Tout preneur ou locataire est tenu en principe d’user de la chose louée suivant la destination qui lui a été donnée contractuellement dans le bail.
Tout changement d’activité, pourrait entraîner la résiliation du bail.
En matière commerciale, la législation des baux envisage cependant, divers cas de déspécialisation, envisagés par les articles L 143-47 à L 145-55 du Code de Commerce (anciennement articles 34 à 34-8 du décret du 30 septembre 1953).
Cette possibilité va dans le sens d’une évolution économique.
Il s’agit de l’éventualité accordée à un locataire commercial de modifier l'activité prévue dans son bail, à des conditions strictes.
Deux types de déspécialisation sont envisageables
- La déspécialisation partielle. Qui autorise le locataire à adjoindre des activités connexes ou complémentaires à son commerce. article L 143-47 du code de commerce
- La déspécialisation totale qui suppose un changement total de destination et est subordonnée à des conditions plus strictes article L 145-48 du Code de Commerce
I- La déspécialisation partielle pour une activité étroite en lien avec celle déjà exercée
A) Mise en place
Cette déspécialisation restreinte est d'ordre public, ce qui signifie qu'aucune clause contraire ne peut l’interdire.om. Article L 145-15 du code de commerce.
La notification au bailleur sera faite par acte extrajudiciaire, (huissier) dans lequel sera indiqué le type d’activité connexe ou complémentaire.
Elle suppose une demande d'autorisation préalable.
Le propriétaire disposera d’un délai de 2 mois à compter de la notification à défaut de quoi il sera déchu de tout droit d'opposition, ce qui signifie que son silence vaudrait acceptation.
En cas de contestation du caractère connexe et complémentaire, le Tribunal de Grande Instance disposera d’un pouvoir souverain pour apprécier le caractère connexe et complémentaire de l'activité.
En cette matière le respect de la forme et des délais sera important sous peine d’encourir l'une des deux sanctions suivantes:
- Une résiliation du bail ( avec application de la clause résolutoire contenue dans le bail pour non-respect des clauses) ;
- Un refus de renouvellement le cas échéant pour motif légitime
B) Notion de caractère connexe ou complémentaire et Jurisprudence
Il n’y a pas de définition, si ce n’est une appréciation des tribunaux au cas d’éspèce, lesquels retiennent divers critères alternatifs ou cumulatifs, tels que:
- l'identité de la clientèle ou de la catégorie de produits,
- la similitude des méthodes de travail,
-l'identité de matières premières,
-l'identité du fabricant (toutefois ce critère n’est pas suffisant à lui seul)
-l'extension d'une partie à un tout : rarement reconnue par la jurisprudence.
Ex . 3 eme Civ. 19 juillet 2000, pourvoi n° 1259 fs-d, Michaud c/ Hugonnenc),café -bar avec l'activité de restauration rapide.
charcutier avec l’activité de traiteur
3ème Civ,3 avril 1996, Pigne c/ Taunais la vente de sandwiches et de boissons rafraîchissantes entre dans l'activité de boulangerie-pâtisserie.
Par contre:
Com 18 juin 2002, l'activité de pizzeria, impliquant une cuisson, ne peut être une activité connexe à celle de restauration sous forme de saladerie-sandwicherie, laquelle ne nécessite pas de cuisson, dès lors que les termes de la convention de bail ne permettaient pas une telle adjonction d'activité.
B) Les conséquence de l'extension d'activité : une majoration du prix du loyer
Celle-ci sera amiable, ou interviendra lors de la révision triennale suivante si elle a entraîné une augmentation de la valeur locative.
Lors du renouvellement, un déplafonnement du loyer pourrait être envisagé.
II La déspécialisation plénière dans le changement total de l'activité
Un large pouvoir d’appréciation du juge est envisageable en cas de difficulté étant noté que le premier locataire ne pourra s’en prévaloir durant les neuf premières années.
A) Le changement d’activité
sera envisagé "eu égard à la conjoncture économique et aux nécessités de l'organisation rationnelle de la distribution" ce qui sous-entend un large pouvoir d'appréciation du Juge.
Cela suppose que ces activités soient compatibles avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble, de la copropriété ( art L 145-49 al 1 du code de commerce)
A noter qu’en cas d’invalidité du preneur ou de départ à la retraite,
Il sera autorisé à céder son bail avec un changement d'activité sauf en cas d'incompatibilité avec la destination et les caractéristiques de l'immeuble (Article. L 145-51 du Code de commerce). Il devra formuler de la même façon sa demande par acte extra judiciaire au bailleur et aux créanciers en indiquant la nature des activités envisagées et le prix de la cession.
B) Mise en place
La demande d'autorisation au bailleur sera faite par acte extrajudiciaire, (huissier) dans lequel sera indiqué le type d’activité sous peine de nullité. Donc attention au respect de la forme sous peine de résiliation du bail.
L’acte extra judiciaire devra être dénoncé aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce
Le bailleur disposera d’un délai de 3 mois.
De la même façon et à défaut de réponse, son silence vaudra autorisation de changement d'activité.
La réponse peut porter autorisation sous de strictes conditions (exemple effectuer des travaux, aux frais du locataire , une augmentation de loyer…)
Le Tribunal de Grande Instance saisi par le locataire peut, malgré le refus du bailleur, autoriser la transformation du bail, sauf si ce refus est justifié par un motif grave et légitime.
Le bailleur peut demander l’augmentation du loyer dès la transformation du bail.
A noter qu’en cas de départ en retraite du locataire ou d’invalidité, le bailleur disposera d’un délai de 2 mois pour racheter le bail aux conditions notifiées. En cas de contestation, le Tribunal de grande instance devra être saisi dans un délai de deux mois.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine
Avocate au barreau de Paris