Associations représentatives, agrément et affiliation

Publié le 27/01/2023 Vu 1 774 fois 0
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Une association de consommateurs née sous l'égide d'une organisation nationale peut renoncer à son affiliation sans perdre son agrément. Quid de l’indépendance de telles structures par rapport à toute activité professionnelle ?

Une association de consommateurs née sous l'égide d'une organisation nationale peut renoncer à son affiliat

Associations représentatives, agrément et affiliation

Indépendance vis-à-vis de l’activité professionnelle

Selon l’article L. 811-1 du Code de la Consommation :

« Les associations de défense des consommateurs peuvent être agréées après avis du ministère public.

Les conditions dans lesquelles ces associations peuvent être agréées compte tenu de leur représentativité sur le plan national ou local ainsi que les conditions de retrait de cet agrément sont fixées par décret. ».

L’article L. 811-2, alinéa 1, du même Code précise :

« L'agrément ne peut être accordé qu'aux associations indépendantes de toutes formes d'activités professionnelles. »

Cela pose une vraie difficulté pour les associations qui vendent des prestations de services, et notamment du conseil ou de l’accompagnement, aux habitants ou aux consommateurs.

 

Retrait d’agrément

L’article R. 811-7 alinéa 1 du Code de la Consommation précise, en effet :

« L'agrément peut être retiré après avis du procureur général, lorsque l'association n'a plus le nombre d'adhérents requis pour son agrément, lorsqu'elle ne peut plus justifier de l'activité définie à l'article R. 811-1 ou lorsqu'il est établi qu'elle n'est plus indépendante de toutes formes d'activités professionnelles […]. »

Quant à l’article R. 811-1, il dispose :

« L'agrément des associations de défense des consommateurs prévu à l'article L. 811-1 peut être accordé à toute association :

1° Qui justifie à la date de la demande d'agrément d'une année d'existence à compter de sa déclaration ;

2° Qui, pendant cette année d'existence, justifie d'une activité effective et publique en vue de la défense des intérêts des consommateurs, appréciée notamment en fonction de la réalisation et de la diffusion de publications de la tenue de réunions d'information et de permanences ;

3° Qui réunit, à la date de la demande d'agrément, un nombre de membres cotisant individuellement :

a) Au moins égal à 10 000 pour les associations nationales, cette condition pouvant ne pas être exigée des associations se livrant à des activités de recherche et d'analyse de caractère scientifique ;

b) Suffisant, eu égard au cadre territorial de leur activité, pour les associations locales, départementales ou régionales.

Lorsque l'association a une structure fédérale ou confédérale, il est tenu compte du nombre total de cotisants des associations la constituant. »

 

Intérêt de l’affiliation

Pour une association locale affiliée à une fédération ou à une confédération, cela permet d’obtenir l’agrément en bénéficiant du nombre global d’adhérents.

La tentation, pour un groupe local, est d’obtenir un agrément sous l’égide d’une confédération avant de la quitter une fois l’agrément obtenu.

La fédération ou la confédération doivent alors faire preuve de prudence au plan procédural.

En effet, la perte d’affiliation ne fait pas disparaître l’agrément, comme en a jugé la Cour de cassation (Cass. 1ère civ., 20 oct. 2011, n° 10-25.402).

 

Contexte historique

Cet arrêt était instructif.

La C…L, une association de défense des habitants. Sa dénomination date de fin 1956, mais elle est née en 1955 sous le nom d’U…L, une union d’action pour les sans-logis, dans le sillage de l’appel de l’Abbé Pierre en 1954.

Au départ, l’Abbé Pierre est personnellement intervenu au soutien de la structure lors de plusieurs réunions, mais à partir de 1957, les adeptes d’une stratégie plus institutionnelle ont pris le contrôle de l’association.

Malgré une appartenance continue au mouvement Emmaüs ainsi qu’un regain militant sous l’égide de militants autogestionnaires de la fin des années 1970 à la fin des années 1990, la coloration spécifique de la C…L s’est donc perdue. L’Abbé Pierre, avec la bénédiction de la C…L elle-même, a d’ailleurs soutenu la création du DAL pour prendre le relai sur les prises de position plus clivantes.

(Le DAL et la C…L ont donc un lien quasiment familial, la C…L étant la grande sœur bien sage et le DAL le petit frère plus turbulent).

Le danger d’une approche trop consensuelle est toutefois un risque de manque d’identité idéologique et donc de fidélité des adhérents locaux.

 

Dissidence autorisée

Une structure rennaise de la C…L, soutenue en cela par des élus et notables locaux, après avoir obtenu un agrément en 2005, a choisi de faire dissidence en septembre 2009, en ajoutant un C à sa dénomination et en élargissant son objet au-delà de la défense des consommateurs en matière de logement.

Or, l’agrément permet de conduire des actions en justice au soutien de consommateurs.

La C…LC 35 a conduit des actions judiciaires contre un groupe de la grande distribution qui a été furieux et a invoqué la chute de l’agrément obtenu en 2005 du fait de la dissidence de 2009.

Assez logiquement, la Cour de cassation a donné tort à l’entreprise de la grande distribution, et probablement plus pour des raisons plus procédurales que de fond.

 

Acte administratif

L’agrément est un acte administratif. La Cour de cassation, au sommet de l’ordre des juridictions judiciaires, n’a pas à juger de sa validité.

Elle doit plutôt appliquer les statuts des associations sans les dénaturer. Dès lors qu’un objet social est élargi et non pas rétréci par rapport au moment où l’agrément a été donné, l’agrément ne tombe pas aux yeux du juge judiciaire.

Le juge administratif n’aurait sans doute pas la même approche s’il était saisi d’une contestation d’un retrait d’agrément.

Lorsqu’une association qui a renoncé à son affiliation n’a plus le nombre d’adhérents suffisant du fait de cette perte d’affiliation, ou qu’elle ne justifie plus d’une activité suffisante indépendamment de la confédération quittée, le retrait de l’agrément pourrait être justifié.

La société de la grande distribution aurait mieux fait de saisir le préfet d’une demande de retrait d’agrément. Si le juge administratif avait déclaré ce retrait licite, le juge judiciaire aurait été contraint d’en tenir compte.

 

Liaisons dangereuses

Le juge administratif commence, en effet, à sévir contre les associations dites de défense des consommateurs qui ont des liens très forts avec des professionnels.

Une association trop liée à un cabinet d’avocats a ainsi perdu son agrément, ce que la Cour Administrative d’Appel de Versailles a validé (CAA Versailles, 4e ch., 29 juin 2021, 19VE04112).

Toutes ces associations dites de défense des consommateurs qui ont des avocats amis ou qui vendent de la prestation de conseil à leurs adhérents ne sont donc plus indépendantes à l’égard de toute activité professionnelle. C’est à ce titre qu’elles devraient perdre leur agrément, et pas en raison de leur éventuelle rupture avec une association nationale.

On note que ces associations prétendant défendre les consommateurs et qui sont dirigées par des professionnels du droit ou de l’immobilier, ne sont, généralement, pas agréées.

 

Précautions

Pour mettre fin à ces dérives, les associations nationales fondant une antenne locale doivent veiller, dans les statuts de cette antenne, à garder le pouvoir de dissoudre l’association locale en cas de perte d’affiliation.

Cela semble parfaitement licite au vu de la grande latitude laissée aux rédacteurs de statuts associatifs qui peuvent, notamment, prévoir des membres de droit issus d’un structure mère et ayant un pouvoir prépondérant (Cass. 1ère civ., 17 févr. 2016, n° 15-11.304).

Quant au législateur, il devrait apporter une précision à l’article 63 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971. Selon ce texte, les associations agréées de consommateurs peuvent « donner à leurs membres des consultations juridiques relatives aux questions se rapportant directement à leur objet ». Il faudrait préciser que ces consultations sont données à titre gratuit. Sinon, elles deviennent le vecteur d’une activité professionnelle rétribuée permettant à des salariés d’être recrutés.

On constate ensuite que ces salariés sont embauchés par de grands groupes privés aux valeurs opposées à celles que les associations agréées affichent. La liberté des travailleurs empêche de s’en plaindre, mais les citoyens, de leur côté, sont outrés avec raison. Nul n’a envie d’être assisté par le futur salarié de son adversaire.

 

Débat d’intérêt général

Le discrédit des associations dites représentatives des consommateurs s’explique ainsi. On comprend que le DAL s’interdise de percevoir la moindre rétribution suite à l’accompagnement spécifique apporté à des citoyens habitants.

On en revient au débat d’intérêt général déjà évoqué sur ce blog.

Un salarié associatif, même quand il est censé défendre les consommateurs, ne va évidemment pas critiquer les abus des entreprises chez lesquelles il compte poursuivre sa carrière...

Le dit salarié, lorsqu'il aura connaissance d'abus commis par des professionnels, pourra difficilement les signaler. Les intérêts personnels et carriéristes de ce salarié pèseront plus lourd que l'intérêt collectif des consommateurs.

Et si par extraordinaire le salarié associatif venait à être courageux, il lui sera reproché de travailler en sous-main pour les concurrents des entreprises qu'il critique.

Voilà pourquoi l'absence d'indépendance par rapport à l'activité professionnelle est si dangereuse pour association de défense des consommateurs.

 

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