CRIM, 6 NOVEMBRE 2013 ET LES DROITS DE LA DEFENSE LORS DE LA GARDE A VUE

Publié le 06/12/2013 Vu 7 047 fois 4
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La Chambre Criminelle confirme la rigueur de sa jurisprudence dans un arrêt Crim, 6 novembre 2013 :L’absence de communication de l’ensemble des pièces du dossier à l’avocat assistant une personne gardée à vue, à ce stade de la procédure, n’est pas de nature à priver la personne d’un droit effectif et concret à un procès équitable, dès lors que, d’une part, l’accès à ces pièces est garanti devant les juridictions d’instruction et de jugement et, d’autre part, l’article 63-4-1 du code de procédure pénale n’est pas incompatible avec l’article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l’homme… »

La Chambre Criminelle confirme la rigueur de sa jurisprudence dans un arrêt Crim, 6 novembre 2013 :L’abs

CRIM, 6 NOVEMBRE 2013 ET LES DROITS DE LA DEFENSE LORS DE LA GARDE A VUE

dans le cadre de l’exercice effectif des droits, les avocats continuent à revendiquer un droit de défense légitime consistant à leur permettre un accès aux pièces du dossier pénal ou d’assister  leur client lors des perquisitions.

En effet, en pure logique : comment bien assister et conseiller son client lors des auditions et/ou confrontations en garde à vue sans une réelle connaissance des pièces du  dossier.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 14 avril 2011, la personne gardée a vue a droit à l’assistance d’un avocat durant les auditions qui se déroulent pendant la garde à vue.

L’article 63-1 du CPP prévoit que

« l'avocat peut consulter le procès-verbal établi en application du dernier alinéa de l'article 63-1 constatant la notification du placement en garde à vue et des droits y étant attachés, le certificat médical établi en application de l'article 63-3, ainsi que les procès-verbaux d'audition de la personne qu'il assiste. Il ne peut en demander ou en réaliser une copie. Il peut toutefois prendre des notes. ».

Or l’avocat n’a pas accès à l’intégralité du dossier avant l’audition ou la confrontation. 

I- La Chambre criminelle de la Cour de Cassation maintient sa position : l'absence d'acces au dossier pénal lors de la garde à vue ne nuit pas au principe du procès équitable.

A)  Présentation de Crim 6 novembre 2013

La  Chambre Criminelle a maintenu sa jurisprudence en faisant  un distinguo  le régime de l’enquête et de l’instruction  dans un arrêt Crim, 6 novembre 2013 N° de pourvoi: 13-84320  que :

« L’absence de communication de l’ensemble des pièces du dossier à l’avocat assistant une personne gardée à vue, à ce stade de la procédure, n’est pas de nature à priver la personne d’un droit effectif et concret à un procès équitable, dès lors que, d’une part, l’accès à ces pièces est garanti devant les juridictions d’instruction et de jugement et, d’autre part, l’article 63-4-1 du code de procédure pénale n’est pas incompatible avec l’article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l’homme… »

Elle  va dans la lignée de la jurisprudence antérieure

Pour Crim, 19 septembre 2012,pourvoi N° 11-88-111 

l'article 63-4-1 du Code de procédure pénale « n'est pas incompatible avec l'article 6 de la CEDH, l'absence de communication de l'ensemble des pièces du dossier, à ce stade de la procédure, n'est pas de nature à priver la personne d'un droit effectif et concret à un procès équitable, dès lors que l'accès à ces pièces est garanti devant les juridictions d'instruction et de jugement »

Crim, 11 juillet 2012, pourvoi N°12-82136

"...Que les juges ajoutent que l'avocat de M. X... a pu, à l'occasion des auditions du gardé à vue effectuées en sa présence le 1er mai 2011, consulter les pièces énumérées à l'article 63-4-1 du code de procédure pénale issu de la loi du 14 avril 2011, que le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution par décision n° 2011-191/194/195/196/197 du 18 novembre 2011, et que l'absence de communication de l'ensemble des pièces du dossier, à ce stade de la procédure, n'est pas de nature à priver la personne d'un droit effectif et concret à un procès équitable, dès lors que ces pièces peuvent ensuite être communiquées devant les juridictions d'instruction ou de jugement ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations et abstraction faite de la référence à des dispositions législatives qui ne sont devenues applicables que le 1er juin 2011, postérieurement à la garde à vue contestée, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que le demandeur a bénéficié de l'assistance d'un avocat au cours de sa garde à vue dans des conditions conformes à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ...;"

B) La cour s’appuie sur la position du conseil Constitutionnel

Dans une décision du 18 novembre 2011 2011-191/194/195/196/197 , rendue sur QPC, ce dernier a considéré que la conciliation entre la recherche des auteurs d'infraction et les droits de la défense constitutionnellement garantis était convenablement assurée dans la loi du 14 avril 2011.

« l'absence de communication de l'ensemble des pièces du dossier, à ce stade de la procédure, n'est pas de nature à priver la personne d'un droit effectif et concret à un procès équitable, dès lors que ces pièces peuvent ensuite être communiquées devant les juridictions d'instruction ou de jugement ».

II- La position de la Cour de Cassation reste critiquable au regard des textes en vigueur

A) L article 6 §1 et 3  de la convention  européenne des droits de l’homme et de sauvegarde des libertés : le procès équitable et la jurisprudence de la CEHD

1°- Il faut entendre ce principe au sens de la présentation de l’avocat des la première heure et de l’acces au dossier.

Crim, 5 novembre 2013, pourvoi N°13-82682 -Cass Crim, 14 décembre 2011, pourvoi N° 11-81329 « toute personne placée en garde à vue, doit pouvoir bénéficier de l'assistance d'un avocat dès qu'elle en fait la demande. »

L’équité d’une procédure pénale requiert en vertu de  l’article 6 CEHD, que le suspect jouisse de la possibilité de se faire assister par un avocat, dès le moment de son placement en garde à vue ou en détention provisoire.

C’est dans ce contexte que maintes demandes en nullités de la garde fondée sur l’absence d’accès aux pièces du dossier pénal ont été plaidées, alors que le dossier reste constitué par le parquet !

2°- La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme

a) Le procès équitable suppose la présence de l’avocat immédiatement  ( après débats juridiques, la loi a tranché ce point : art 63-3-1 CPP ) et l’accès au dossier ( c'est de cela dont il s'agit).

Pour la Cour le droit de tout accusé est d’être  effectivement défendu par un avocat au besoin commis d’office, ce qui  figure parmi les éléments fondamentaux du procès équitable (CEHD 28 février 2008 Demebukov c/ Bulgarie

CEDH, 27 novembre 2008, Salduz c. Turquie, Requête N° 36391/02

 « la Cour estime que, pour que le droit à un procès équitable consacré par l'article6 § 1 demeure suffisamment « concret et effectif », il faut, en règle générale, que l'accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d'un suspect par la police, sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l'espèce, qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit »

CEDH 13 octobre 2009, Danayan c/ Turquie ; Requête N° 7377/03

L’arrêt condamne la Turquie pour violation de l’article 6 § 3  de la CHD  (droit à l’assistance d’un avocat) combiné avec l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable).

Un  requérant se plaint de n’avoir pas bénéficié de l’assistance d’un avocat lors de sa garde à vue.

Le gouvernement turc plaidait qu’il avait fait usage de son droit de garder le silence au cours de sa garde à vue, de sorte que l’absence d’avocat n’a eu aucune incidence sur le respect des droits de la défense.

L’absence d’un conseil lors de la garde à vue, lorsque la loi y fait obstacle, suffit à conclure à un manquement aux exigences de l’article 6 nonobstant le fait que le requérant a gardé le silence au cours de sa garde à vue.

l’intéressé doit pouvoir « obtenir toute la vaste gamme d'interventions qui sont propres au conseil. À cet égard, la discussion de l'affaire, l'organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l'accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l'accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l'avocat doit librement exercer »

CEHD  19 novembre 2009  Kolesnikc/ Ukraine,Requête N° 17551/02 rappelle que des déclarations auto incriminantes faites en l’absence d’un avocat ne peuvent constituer la raison principale d’une condamnation pénale.

CEHD 1er décembre 2009  Adalmis et Kilic c/ Turquie Requête N°25301/04 sur la  violation de l’article 6 § 3c de la Convention.

Aussi en vertu des  jurisprudences précitées le bâtonnier de Paris, avait  appelé l'ensemble des avocats à soulever la nullité de toutes les procédures de garde à vue du fait de leur contrariété à l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme

CEDH, 20 septembre 2011, Sapan c/ Turquie  Requête N° 17252/09;

a affirmé que participe du droit du gardé à vue à l’assistance effective d’un avocat, la possibilité pour le défenseur de consulter les pièces de la procédure, sauf à entraver considérablement la possibilité qui lui est donnée de conseiller son client.

B) La directive 2012/13/UE du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales en vigueur depuis le  21 juin 2012

Elle suppose que le  gardé à vue et son avocat puissent  consulter tous les actes de procès-verbaux de la procédure : interpellation,   plainte de la victime, dépositions des témoins etc…et  prévoit que :

«Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies, ou leur avocat, aient accès au minimum à toutes les preuves matérielles à charge ou à décharge des suspects ou des personnes poursuivies, qui sont détenues par les autorités compétentes, afin de garantir le caractère équitable de la procédure et de préparer leur défense».

Cette directive doit être transposée par les Etats membres « au plus tard le 2 juin 2014 » et  son article 7  impose la  communication à l’avocat dès le stade de la garde à vue des pièces qui sont « essentielles pour contester de manière effective conformément au droit national la légalité de l’arrestation ou de la détention  »

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1 Publié par Jibi7
17/12/2013 11:55

Maître
J'ai du mal à retrouver et à confirmer ce qu'il me semblait avoir lu, peut être sous votre plume, concernant l'accès au dossier nécessaire pour les 2 parties afin de préserver les droits des victimes, parties civiles, le respect du contradictoire.
Y a t il eu des précisions ces dernières années de la Cour de Cass ou CDH à ce propos ? Notamment quand le refus d'accès prive une des parties de moyens de pourvoi, de défense etc...
Y a t il une différence de prise en compte entre les procédures avec garde à vue et les autres procédures avec constitution de partie civile ?
Et ceci aussi aux différents niveaux enquête instruction, appel et pourvoi ? Merci de vos précisions si vous les possédez.

2 Publié par Me Haddad Sabine
17/12/2013 11:59

Bonjour madame

Comment allez-vous ? J'éspère que votre combat aboutit. cet article présente la dernière actualité en la matière.
Je vous souhaite de Bonnes Fêtes

Cordialement

3 Publié par Jibi7
17/12/2013 14:31

Merci Maître de votre attention et mémoire...
Hélas bientôt 4 ans après me voila à nouveau devant la cour de cassation pour un pourvoi dont les délais - surtout en période de trêve des confiseurs - garantissent plus de nouveaux dénis de justice que de respect du droit des personnes quand on a pas accès aux tenors mediatiques ..
Depuis ma question j'ai trouvé des bribes d'infos precisant les droits de la partie civile ..dans http://www.courdecassation.fr/publications_26/rapport_annuel_36/rapport_2000_98/deuxieme_partie_tudes_documents_100/tudes_theme_protection_personne_102/civile_proces_5858.html"..mais comment s'en servir notamment dans l'urgence ?

la criminalité en col blanc (et robe noire parfois)semble encore avoir de beaux jours!

4 Publié par Jibi7
17/12/2013 14:53

Je retrouve du texte ci dessus la phrase qui paraissait confirmer ce que j'esperais
"La déclaration d’irrecevabilité ne nuit pas aux droits de la partie civile, puisque l’effet suspensif de l’appel lui permet de conserver cette qualité jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue. La seule limitation aux droits qui lui sont reconnus à raison de sa qualité est apporté par l’article 114, alinéa 11, issu de la loi du 30 décembre 1996, qui permet à l’avocat de communiquer copie des pièces du dossier à son client. Ce droit n’est pas suspendu pour la partie civile dont la recevabilité est contestée, mais soumis à autorisation du juge d’instruction, ou à défaut du président de la Chambre d’accusation."

Etre dépendant pour l'accès au dossier de l'autorisation de celui qui vous a débouté...confirme l'ubuesque de notre systeme!
De plus j'apprends ce matin que la cour d'Appel ne disposerait que d'un dossier papier et ne transmettrait donc que ce que lui demanderait la Cour de Cassation!

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