Le 18 septembre 2015, le Conseil d'État a admis la possibilité de transférer une autorisation ou une convention d'occupation du domaine public, à la condition que le gestionnaire de ce domaine donne son accord par écrit. (CE, 18 sept. 2015, Société Prest'air, req. n°387315)
En l'espèce, une société de transport aérien occupait le hangar d'une autre société dont elle avait repris l'activité et situé sur le domaine public de l'aéroport de Cayenne - Félix Eboué - en Guyane.
À la demande de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de la région Guyane, gestionnaire de l'aéroport, le tribunal administratif de Cayenne a ordonné à la société de libérer le hangar au motif qu'elle occupait irrégulièrement le domaine public aéroportuaire. Cette dernière s'est alors pourvue en cassation.
Saisi de la question, le Conseil d’Etat précise clairement :
« Qu’il ne peut y avoir transfert d'une autorisation ou d'une convention d'occupation du domaine public à un nouveau bénéficiaire que si le gestionnaire de ce domaine a donné son accord écrit ».
A contrario, le Conseil d’Etat admet donc que le transfert d'une convention d'occupation du domaine public est possible en cas d’accord écrit du gestionnaire de ce domaine.
Ce faisant, la haute juridiction tranche une question controversée.
En effet, une autorisation d'occupation du domaine public est par nature personnelle et ne peut être transmise à un tiers.
Ces autorisations sont accordées à titre personnel à l'exploitant et doivent être renouvelées à chaque changement d'exploitant. Elles ne font pas partie des éléments constitutifs d’un fonds de commerce et ne confèrent à son titulaire aucun droit de cession ni de sous location.
Par conséquent, lors de la cession d’un fonds de commerce, l’autorisation d’occupation du domaine public par étalage ou terrasse est annulée de plein droit. Le nouveau propriétaire du fonds doit, dès lors, demander une nouvelle autorisation. Il ne peut pas se prévaloir de l’ancien.
Cette solution est fondée sur les principes généraux que constituent l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité du domaine public inscrits dans le code général de la propriété des personnes publiques.
Par ailleurs, une récente réponse ministérielle est venue rappeler le statut juridique des terrasses exploitées par les professionnels de la restauration sur le domaine public.
En effet, le 10 septembre 2013, un député a attiré l'attention du ministre de l’artisanat, commerce et tourisme sur l'hypothèse du droit d'exploitation d'une terrasse pour les professionnels de la restauration.
La question était de savoir si, dans un but de sécurisation du droit de terrasse, un nouveau statut juridique pourrait être envisagé qui rattacherait cette autorisation à l'exploitation et non à l'exploitant.
La réponse ministérielle est très fermement négative.
En effet, aux termes de celle-ci « les installations de terrasses sont soumises à autorisation préalable du maire, après avis du préfet de police à Paris. Ces autorisations sont temporaires, précaires et révocables. Cette autorisation d'occuper la voie publique est délivrée à titre personnel et ne comporte, sauf dérogations relatives aux commerces accessoires, aucun droit de cession ou de sous-location. Ainsi, lors de la cession d'un fonds de commerce, cette autorisation est annulée de plein droit ; le nouveau propriétaire du fonds doit alors demander une nouvelle autorisation. Le "droit de terrasse" ne fait donc pas partie des éléments du fonds de commerce et il n'est pas envisagé de l'y 'incorporer (…), aucune modification du régime juridique encadrant le droit de terrasse n'est à l'ordre du jour. »(Réponse publiée au JO le : 07/01/2014 page : 79)
Le ministre réaffirme ainsi le caractère personnel, et donc précaire, de cette autorisation, en contemplation des articles L. 2122-1 à 2122-3 du code général de la propriété des personnes publiques.
En outre, certaines juridictions administratives ont laissé à penser que l’administration ne pouvait pas autoriser le titulaire d’une autorisation d’occupation du domaine public à la céder à un tiers en considérant qu’«il n’appartient pas à l’administration de donner au titulaire d’une autorisation d’occupation du domaine public maritime, laquelle est, en raison de la nature même du domaine public, strictement personnelle et révocable, l’autorisation de transférer cette autorisation » (CAA Marseille, 15 mai 2003, Commune de Saint-Laurent-du-Var, n° 00MA00118 ; voir également CE, 10 mai 1989, Munoz, n° 73146)
Cependant, cherchant à sécuriser le nouvel acquéreur d’un fonds de commerce qui souhaite bénéficier d’une autorisation temporaire, l’article 72 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, donne la possibilité au nouvel acquéreur d’un fonds de commerce de demander à l’autorité compétente une autorisation d’occupation du domaine public avant l’exploitation effective du fonds.
Dans le même ordre d’idée, une décision du Conseil d’Etat du 10 janvier 2011 admettait déjà la faculté d’une cession des conventions d’occupation du domaine public, à condition qu’elle soit prévue dans le titre d’occupation lui-même (CE, 10 janvier 2011, Ville de Paris, n° 323831).
L’arrêt du Conseil d’Etat du 18 septembre 2015 va encore plus loin.
A le suivre, la personne publique gestionnaire du domaine peut autoriser la cession d’un titre d’occupation du domaine public, sans qu’il soit pour cela besoin que le titre lui-même envisage cette possibilité. Il suffit juste que l’organisme gestionnaire du domaine public donne son accord écrit, pour permettre la cessibilité de l’autorisation d’occupation du domaine public.
Dans cette hypothèse, l'autorisation d’occupation du domaine public par étalage ou par terrasse serait attachée à l'activité et non à son exploitant. Cela permettrait d'y voir un élément constitutif du fonds de commerce lui-même.
Par conséquent, lors de la vente du fonds de commerce, cet élément pourrait être distinctement identifié et valorisé spécifiquement. Le cessionnaire du fonds trouverait ce droit dans l'universalité juridique transmise.