Le droit de garder secret le lieu de son domicile ou sa résidence au nom du respect de la vie privée

Publié le Modifié le 02/04/2015 Vu 87 326 fois 13
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Dans quelle mesure une personne peut-elle s’opposer à la révélation de son domicile ou de sa résidence au nom du respect de la vie privée ?

Dans quelle mesure une personne peut-elle s’opposer à la révélation de son domicile ou de sa résidence a

Le droit de garder secret le lieu de son domicile ou sa résidence au nom du respect de la vie privée

Le droit français accorde une protection particulière au domicile des personnes.

La raison en est que pour beaucoup le domicile coïncide avec la résidence principale c’est-à-dire le lieu où la personne mène habituellement sa vie personnelle et familiale.

A ce titre, le domicile ou la résidence est considéré comme un élément de la vie privée.

Pour mémoire, l’article 9 du Code civil dispose :

« Chacun a droit au respect de sa vie privée. »

Par ailleurs, le droit au respect de la vie privée est un droit de l’homme et une liberté publique reconnus par la Déclaration universelle des droits de l’homme et par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

Même si le législateur ne fait pas expressément référence au domicile ou à la résidence dans l’énoncé de l’article 9 du code civil, la Cour de cassation considère le domicile comme un élément de la vie privée.

En effet, la Cour de cassation a jugé que :

« la divulgation du domicile d'un agent par l'Administration sans son accord constituerait une atteinte à la vie privée » (Cass. Civ. 1re, 6 novembre 1990, Bull. civ. I, n° 238).

La Cour de cassation va même plus loin en affirmant le droit pour chacun de s’opposer à la recherche et à la révélation du lieu de son domicile ou de sa résidence.

Ainsi, chaque individu est en droit de s’opposer à la recherche par les tiers de son adresse lorsqu’elle n’a pas fait l’objet d’une publicité destinée à tous et à sa divulgation par une personne qui la connaît même si elle n’est pas tenue au secret professionnel (article 378 du Code pénal).

Cependant, le secret de l’adresse n’est pas pour autant  absolu puisque le droit au secret de l’adresse cède devant le droit des créanciers d’obtenir paiement de leurs créances.

En effet, La Cour de cassation a, depuis longtemps, refusé que les droits fondamentaux soient invoqués par un débiteur pour se soustraire à ses obligations.

Ainsi, la haute juridiction écarte le droit au secret de l’adresse lorsque le refus de communiquer le lieu de son domicile ou de sa résidence n’est dicté que par le dessin illégitime de se soustraire à l’exécution de ses obligations.

Par conséquent, toute personne ayant un intérêt légitime, notamment le créancier d’une obligation inexécutée, ignorant l’adresse de son débiteur, est admis à rechercher ce renseignement, au besoin, auprès des tiers détenant des informations utiles au sujet du débiteur.(notamment les banques, l’Etat, les collectivités locales, les administrations publiques, l’employeur du débiteur …)

Pour ce faire, il faut réunir deux conditions :

- D’abord, la communication de l’adresse sans le consentement de l’intéressé doit avoir pour but la sauvegarde d’un droit légalement reconnu ou judiciairement constaté.

- Ensuite, le titulaire du droit ne peut invoquer des motifs légitimes pour s’opposer à la communication de son adresse.

L’arrêt de la Cour de cassation rendu le 19 mars 1991 offre l’occasion de rappeler ces règles. 

En l’espèce, une personne débitrice d’une certaine somme d’argent avait quitté son domicile sans laisser d’adresse à son créancier, la société Locunivers.

L’huissier de justice chargé de l’exécution a appris qu’elle était employée par les Hospices civils de Lyon, à qui il a demandé de lui faire connaître sa nouvelle résidence.

Les Hospices civils de Lyon  invoquaient  l'article 9 du code civil pour ne pas communiquer à la société Locunivers créancière l'adresse de l'employée en question.

Devant leur refus, la société Locunivers les a assignés en référé pour qu'il leur soit ordonné sous astreinte de fournir ce renseignement.

La cour d’appel de Lyon avait jugé que la contestation excédait la compétence du juge des référés.

La Cour de cassation a cependant désavoué les juges du fond en estimant que :

« si toute personne est en droit, notamment pour échapper aux indiscrétions ou à la malveillance, de refuser de faire connaître le lieu de son domicile ou de sa résidence, de sorte qu’en principe sa volonté doit être sur ce point respectée par les tiers, il en va autrement lorsque cette dissimulation lui est dictée par le seul dessein illégitime de se dérober à l’exécution de ses obligations et de faire échec aux droits de ses créanciers ; qu’il appartient au juge des référés de mettre un terme à une telle manœuvre frauduleuse, dès lors que celle-ci est manifeste » (Cass. Civ. 1ère, 19 mars 1991, pourvoi n° 89-19.960) 

Par cet arrêt, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel le fait de refuser de communiquer son domicile ou sa résidence pour faire échec à ses obligations est une manœuvre frauduleuse qu'il appartient au juge des référés de faire cesser lorsqu'elle est manifeste.

Cette solution est à saluer car le domicile n’est pas uniquement le lieu où se déroule la vie privée et familiale d’une personne.

En effet, le domicile est le siège de la personne physique. C’est le lieu où il est possible de joindre la personne pour la mise en œuvre du rapport de droit ; c’est-à-dire le lieu où les particuliers et les administrations ont la possibilité de la joindre lorsque c’est nécessaire. C’est notamment le lieu où l'on paie ses impôts, où l'on est inscrit sur les listes électorales, où l'on reçoit sa correspondance.

C’est surtout le lieu où les créanciers sont sensés réclamer le paiement de leurs créances ou procéder à une saisie sur les biens du débiteur.

En effet, lorsque la dette est quérable, le créancier est tenu de se présenter au domicile de son débiteur pour obtenir paiement.

A ce titre, l’article 1247, alinéa 3 du code civil dispose:

« le paiement doit être fait au domicile du débiteur ».

Par conséquent, il faut que le domicile soit connu faute de quoi il ne peut remplir ce rôle.

La Cour de cassation établit ainsi un compris entre le droit au respect de la vie privée et le droit du créancier de l’obligation inexécutée.

Elle permet à toute personne ayant un intérêt légitime, notamment, le créancier d’une obligation inexécutée, ignorant l’adresse de son débiteur, de rechercher ce renseignement, au besoin, auprès d’autres cocontractants de son débiteur mieux informés (banques, employeur, Etat, collectivités locales…)

Pour cela, la Cour de cassation donne compétence au juge des référés, déjà habilité pour faire cesser les atteintes à l’intimité de la vie privée, pour mettre un terme au refus de communication de l’adresse, dès lors qu’elle résulte d’une manœuvre frauduleuse manifeste.

Aujourd’hui, la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 dite loi Béteille va plus loin en élargissant l’accès à l’information de l’huissier de justice chargé de l’exécution et porteur d’un titre exécutoire, en lui permettant d’obtenir des renseignements directement auprès des tiers qui les détiennent sans passer par le juge des référés.

Ainsi, les administrations de l'Etat, des régions, des départements et des communes, les entreprises concédées ou contrôlées par l'Etat, les régions, les départements et les communes, les établissements publics ou organismes contrôlés par l'autorité administrative doivent communiquer à l'huissier de justice chargé de l'exécution, porteur d'un titre exécutoire, les renseignements qu'ils détiennent permettant de déterminer l'adresse du débiteur, l'identité et l'adresse de son employeur ou de tout tiers débiteur ou dépositaire de sommes liquides ou exigibles et la composition de son patrimoine immobilier, à l'exclusion de tout autre renseignement, sans pouvoir opposer le secret professionnel. (Article L 152-1 du Code des procédures civiles d’exécution)

Toutefois, ces informations sont strictement limitées au cadre légal. Elles ne pourront être utilisées que dans la seule mesure nécessaire à l’exécution du ou des titres pour lesquels elles ont été demandées. Il est notamment interdit à l’huissier de justice de les communiquer à un tiers (Cass. Civ. 1ère , 22 mars 2012, n° 10-25811) ou de les réunir en un fichier nominatif.

Yaya MENDY

Etudiant en droit

Préparant l’examen d’entrée au CRFPA

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1 Publié par Visiteur
29/01/2015 18:38

Bonjour,

Excellent article :)

Juste 1 question et un point à soulever :

- L'employeur est-il tenu légalement de fournir à l'huissier l'adresse de son salarié débiteur d'une créance ?
Vous le mentionnez dans votre article sans faire référence à un texte de loi ou à une jurisprudence ( "auprès d’autres cocontractants de son débiteur mieux informés (banques, employeur, Etat, collectivités locales…" )...C'est mentionné sur pas mal d'autres sites mais toujours sans produire la loi ou la jurisprudence.

- Je vous cite : "Il est notamment interdit à l’huissier de justice de les communiquer à un tiers".
Je travaille pour un organisme de recouvrement de créances. Si vous saviez le nombre d'huissiers qui nous communique spontanément les adresses de certains débiteurs ... parfois les noms, numéros de compte et adresses des banques aussi ...

2 Publié par Visiteur
26/07/2017 22:13

Tapez votre texte ici pohttp://www.local.fr/
http://french-directory.review/

ces deux sites se prennet pour les pages blanches et publient les coordonnées des gens sans leurs consentement faisant d'eux des cibles, pour le phishing, les spams et autres arnaques, je les ai contacté pour supprimer mes coordonnées mais rien et les coordonnées sont toujours là, et le pire c'est que le site frenchy je sais pas quoi est un site américain qui du coup propose les coordonnées de tout le monde dans le monde entier.
en espérant que quelqu'un pourra faire quelque chose voir supprimer ces sites foireux ^^

3 Publié par Visiteur
09/04/2018 10:21

Bonjour
La tutrice de mon frere trisomique,peut elle m obliger d avoir mon adresse ,pour me donner mon petit frere merci de votre aide

4 Publié par Visiteur
29/04/2018 12:14

Bonjour,
J'ai déménagé il y a plus d'un an j'ai eu une saisie attribution le 06/04/18 sur mes comptes comptes bancaire donné par un juge (titre exécutoire). Je n'ai pas eu la dénonciation car l'huissier est venu à mon ancienne adresse le 13/04/18.
Je ne me cache pas, tous les organismes ainsi que ma banque connaissent ma nouvelle adresse.
Apparemment, mon nom est toujours sur la boîte aux lettres mais c'est à l'agence de location d'appartement de faire son travail en enlevant mon nom depuis le temps.
Puis-je saisir le juge de l'exécution car je n'ai pas été informée dans les 8 jours après la saisie et donc la procédure devient caduque ?

5 Publié par Visiteur
12/06/2018 00:43

Une négociatrice indépendante à communiqué l'adresse d'un ancien locataire à un détective privé reconnu en préfecture que risque l'agence car le locataire évoque l'article 9 du code civil merci de votre réponse et avez vous eu connaissance d'un tel cas?

6 Publié par Visiteur
22/06/2018 19:34

Mon employeur(un syndicat) a mandaté un huissier de justice en lui communiquant l'adresse de mon domicile pour récupérer les clefs du bureau et tous les effets concernant le travail pour la raison suivante.
Non suivie de l'orientation syndical.
L'huissier est donc intervenue à mon domicile.
Mon employeur est il en droit de communiquer mon adresse personnel.

7 Publié par Visiteur
01/12/2018 19:35

mon frère a t il le droit de changer l'adresse de maman qui est en maison de retraite, il ne fait aucun dossier
mais est très intéressé à ses comptes qu'il a sérieusement débité

8 Publié par Steph97430
08/02/2021 15:58

Bonjour, est ce que les administrations de département ou de communes, ont le droit exigé mon adresse postale ?
Cordialement,
STEPH974

9 Publié par eric95
15/02/2021 12:05

Bravo yaya, je cherchais ce texte depuis longtemps ! merci pour toutes ces explications accessible à tous par leurs clartés.

10 Publié par brengr07
29/04/2021 11:37

Bonjour,

Le directeur général de l'entreprise dans laquelle je travaille a transmis les attestations employeurs (dans le cadres des mesures sanitaires liées au covid 19) par mail aux assistantes et responsables de services ; ces attestations lui avaient été transmises par le service RH du groupe. Sur ces attestations figurent les adresses personnelles de chacun des salariés. Le salarié peut-il avoir un recours face à cette divulgation d'adresse personnelle ?
Merci d'avance de votre réponse.
Cordialement

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A propos de l'auteur
Blog de Yaya MENDY

Passionné du droit des assurances, j'ai le privilège de travailler au sein de La Médiation de l'Assurance, où je contribue à résoudre des litiges entre les assureurs et les assurés. Mon rôle consiste à proposer des avis visant à mettre un terme aux différends, tout en travaillant activement à améliorer les pratiques au sein du secteur de l'assurance.

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