Refus de renouveler un CDD suite à un accident de travail et demande de requalification en CDI

Publié le 30/04/2015 Vu 14 044 fois 2
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Un employeur peut-il refuser de renouveler un CDD d’un salarié durant une période de suspension du contrat consécutive à une maladie professionnelle ou à un accident du travail ?

Un employeur peut-il refuser de renouveler un CDD d’un salarié durant une période de suspension du contrat

Refus de renouveler un CDD suite à un accident de travail et demande de requalification en CDI

Il n’y a pas lieu de requalifier en contrat à durée indéterminée (CDI), nous dit la Cour de cassation, le contrat à durée déterminée (CDD) conclu pour faire face à un accroissement temporaire d’activité dans une entreprise dont l’activité habituelle est la manutention de pneumatique, dès lors que l’existence du surcroît d’activité pendant la période pour laquelle le contrat a été conclu est réelle même si elle est liée à une production supplémentaire adaptée à l’hivers.

C’est ce qui ressort de l’arrêt rendu le 25 mars 2015 par la chambre sociale de la Cour de cassation dans une affaire concernant une demande de requalification d’un CDD en CDI. (Cass. soc, 25 mars 2015, pourvoi n°13-27695)

En l’espèce, un salarié a été engagé par une entreprise dont l’activité habituelle est la manutention de pneumatique en vue de l’aider à faire face à un accroissement temporaire d’activité.

Le contrat de travail signé par le salarié a été conclu pour une durée déterminée de trois mois avec possibilité d’un renouvellement pour une durée égale, inférieure ou supérieure, la durée totale de la relation de travail ne pouvant toutefois excéder 18 mois.

Durant l’arrêt maladie du salarié suite à un accident de travail, l’employeur lui avait notifié que son contrat de travail à durée déterminée ne sera pas renouvelé à son terme.

Contestant ce non renouvellement, le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Il demande ainsi à ce que l’employeur  soit condamné à lui payer une indemnité de requalification, une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ainsi que des dommages intérêts pour licenciement abusif.

Le salarié reprochait à l’entreprise d’avoir refusé de renouveler son contrat sans justifier d’un motif réel et sérieux étranger à l’accident du travail dont il avait été victime.

En effet, selon l’article L. 1226-19 du code du travail, dès lors qu’un contrat de travail à durée déterminée comporte une clause permettant son renouvellement, l’employeur qui décide de ne pas renouveler le contrat de travail du salarié durant une période de suspension du contrat consécutive à une maladie professionnelle ou à un accident du travail doit justifier d’un motif réel et sérieux étranger à la maladie ou à l’accident du salarié.

Se fondant sur cette disposition, le conseil de prud’hommes avait condamné l’employeur à indemniser le salarié en considérant que son refus de renouvellement du contrat de travail à durée déterminée était fautif.

La Cour d’appel n’est pas de cet avis car elle a débouté le salarié de ses demandes en jugeant qu’il n’y avait pas lieu de requalifier son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.

En effet, selon la cour, l’activité de manutention de pneumatique est une activité saisonnière et récurrente de la société correspondant aux besoins spécifiques liés aux périodes hivernales et se répétant chaque année à la même période ; ce qui caractérise l’existence d’un surcroît temporaire d’activité justifiant le recours à un contrat à durée déterminée.

Le salarié s’est alors pourvu en cassation en faisant valoir :

  • d’une part, que le contrat à durée déterminée conclu pour pourvoir un emploi correspondant à l’activité normale et permanente de l’entreprise doit être requalifié en contrat à durée indéterminée. Or selon lui, son recrutement répondait à un besoin correspondant à l’activité normale et permanente de l’entreprise dans la mesure où il avait été recruté pour accomplir des tâches correspondant à une activité habituelle de la société, exercée sur un site unique et se répétant aux mêmes périodes de l’année et,

  • d’autre part, que d’autres salariés recrutés suivant contrats à durée déterminée avaient vu leurs engagements renouvelés pour une durée significative, ce qui est, selon lui, de nature à démontrer que ces tâches correspondent à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Cependant, la Cour de cassation rejette son pourvoi en jugeant :

« Mais attendu qu’après avoir relevé que le contrat de travail avait été conclu, (…), aux fins de faire face à un accroissement temporaire d’activité et que l’employeur exerçait l’activité habituelle de manutention de pneumatiques, la cour d’appel, qui a constaté l’existence, fût-elle liée à une production supplémentaire adaptée à l’hiver, d’un surcroît d’activité pendant la période pour laquelle le contrat avait été conclu, a, sans modifier l’objet du litige, légalement justifié sa décision ».

Ainsi, selon la Cour de cassation,  les juges du fonds ont caractérisé l’existence d’un surcroît d’activité pendant la période pour laquelle le contrat avait été conclu justifiant le recours à un contrat à durée déterminée même si celle-ci est liée à une production supplémentaire adaptée à l’hiver.

Dès lors, nous dit la Haute juridiction, la Cour d’appel a légalement justifié sa décision.

En effet, le code du travail permet à l’employeur de recourir à un contrat à durée déterminée en cas d’accroissement temporaire d’activité dans 4 situations bien précises, à savoir, pour :

  • surcroît temporaire d’activité,

  • exécution d’une tâche occasionnelle précisément définie et non durable ne relevant pas de l’activité normale de l’entreprise,

  • survenance d’une commande exceptionnelle à l’exportation réclamant des moyens supérieurs à ceux dont dispose habituellement l’entreprise,

  • travaux urgents de sécurité, de prévention ou de sauvetage.

Quel que soit le motif utilisé, il doit corresponde à une situation réelle d’accroissement temporaire pour justifier le recours à un contrat à durée déterminée.

Si la situation n’est pas vraiment temporaire ou si elle se prolonge dans le temps, cela peut entrainer, en cas de litige, la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Or, en l’espèce, il est établit que l’entreprise faisait face à un surcroît temporaire d’activité pendant la période pour laquelle le contrat a été conclu correspondant à l’augmentation du cycle de production des pneumatiques et à leur livraison en prévision de la mise sur le marché de pneumatiques spécialement adaptés aux périodes hivernales et de neige.

En outre, l’entreprise justifie le non renouvellement du contrat de travail à durée déterminée du salarié par la fin de la période hivernale dite de « neige» coïncidant avec la fin de l’accroissement de l’activité de manutention de pneumatique pour laquelle il avait été précisément engagé, de sorte qu’elle disposait d’un « motif réel et sérieux étranger à l’accident du travail » requis à l’article L. 1226 19 du code du travail pour justifier le défaut de renouvellement du contrat de travail à durée déterminée.

L’entreprise a donc respecté les dispositions du code du travail. Dès lors, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande du salarié tendant à faire requalifier son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.

Pour conclure, il convient de garder en mémoire que la raison d’être d’un contrat à durée déterminée est de combler un besoin déterminé, provisoire et temporaire de l’entreprise.

Dès lors qu’un employeur a besoin d’un salarié pour un besoin permanent, il n’a plus le droit d’embaucher un salarié en contrat à durée déterminée. A défaut, le contrat de travail pourra être requalifié en contrat à durée indéterminée en cas de litige.

Le contrat à durée déterminée peut également être requalifié en contrat à durée indéterminé lorsque :

  • Le contrat à durée déterminée n’est pas établi par écrit,

  • L’employeur n’a pas transmis le contrat au salarié dans les 2 jours suivant l’embauche,

  • Le contrat de travail omet une mention obligatoire,

  • Le contrat a été conclu pour palier un emploi permanent de l’entreprise,

Lorsqu’il y’a requalification d’un CDD en CDI alors que le contrat de travail est arrivé à son terme, il y’aura requalification de la rupture. La rupture deviendra alors un licenciement sans cause réelle et sérieuse et donnera lieu au paiement d’une indemnité de licenciement.

Par ailleurs, il est interdit d’embaucher un salarié en CDD pour les motifs suivants :

  • Pour remplacer des salariés grévistes,

  • Pour effectuer des travaux dangereux (la liste est fixée par l’article D 4154-1 du code du travail)

  • Pour remplacer un salarié licencié pour motif économique depuis moins de 6 mois (art. L 1242-5 et L 1242-6 du code du travail)

Je reste à votre disposition pour toutes questions supplémentaires.

Yaya MENDY

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1 Publié par Visiteur
04/12/2015 20:51

Merci pour votre analyse et d'avoir exposé le déroulé avec précision.
Peut on poser exposer un cas ici ou est-ce payant ?

2 Publié par Visiteur
13/01/2016 21:20

Bonsoir,
Je suis gérante et patronne d'un restaurant. Je suis tombée enceinte dès la création de mon entreprise. Suite à de multiples hospitalisations j'ai du engager une personne à mes 7 mois de grossesse sous motif d'accroissement temporaire de l'activité afin de combler mon travail effectif au sein de l'entreprise. Lors du renouvellement du contrat j'ai commis une erreur de taille! J'ai mis la date du 1er juillet pour le renouvellement du CDD alors que le 1er cdd de 3 mois prenait fin le 30 juin au soir. Je me trouvais à cette période dans une situation de faiblesse extrême, venant d'accoucher par césarienne et ayant un nourrisson à gérer, je n'ai pas poussé mes recherches sur le droit du travail. A l'heure actuelle mon ancienne employée,qui n'est même pas allée au terme de son contrat (elle s'est mise en arrêt maladie le 31 août alors que son contrat prenait fin le 30 septembre) demande la requalification du cdd en cdi. Elle est couverte de dettes (j'ai reçu des appels de son propriétaire ainsi que des visites de ses amis à qui elle devait de l'argent) et cherche à tirer profit au maximum du système. Le poste qu'elle occupait avait pour unique but de compenser mon travail effectif au service (étant un restaurant) au sein de l'entreprise (mon travail de gestionnaire ne pouvant pas être assumé par une autre personne que moi-même). Suite à son arrêt j'ai tenté à multiple reprises de la contacter pour savoir si elle souhaitait continuer à travailler au sein de l'entreprise car un poste en cdi se libérait. Elle a fait clairement savoir qu'elle ne souhaitait pas continuer son activité au sein de mon entreprise.
a l'heure actuelle je suis effarée par tous les articles de lois que je lis sur internet qui me disent condamnable alors que je ne pouvais clairement pas requalifier cette employée en cdi même en ayant commis une erreur car elle occupait une partie de mon poste au sein de MON entreprise? Quelles sont mes chances sur le sujet? Merci par avance de vos conseils. Cordialement, Sarah Maman.

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A propos de l'auteur
Blog de Yaya MENDY

Passionné du droit des assurances, j'ai le privilège de travailler au sein de La Médiation de l'Assurance, où je contribue à résoudre des litiges entre les assureurs et les assurés. Mon rôle consiste à proposer des avis visant à mettre un terme aux différends, tout en travaillant activement à améliorer les pratiques au sein du secteur de l'assurance.

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