Réussir une réquisition de logement

Publié le 22/11/2022 Vu 1 561 fois 0
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Sur un parc de 37,6 millions de logements, la France compte aujourd’hui 3,1 millions de logements vacants contre 1,8 millions en 1982. Les préfets peuvent combattre cette dérive, à condition d’appliquer la loi et de respecter la jurisprudence.

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Réussir une réquisition de logement

Droit au logement décent et droit de propriété

Aux yeux du Conseil constitutionnel, le droit de chacun à disposer d’un logement décent est un principe à valeur constitutionnelle. En effet, la Constitution, dans son préambule, fait référence au préambule de la Constitution de 1946 prévoyant que l’État doit sauvegarder la dignité humaine et garantir la sécurité matérielle de tous (Conseil constitutionnel, décision n° 98-403 DC, 29 juill. 1998, considérants 2 à 4).

Cela justifie que les pouvoirs publics puissent réquisitionner des logements lorsqu’ils sont inutilisés et que des ménages sont en quête d’habitats (décision 98-403 DC, considérant 31).

Le droit de propriété est alors respecté à condition qu’il ne soit pas conféré un titre régulier d’occupation aux habitants au-delà de la période de réquisition (décision 98-403 DC, considérant 32) et que tous les préjudices subis par l’une des parties prenantes soit réparés (décision 98-403 DC, considérant 33).

 

Réquisition avec attributaire

La loi de 1998, validée par la décision 98-403 DC du Conseil constitutionnel, a donc pu créer de manière tout à fait licite une nouvelle forme de réquisition.

Il s’agit de la réquisition avec attributaire, encadrée par les articles L. 642-1 à L. 642-28 du Code de la Construction et de l’Habitation.

Lorsqu’un logement possédé par une personne morale est vacant depuis plus d’un an, le préfet peut donc le réquisitionner en le remettant à un attributaire, c’est-à-dire une structure qui se charge ensuite de le donner en location à des ménages ayant des ressources inférieures à un certain plafond. Cette structure peut être l’État, une collectivité territoriale ou un organisme HLM, par exemple.

Notons que cette forme de réquisition n’est pas ouverte contre les SCI familiales ou contre les successions.

Dès la notification de l’intention de réquisitionner, la personne morale propriétaire peut s’engager à mettre fin à la vacance, sous une échéance à convenir avec l’administration. Si l’échéancier n’est pas respecté ou si la personne morale ne réagit pas, le bien est réquisitionné.

La personne morale dont le logement est réquisitionné a le droit à une indemnité mensuelle. Au bout de 9 ans, elle peut exercer un droit de reprise sur le logement.

 

Réquisition subsidiaire par le maire

Dans tous les cas autres où la réquisition avec attributaire est impossible, le maire dispose, en raison des pouvoirs de police dont il dispose, de la faculté de réquisitionner des logements vacants dans des circonstances exceptionnelles, à condition d’indemniser le propriétaire.

C’est l’application de la jurisprudence du Conseil d’État Werquin (15 févr. 1961, Rec. p. 118)

La Cour administrative d’appel de Bordeaux (2e ch., 20 nov. 2000, 97BX30885) a ainsi validé un arrêté du maire de Vauclin en Martinique. Il avait réquisitionné des logements vacants appartenant à une personne morale suite à une tempête tropicale ayant laissé des ménages sans abri.

Toutefois, le Conseil d’État a précisé que le maire ne pouvait faire usage de ce pouvoir de réquisition qu’en cas d’urgence, à titre exceptionnel et s’il existe un risque de trouble à l’ordre public lié au défaut de logement des familles concernées. La priorité est donc à l’exercice du pouvoir de réquisition préfectoral, pour lequel les conditions sont moins lourdes. L’arrêté d’un maire ayant réquisitionné un local étatique 6 jours après avoir mis le préfet en demeure de le faire est donc illicite (CE, 29 déc. 1997, n° 172556).

La réquisition par le maire n’est donc pas la panacée. La sagesse serait plutôt d’étendre les pouvoirs du préfet aux successions non réglées au bout d’un an. Elles sont une grave cause de dégradation des centres de bourgs en province. Au vu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la mesure semble acceptable pour lutter contre la désertification, la dégradation des biens, le mal logement et la spéculation immobilière malencontreuse (avec des biens vides invendus quand la bulle explose).

 

Une vague de vacances

En effet, selon le document focus n° 279 de l’INSEE mis en ligne le 9 novembre 2022, le nombre de logements vacants n’a jamais été aussi élevé dans notre pays.

Sur 37,6 millions de logements, 3,1 ne sont pas occupés, soit près de 8,5 %.

Or, il y a 5,1 millions de logements en parc social (voir Alain DURANCE, « le logement en 2022, état des lieux et budget », AJDI, avr. 2022, pp. 270 à 281 et notamment p. 276). L’attribution des 3,1 millions de logements vacants aux personnes qui en ont besoin (en contrepartie d’un loyer décent, évidemment) permettrait d’augmenter les capacités du parc social de 60 %. Il est donc urgent que les pouvoirs publics utilisent les moyens juridiques qui sont à leur disposition.

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