L'infraction de fraude fiscale

Publié le Modifié le 25/08/2017 Vu 6 020 fois 0
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Qu'est-ce l'infraction de fraude fiscale? Comment est-elle sanctionnée? Vers quelle politique de lutte, le gouvernement souhaite-t-il nous mener?

Qu'est-ce l'infraction de fraude fiscale? Comment est-elle sanctionnée? Vers quelle politique de lutte, le

L'infraction de fraude fiscale

Par Isabelle ARPAÏA avocat fiscaliste au Barreau de Paris

La fraude fiscale consiste à se soustraire ou à tenter de soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement de l'impôt. Il est constitué d’un élément matériel et d’un élément intentionnel.

I) Les  éléments  constitutifs de la  fraude fiscale

L’infraction de fraude fiscale doit réunir 2 éléments constitutifs :

A) L’Elément matériel

Il s’agit du comportement frauduleux, de l’acte qui consiste à se soustraire de manière frauduleuse à l’impôt.

  • une omission délibérée de déclaration (défaillance déclarative)
  • une dissimulation volontaire de biens ou revenus soumis à l'impôt

+ minoration des bases d’imposition sur les bénéfices, soit que le chiffre d'affaires ou les recettes professionnelles aient été minorés, soit que les charges ou les dépenses aient été abusivement augmentées,

+ minoration de la base de ses revenus par la majoration des charges déductibles,

+ minoration du chiffre d’affaires passible des taxes sur le chiffre d'affaires ;

  • l'organisation de son insolvabilité pour échapper au paiement de l’impôt
  • tout autre moyen frauduleux.

B) L’Elément intentionnel

En cas d’omission ou d’inexactitudes commises par les contribuables dans leur déclaration, ces dernières sont présumées involontaires.

C’est pourquoi, la charge de la preuve du caractère délibéré appartient à l’administration fiscale. Elle doit en effet réunir tous les éléments d’informations ou d’appréciation utiles pour établir que le contribuable ne pouvait ignorer les insuffisances, inexactitudes ou omissions qui lui sont reprochées et que donc l’infraction a été commise sciemment.

Ainsi, la soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt doit être intentionnelle, c'est-à-dire que l'auteur de l'infraction ait été animé par une volonté de frauder.

II) Les sanctions fiscales

1) Aucune déclaration n’a été souscrite ou déclaration souscrite hors délai :

L’article 1728-1 du code général des impôts (CGI) prévoit :

a- 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, 

b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, 

2) Déclaration souscrite mais volontairement incomplète

Si votre déclaration est volontairement incomplète (c'est-à-dire si vous avez omis de déclarer un bien ou un revenu imposable ou vous avez sous-évalué le montant réel de votre patrimoine), l’article 1729 du CGI prévoit l’application des majorations suivantes :

  • 40% en cas de manquement délibéré,

Exemples : L’imputation de TVA non mentionnée sur les factures d’achats, l’inscription de charges de dépenses personnelles dans les comptes de la société (voyage d’agrément, entretien de propriétés privées…)

  • 80% en cas d'abus de droit (optimisation abusive d'une règle fiscale), ramené à 40% si vous n'êtes pas à l'initiative de la démarche ou si vous n'en êtes pas le principal bénéficiaire,

Exemple : une donation qui a été déguisée en vente pour échapper à l’imposition des droits d’enregistrement

  • 80% en cas de manœuvres frauduleuses (Mise en œuvre de procédés ayant pour effet soit de faire disparaître ou de réduire la matière imposable soit d’obtenir de l’Etat des remboursements injustifiés)

Exemples : Factures d’achats fictives permettant la déduction de la TVA déductible, et la comptabilisation de charges venant réduire la base imposable de l’impôt sur les sociétés ou sur le revenu dans la catégorie des BIC, BNC ou BA

3) Exercice d’une activité occulte

Par ailleurs, si vous exercez une activité occulte (activité non déclarée), l’article 1728 1 c) prévoit que l'impôt dû est majoré de 80%.

La notion d'activité occulte recouvre notamment :

- les activités exercées de manière clandestine, qu'elles revêtent un caractère licite ou illicite (détournement de fonds, trafic de stupéfiant, proxénétisme, activité de prêteur exercée à titre habituel, etc.) ;

- les profits divers, résultant d'une activité habituelle ou occasionnelle.

III) Les Sanctions pénales

A) Le délit de fraude fiscale

L’article 1741 du CGI dispose que quiconque qui s'est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel des impôts soit qu'il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu'il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l'impôt, soit qu'il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d'autres manœuvres au recouvrement de l'impôt, soit en agissant de toute autre manière frauduleuse, est passible, indépendamment des sanctions fiscales applicables, aux sanctions pénales suivantes :

  • 500 000 € d'amende et 5 ans d'emprisonnement dans la plupart des cas,
  • 700 000 € d'amende et 5 ans d'emprisonnement si la fraude fiscale est réalisée sur la base de fausses factures visant à obtenir des remboursements injustifiés,
  • 1 million € et 7 ans d'emprisonnement si la fraude est réalisée ou facilitée grâce à l'ouverture d'un compte sur un territoire ou état non coopératifs qui ne  permet pas l'échange de renseignements nécessaires à l'application de la loi fiscale française.

B) Le délit d’escroquerie

L'infraction fiscale peut dans certains cas constituer un délit d'escroquerie dès lors qu'un procédé frauduleux visant à tromper les tiers est mis en oeuvre.

L’article 313-1 du code pénal prévoit que l'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge.

L'escroquerie est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 375000 euros d'amende.

Le délit d’escroquerie pourra être mis en œuvre dans le cadre du remboursement ou de la tentative de remboursement d’un crédit d’impôt comme la TVA ou le crédit impôt-recherche qui serait indue.

IV) Vers une lutte contre la fraude fiscale plus efficace et un alourdissement des sanctions ?

Un projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière est en cours d'examen au Parlement.

Dans l'attente, le gouvernement appelle les contribuables qui détiennent des avoirs non déclarés à l'étranger à régulariser leur situation.

Ces mesures permettent de renforcer le régime répressif de la fraude fiscale par notamment,

  •  L'extension de la compétence de la police fiscale,
  • La modification de l'article 1741 du code général des impôts afin que soit considérée comme circonstance aggravante de fraude fiscale, le fait de la commettre en bande organisée, ou en ayant recours à des comptes bancaires ou des entités détenus à l'étranger ou au moyen de certaines manœuvres (falsification, interposition d'entité fictive ou artificielle, ...). La fraude fiscale aggravée sera désormais passible de sept années d'emprisonnement et d'une amende pénale de 2 millions d'euros.
  • L’alignement  des peines prévues pour les personnes morales sur celles applicables aux personnes physiques en prévoyant la possibilité de condamner les personnes morales en cas de blanchiment, à la peine complémentaire de la confiscation de leur entier patrimoine.
  • La mise en place d’un dispositif d'autorisation pour l'administration fiscale d'exploiter les informations qu'elle reçoit, quelle qu'en soit l'origine,
  • La possibilité pour l'administration fiscale de recourir à tout mode de preuves, y compris illicites, sous réserve que les preuves aient été régulièrement portées à la connaissance des services fiscaux par une autorité judiciaire ou dans le cadre d'une assistance administrative internationale.

Isabelle ARPAÏA avocat fiscaliste au Barreau de Paris

Les sources :

Code général des impôts : articles 1728  et 1729

Bofip-Impôts n°BOI-CF-INF-40-10-10 

Code pénal : article 313-1

Legifrance : dossiers legislatifs

www.assemblee-nationale.fr

www.senat.fr

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