyer l’exclusivité à YANGO bouleverse ce paradigme concurrentiel et soulève des questions d’équité et de transparence.
Le communiqué justifie le monopole accordé à YANGO par des raisons administratives et sécuritaires. Or, cette décision fait débat : la concentration du marché entre les mains d’une société - dirigée de surcroit par le fils du ministre national des Transports - soulève une question éthique majeure. Ce lien familial, s’il n’est pas encadré par des mécanismes de contrôle et de déclaration d’intérêts, peut constituer une violation du droit à la concurrence et une atteinte à l’intégrité des institutions publiques.
Le communiqué ne prend pas en compte les effets négatifs du monopole sur les chauffeurs indépendants, qui perdent leur liberté de choix, ni sur les usagers, confrontés à une hausse des prix et à une réduction de l’offre. Une politique de mobilité urbaine doit intégrer les dimensions sociales, économiques et technologiques de manière équilibrée.
Me Joseph YAV KATSHUNG