Les faits : A l’ère du numérique et de l’Intelligence Artificielle, le monde bouge ainsi que les lignes de notre vie quotidienne y compris le droit de la preuve. Jusqu’où irons-nous ?
Le droit de la preuve comprend l’ensemble des règles qui encadrent la preuve en justice, c’est-à-dire l’opération visant à faire reconnaître par un juge la véracité d’une allégation contestée. Si l’histoire du droit montre que l’existence de ce corpus est intemporelle, elle révèle aussi que son contenu a toujours été soumis à l’influence de divers facteurs et, en particulier, à celle du progrès technique. Peut-on en RDC, ce jour, faire usage des captures d’écran comme preuves numériques admises pour prouver certains faits juridiques ? Voilà l’intérêt de cette note qui se veut plus cogitative qu’informative.
En Droit : En droit civil, une preuve est un moyen utilisé devant les juges par l’une des parties afin de confirmer l’authenticité d’un document, prouver l’existence d’une information afin d’appuyer sa prétention, établir une chronologie, etc. Le droit congolais reconnait 5 modes de preuves : par écrit ou preuve littérale, par témoins, par présomption judiciaire, l’aveu et le serment.
La dématérialisation des documents et des échanges a entraîné l’essor de preuves sous une nouvelle forme : on parle désormais de preuves électroniques, de preuves dématérialisées ou encore de preuves numériques pour des preuves produites au moyen d’un procédé électronique. Un email, une capture d’écran, un message instantané ou encore un document signé de manière électronique sont des exemples de preuve électronique qui peuvent être utilisés en cas de litige, et cette liste est non exhaustive. Mais quelle est sa valeur en droit surtout pour la capture d’écran qui consiste à prendre en photo, grâce à une fonctionnalité spécifique, l’écran d’un téléphone ou d’un ordinateur ? L’image ainsi obtenue indique le contenu de ce qui est affiché sur l’écran, permettant, soit de conserver, soit de publier ou encore de transmettre rapidement une information, sans avoir à la télécharger.
La capture d’écran, recevable en tant que preuve devant un tribunal ? En RDC, l’Ordonnance-loi n°23-010 du 13 mars 2023 portant code du numérique encadre l’utilisation des preuves électroniques. Les captures d’écran, en tant que preuves numériques, sont admises pour prouver certains faits juridiques, mais dans les faits, elles revêtent rarement un caractère « irréfutable » et doivent donc remplir certaines conditions pour être considérées comme valables [authenticité, intégrité, reproductibilité et fiabilité]. Ainsi, au regard de l’article 95 du Code du numérique, la preuve sous forme électronique a la même force probante et est admise au même titre que la preuve sous forme non-électronique, sous réserve que puisse être identifiée la personne dont elle émane, et qu’elle soit établie et conservée dans des conditions qui en garantissent l’intégrité et la pérennité … Et c’est là que se situe toute la subtilité : Comment garantir l’intégrité de la capture d’écran entant qu’image électronique ?
Quoi qu’il en soit, même authentifiée la valeur probatoire de la capture d’écran reste à l’appréciation du juge. Ce dernier tranchera en utilisant son intime conviction…s’il en a encore au regard de l’état malade de la justice en RDC. Toujours rien sous le soleil ? La législation et la pratique judiciaire doivent continuer à évoluer avec l’essor de la technologie, et il est de plus en plus nécessaire d’adapter les règles de la preuve pour encadrer ces nouvelles formes de preuve dématérialisée. Et ça sera justice.
Le débat reste donc ouvert !
Me Joseph YAV KATSHUNG