Obligation de délivrance conforme du vendeur

Publié le 06/05/2015 Vu 76 799 fois 6
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Quelle est l’étendue de l’obligation de délivrance conforme du vendeur ?

Quelle est l’étendue de l’obligation de délivrance conforme du vendeur ?

Obligation de délivrance conforme du vendeur

L’obligation de délivrance conforme est définie à l’article 1604 du Code civil qui dispose « la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur ».

L’obligation de délivrance renvoie, en premier lieu, à l’idée de transmission de la maîtrise essentiellement matérielle de la chose. L’acheteur doit en effet être mis en mesure de prendre possession du bien.

En second lieu, l’obligation de délivrance s’entend de la délivrance d’une chose conforme aux prévisions contractuelles.

Pour apprécier la conformité de la chose, on compare les caractéristiques de la chose livrée à celles de la chose qui faisait l’objet du contrat. Il faut dès lors se réfère aux stipulations contractuelles.

L’obligation de délivrance conforme se définit alors comme l’exigence de correspondance de la chose vendue aux normes définies au contrat.

I. Conditions d’application

Quant aux caractéristiques du défaut retenu:

La notion de conformité renvoie à des réalités différentes.

En effet, il peut s’agir soit :

  • de la conformité eu égard à la quantité de choses vendues.

  • de la conformité eu égard à la qualité de la chose vendue.

Concernant la qualité de la chose vendue, une différence est à établir entre :

  • la vente d’un corps certain,

  • et la vente d’une chose de genre.

Les choses de genre ou biens fongibles sont celles qui sont interchangeables avec d’autres. Exemple : les biens de l'électroménager neuf, une tablette numérique, un ordinateur portable.

Au contraire, des biens sont des corps certains lorsqu'ils sont considérés dans leur individualité, qu'ils apparaissent uniques, non interchangeables avec d'autres, on parle à leur propos de biens non fongibles. Par exemple : les immeubles, un tableau d’art, une sculpture…

Si la vente porte sur un corps certain, l’obligation de délivrance conforme s’entend de la conformité de la chose en elle-même.

Dès lors, toute différence entre la chose livrée et la chose convenue, même minime, constitue un manquement à l’obligation de délivrance conforme du vendeur.

Ainsi, manque à son obligation de délivrance conforme, le vendeur qui avait fait parvenir à un acheteur, un exemplaire d'un livre avec indication d'un numéro justificatif de tirage différent de celui qui était initialement prévu même s’il n'existait aucune différence entre les deux exemplaires. (Cass. civ. 1ère, 26 novembre 1980, pourvoi n° 79-14547)

Par contre, si la vente porte sur une chose de genre, l’exigence d’identité ne porte plus sur la chose en elle-même, mais sur les caractéristiques de celle-ci.

En effet, selon la Cour de cassation, « le vendeur est tenu de délivrer une chose dont les caractéristiques correspondent à la commande et l'acheteur ne peut être tenu d'accepter une chose différente ».

Dès lors,  encourt la cassation l'arrêt qui, pour débouter l'acquéreur d'un mobilier de son action en résolution fondée sur la circonstance que les ferrures et couleurs des bois des meubles livrés ne correspondaient pas à sa commande, énonce que ces différences n'en modifiaient pas profondément l'aspect. (Cass. civ. 1ère, 1er décembre 1987, pourvoi n° 85-12046)

De même, encourt la cassation l’arrêt de la cour d'appel qui, pour déclarer que les légers défauts de fonctionnement et esthétiques d’un véhicule neuf n'ouvraient pas l'action pour défaut de conformité aux stipulations contractuelles, énonce que l'effraction du véhicule en cause, avant la vente, avait des conséquences mineures réparables sans laisser de traces et n'était pas d'une gravité suffisante pour faire déclasser ce véhicule neuf en véhicule d'occasion. (Cass. civ. 1ère, 3 mai 2006, pourvoi n° 04-20432)

Quant à la date d’appréciation du défaut de conformité :

Selon la Cour de cassation, le défaut de conformité s’apprécie, sauf stipulation contraire, au jour de la délivrance. (Cass. civ. 1ère, 7 mai 2008, pourvoi n° 06-20408)

II. Régime applicable

Délai pour agir :

Le délai est de cinq ans à compter du jour de la délivrance (article 2224 du code civil).

Sort des clauses contractuelles dérogatoires :

En principe, les clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité sont valables, conformément au droit commun des contrats. (Cass. civ. 1ère, 20 décembre 1988, pourvoi n° 87-16369)

Toutefois, dans les ventes entre vendeurs professionnels et consommateurs, les clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité sont réputées non écrites, car elles contreviennent à la prohibition des clauses abusives (article R. 132-1 du code de la consommation).

Preuve du défaut de délivrance :

La preuve est rapportée en deux temps :

- avant le paiement du prix, il incombe au vendeur d’apporter la preuve de la délivrance (article 1315, alinéa 2 du code civil) ;

- une fois la délivrance établie ou accomplie, il revient à l’acheteur de prouver un défaut de conformité. (Cass. com. 16 juin 1987, pourvoi n° 86-12178)

Importance de la réception :

En principe, la réception de la chose vendue couvre les défauts apparents de sorte que la réception sans réserves implique que l’acheteur a accepté la chose livrée pour conforme au contrat. (Cass. civ. 1ère, 12 juillet 2005, pourvoi n° 03-13851)

Toutefois, l'obligation de délivrance de produits complexes n'est pleinement exécutée qu'une fois réalisée la mise au point effective de la chose vendue, peu importe la signature d’un procès verbal de réception sans réserve par l'acheteur. (Cass. com., 10 février 2015, pourvoi n° 13-24501)

III. Sanctions applicables

Avant la délivrance :

Avant la délivrance, l’acheteur peut tout simplement refuser de prendre livraison de la chose en application de l’article 1184 du code civil.

Après la vente :

En cas de non-délivrance ou de mauvaise exécution plusieurs recours s'offrent à l’acheteur.

Il peut ainsi demander soit :

- l’exécution forcée de la délivrance : article 1610 du code civil

- la résolution de la vente : articles 1610 et 1184 du code civil.

- la condamnation à des dommages-intérêts en application des principes de la responsabilité contractuelle (article 1147 du code civil).

Il convient de noter que l’action en résolution de la vente est indépendante de l’existence d’un préjudice pour l’acheteur.

En effet, le défaut de conformité de la chose aux stipulations contractuelles entraîne la résolution de la vente même si ce défaut est mineur. (Cass. civ. 1ère, 3 mai 2006, pourvoi n° 04-20432)

Particularités en matière de vente immobilière :

La vente immobilière est soumise à un régime différent défini par les articles 1616 à 1623 du code civil ou, en cas de vente d’un lot de copropriété, par l’article 46 de la loi du 10 juillet 1965 (telle que modifié par la loi no 96-1107 du 18 décembre 1996, dite « loi Carrez »).

Ces dispositions permettent une réduction du prix de la vente en cas de différence entre la superficie vendue et la surface réelle du bien.

En effet, la loi offre une tolérance de 5%. Une erreur de plus de 5% de la superficie annoncée dans l’acte de vente permet à l’acheteur de demander une réduction du prix en proportion du nombre de mètres carrés manquants.

Cette garantie de superficie concerne tous les logements à l’exception de ceux qui sont inférieurs à 8 m2.

L’acheteur dispose à cet effet de 2 ans pour agir contre le vendeur.

Particularités en matière de vente d’immeuble à construire :

Aux termes de l’article 1642-1 alinéa 2 du code civil, « il n'y aura pas lieu à résolution du contrat ou à diminution du prix si le vendeur s'oblige à réparer. »

Je reste à votre disposition pour toutes questions supplémentaires.

Yaya MENDY

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1 Publié par Visiteur
11/02/2016 00:55

En effet, pour les immeubles à construire ce ne sont pas ces sanctions qui sont consacrés par le Code civil, mais plutôt les D-I mais pouvez-vous expliquez pourquoi et pouvez-vous nous dire si le juge peut modifier le prix déterminé par les parties en cas de non respect à l'obligation de délivrance et de conformité?

2 Publié par Visiteur
11/02/2016 00:57

Je pense particulièrement à l'arrêt du 10 mars 2015 de la troisième chambre civile.

3 Publié par Visiteur
03/05/2016 10:43

Bonjour,

Merci pour cette clarification. Toutefois je me pose une question d'ordre pratique. L'obligation de délivrance conforme comporte deux aspects : l'accomplissement de la délivrance d'une part, et sa conformité d'autre part. Or, dans le cadre d'un achat sur internet, cette obligation d'accomplir la délivrance ne devrait-elle pas imposer au vendeur la charge du transport et notamment des frais de port ?

4 Publié par Visiteur
10/05/2016 15:56

Bonjour, pou ma maison j'ai acheté un escalier en métal noir à mon constructeur... Je l'ai vu en photo et ils m'ont installé un escalier different de celui prévu sans me consulter! Mon contrat dit "escalier noire avec limon central " sans préciser de modele précis . L'escalier livré est plus gris/vert que noir et comporte bien un limon central... L'absence de précisions dans le contrat peut elle etre un motif de non conformité? Le constructeur a l'oral reconnait que ce n'est pas l'escalier commandé et me propose un dedommagement de 1500€ mais l'escalier m'a couté 5000€

5 Publié par Visiteur
05/04/2017 22:54

Bonjour,
Dans votre article vous dites que (je vous cite):"la réception de la chose vendue couvre les défauts apparents de sorte que la réception sans réserves implique que l’acheteur a accepté la chose livrée pour conforme au contrat." Cependant qu'en est t-il des défauts non apparents? La réception sans réserve de la chose couvre t-elle aussi ces défauts ? Ou peut-être n'est-ce pas possible de caractérisé un défaut de délivrance conforme lorsqu'un défaut n’apparaît aux yeux de l'acheteur que plus tard?
Auriez vous des réponses à me donner concernant ce sujet ? Je vous remercie d'avance et vous souhaite une très bonne soirée.

6 Publié par Visiteur
19/06/2017 18:56

Bonjour,
Pouvez vous m'aider ?
J'ai vendu mon bien le 2 mai et ce même jour je devais en acquérir un autre. J'ai signé le compromis de vente chez un notaire le 22 mars avec réitération prévue le 2 mai date ne pouvant excéder le 16 mai. Or, le 27 avril mon notaire m'apprend qu'il manque la DIA. Donc report d'1 ou 2 jours. Je me retrouve SDF. Le 4 mai j'apprends que la maison est saisie et fait l'objet d'une vente amiable. Puis plus aucune info de la part du notaire. Je prends contact avec un avocat qui envoie un courrier au notaire et vendeur. Aucune réponse du notaire hormis qu'il n'était pas au courant de cette saisie. Les vendeurs n'ont rien dit et signé le compromis où est indiqué que leur situation est fiable, pas d'hypothèques ou cessation de paiement. Finalement il y a quelques jours j'apprends que les vendeurs sont allés en audience d'orientation le juge accorde la vente. Le notaire ne veut pas annuler la vente. Je suis sans domicile depuis le2 mai et je ne peux entrer dans la maison que fin septembre apres le 2eme orientation. Je refuse dàcheter. Les vendeurs ont menti le notaire n'a rien dit. Quel est mon recours ? J'ai obtenu par la publicité foncière que les vendeurs étaient en saisie depuis très longtemps avril 2016. Comment le notaire peut il dire qu'il n'était pas au courant ? En plus le délai est largement dépassé le 16 mai 2017. C'est un vrai cauchemar. Je précise je suis hébergée provisoirement et mes meubles et affaires dans 3 garages. C'est un cauchemar

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A propos de l'auteur
Blog de Yaya MENDY

Passionné du droit des assurances, j'ai le privilège de travailler au sein de La Médiation de l'Assurance, où je contribue à résoudre des litiges entre les assureurs et les assurés. Mon rôle consiste à proposer des avis visant à mettre un terme aux différends, tout en travaillant activement à améliorer les pratiques au sein du secteur de l'assurance.

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