L’indemnité d’occupation représente le montant que devra verser l'occupant des lieux, le dédommagement versé à l'indivision pour l’occupation d'un bien.
Elle est due jusqu’au jour du partage et compense la perte des fruits et revenus que subi l'indivision, du fait de cette occupation.
Pour un appartement, par exemple, les fruits et revenus sont les loyers.
Elle trouve sa source dans l’indivision et l’article 815.9 alinéa 2 du code civil :
"L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité".
Cette indemnité de « l’occupant » pourra se concevoir dans divers cadres:
- Lorsque le divorce devient définitif, jusqu’au jour partage ;
- Lorsque le bail sera résilié amiablement ou judiciairement, elle prendra le relai du loyer et s’imposera à l'occupant sans droit ni titre ;
- Plus généralement, pour tout occupant même autorisé judiciairement lorsque l'indivision prend fin.
Quelle est sa nature et comment sera t-elle mise en oeuvre ?
I- La nature de l'indemnité d’occupation: une créance personnelle ou une créance au profit de l'indivision ?
Il ne s’agit pas ici d’un loyer payable tous les mois, car l'indemnité est payable au moment de la liquidation, de la sortie de l'indivision, sauf à en obtenir un paiement provisionnel amiable ou judiciaire.
A cet effet,rien n'empêcherait aussi un indivisaire de solliciter sa part annuelle dans les bénéfices de l'indivision, dont l'indemnité d'occupation fait partie....
A) l'indemnité d'occupation dans les indivisions à deux personnes portant sur un bien unique.
Imaginons une acquisition 50/50.
1°- exemple: entre concubins, mariés, partenaires pacsés, tiers...
Peut-on parler réellement de partage ?
La sortie de l'indivision se fera par la vente du bien à un tiers, le rachat de la part de l'autre moyennant soulte, ou après adjudication.
Le montant de l'indemnité sera déduit de la part de celui qui la doit, à hauteur de la moitié de la valeur locative jusqu'au jour de la vente ou du partage ( prescription à prendre en compte voire III).
Il n'y aura donc pas vraiment de partage entre deux personnes sur un même bien, juste un partage du montant de la cession, déduction de l'indemnité due.
L'indemnité d'occupation représentera la moitié de la valeur locative d'un bien commun ou indivis acquis 50/50.
Procédons à son calcul annuellement.
soit un loyer mensuel de 900 euros, d'un bien indivis IO = 900/2 = 450 euros par mois.
Nombre de mois d'utilisation du bien x valeur locative IO 12 x 450 = 5.400 euros par an.
Un notaire, un avocat ou un agent immobilier vous aideront à fixer sa valeur, sachant que le copropriétaire, pourra voir fixer une indemnité portant une valeur locative réduite d'environ 20%.
- abattement 20% : 1080 euros
- Total dû : 5400-1080= 4.320 euros par an.
Un tel abattement sera souvent appliqué par les Tribunaux pour tenir compte du fait que l'appartement appartient justement à deux ex-époux ou concubins.
En cas de difficulté, lors du partage, une expertise judiciaire, sera le plus souvent sollicitée afin que les juges tranchent en connaissance de cause sur l'indemnité en vertu de leur pouvoir souverain.
Mieux vaut donc se mettre d'accord !
Les sommes qui seront dues jusqu’au partage pourront être très conséquentes lorsque les indivisions sur des biens immobiliers à valeur locative importante traîneront.
Imaginons, si la situation perdure 3 ans avant d'être liquidée.
IO = 4.320 euros x 3 ans = 12.960 euros, somme qui s'imputera eu hauteur de la part de propriété revenant à l'occupant !
2°-Un locataire (tiers à l'indivision) sans droit ni titre devra payer l'intégralité de la valeur locative
soit dans notre exemple 900 euros par mois.
Les charges locatives lui seront imputables en sus.
Il s’agit donc de faire un calcul pour ne pas rester trop longtemps à occuper un bien commun ou indivis sans que le partage n’intervienne rapidement.
Il y a un compte à faire dans la durée...
B) L'indemnité d'occupation dans l'indivision successorale
Elle est due par l’occupant à la masse indivise du décès jusqu'au partage, donc portée à l'actif du compte de l'indivision, une fois déterminée.
Cette indemnité rentrera dans les comptes de l’indivision.
Elle sera répartie ensuite dans le compte des indivisaires,cohéritiers, bénéficiaires de ladite indemnité au prorata de leurs droits.
Au bout du compte, l'indivisaire occupant verra sa part imputée au prorata des droits des autres indivisaires, dans son compte d'administration.
Ainsi dans une succession de 3 indivisaires,pour une indemnité de 1200 euros due par un occupant à la succession.
Il conviendra de la répartir dans le compte d'administration des 3 coindivisaires, soit 400 euros chacun.
Mais au bout du compte, ce sera le coindivisaire occupant qui verra son compte d'indivisaire imputé de 800 euros sur ce qu'il recevra, puisque c'est lui qui est débiteur de cette somme.
Cependant, si l'occupant d'un bien indivis, doit payer cette indemnité pour l'occupation à partir de la date du décès, les travaux qu'il aurait effectués avant le décès, pourront constituer une créance personnelle sur la succession.
Pourront être déduits et portés au passif de l'indivision les frais dépensés au cours de l'occupation: Taxes, travaux, d’amélioration etc...
C) L'indemnité d'occupation dans les indivisions "conventionnelles"jusqu'au partage
Elle sera due à la masse indivise et viendra dans les comptes du partage, puis répartie entre les coindivisaires au prorata de leurs droits respectifs.
Sa base de calcul sera la valeur locative.
II- Un point de départ de l'indemnité qui peut être différé
A) Dans le cadre de l’indivision successorale : au jour de l’occupation entre la date du décès jusqu’au partage.
Il est normal que l'indivisaire qui use et jouit privativement de la chose indivise soit,sauf convention contraire, redevable d'une telle indemnité.
Au cas de difficulté, entre co-indivisaires, nul ne sera tenu de rester dans l'indivision.( article 815 du code civil).
Une action en sortie de l'indivision pourra être portée auprès du tribunal de Grande Instance, par voie d’assignation avec représentation d'un avocat obligatoire,lequel statuera sur le principe et sur le montant de l’indemnité.
Le problème des charges de copropriété liées à l'occupation privative et personnelle par l'un des indivisaires de l'immeuble indivis se posera en ce qui concernera les charges d'entretien courant, l'eau et le chauffage collectif, lequelles doivent incomber à l'occupant.
Ainsi, seules les autres charges de copropriété, dites "non récupérables" sur l'occupant, devront être portées au compte du passif de l'indivision;
1ère Civ 12 décembre 2007,pourvoi n°06-11877
Mais, le légataire universel n'en sera pas redevable envers l'indivision successorale, lorsque la propriété du bien légué lui restera définitivement acquise au jour du décès. Ce légataire de la quotité disponible de tous les biens composant la succession ne la devra donc pas à l'indivision.
1ère civ 24 septembre 2008 ,pourvoi n° 06-21.445
Qu'en statuant ainsi, alors que, si Mme L... devait restituer une indemnité équivalente à la perte des fruits de ce qui excédait la portion disponible à compter du jour du décès dès lors que la demande de réduction avait été faite dans l'année, elle n'était redevable d'aucune indemnité d'occupation envers l'indivision, la propriété du bien légué lui restant définitivement acquise au jour du décès, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Dans un tout autre cas de figure, une personne, n'entrant pas dans l'indivision successorale, tiers à ladite indivision, qui occuperait un bien immobilier, rentrant dans une succession, pourra se voir assigner par l'indivision, outre aux fins d'expulsion, au paiement d'une indemnité d'occupation à compter du commandement de quitter les lieux.
Son versement par l'occupant sans droit ni titre suppose non seulement qu'il se soit fautivement maintenu dans les lieux, mais aussi que son attitude ait été à l'origine d'un préjudice.
1ère Civ 1 er juillet 2009, pourvoi n° 08-16-851
B) A compter de l'ordonnance de non conciliation en principe dans le divorce, sauf situations particulières visées par l'article 262-1 du code civil
Selon que la jouissance du logement a été octroyée de façon gratuite ou onéreuse lors de l’audience de non conciliation, son point de départ pourra être différé.
Le juge aux affaires familiales va statuer sur les mesures provisoires liées aux divorce. Dans un précédent article ,j'ai envisagé les mesures provisoires de la non-conciliation http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/mesures-provisoires-conciliation-tentative-conciliation-1545.htm
1°- Si la jouissance a été concédée de façon onéreuse, l’indemnité court à compter de l’ordonnance de non-conciliation ;
2°- Si la jouissance a été concédée de façon gratuite dans l’ONC, elle devient onéreuse à la date où le jugement de divorce devient définitif ;
1ère Civ 19 septembre 2007, pourvoi 06-11.955 ;
En cas d'accord, entre les époux, au stade de la tentative de conciliation, le JAF pourra constater ce point dans son ordonnance (article 255-4° du code civil)
3°- Antérieurement, à la date de l’ordonnance de non conciliation, lorsque le juge reportera les effets du divorce à la date de la cessation de la cohabitation.
Aucune indemnité d'occupation ne peut être réclamée en l'absence de décision judiciaire attributive du logement.
Article 262-1 du code civil précité « ....La jouissance du logement conjugal par un seul des époux conserve un caractère gratuit jusqu'à l'ordonnance de non-conciliation, sauf décision contraire du juge ».
Avant la Loi de 2004, la cour de Cassation a eu à statuer dans une affaire où le logement avait été simplement attribué au mari sans autre précisions du caractère gratuit ou onéreux (obligation de statuer sur ce point depuis la loi).
C’est à la date de la décision du juge (ONC) qu’il faut se placer sauf décision contraire, en outre ja jouissance a été réputée onéreuse.
1ère Civ 14 juin 2000 ; Pourvoi n° 90-20285 a statué sur la jouissance onéreuse du domicile conjugal octroyée au mari à compter de l’ONC, aux visas des articles 255 alinéa 2 et 815-9 du Code civil :
« ...Attendu que la jouissance privative, au sens de ces textes, n'est pas liée nécessairement à l'occupation effective des lieux...Qu'en statuant ainsi, alors que la jouissance privative n'était établie qu'à compter de l'ordonnance de non-conciliation attribuant le domicile conjugal au mari, la cour d'appel a violé les textes susvisés »
La cour de Cassation fait grief à la cour d’appel d’avoir condamné un mari au versement d’une indemnité d’occupation sur une période d’occupation de fait antérieure à celle qui lui avait été conférée en droit dans la décision du juge.
Que se passera t-il en cas de déménagement du domicile dont la jouissance a été attribuée par l 'ONC ?
1ère Civ, 20 janvier 2010, pourvoi N° °09-13.250
a jugé que la jouissance exclusive du logement indivis octroyée par le juge dans le cadre d'un divorce, entraine l'obligation de verser une indemnité d'occupation, peu important que le bien ait été effectivement occupé par l'époux bénéficiaire.
En revanche, l'attribution préférentielle ne peut lui être accordée, la condition de résidence effective n'étant pas remplie. Elle a cependant été octroyée à l'autre conjoint, l'absence d'occupation du bien n'étant pas due à son fait personnel.
Cass. 1 ère Civ 8 juillet 2009 , pourvoi n° 07-19.465
La jouissance privative d’un bien indivis résulte de l’impossibilité de droit ou de fait pour les co-indivisaires d’user de la chose" ... en raison de l’attribution de la jouissance de l’immeuble à l’épouse par l’ordonnance de non-conciliation, l’époux était, au moins jusqu’à l’arrêt prononçant le divorce du 9 mars 1999, dans l’impossibilité de droit d’user du bien indivis".
1ère Civ 6 mai 2009, pourvoi n°07-17046
Un mari reprochait à la cour d'appel de l'avoir jugé redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision de 1999 jusqu'au partage définitif , alors qu'il avait quitté les lieux en 2001, occupés en ses lieu et place par un tiers depuis mai 2001. Pour la cour de cassation, ce requérant ne justifiait pas avoir restitué les clefs à la date à laquelle il prétendait avoir quitté les lieux en sorte que l'occupant actuel a été présumé être dans les lieux du chef du mari, considéré donc comme redevable de l'indemnité d'occupation jusqu'au partage définitif.
Il appert donc que l'indemnité d'occupation sera due dans ces situations.
C) A compter de la date d'occupation du bien ou d'une date autrement envisagée contractuellement dans une convention d'indivision
Le premier cas vise l'exemple de la date de séparation entre concubins,l'un part, l'autre reste.
L’indemnité sera due en principe dès le moment où elle sera demandée par acte d’huissier, ou, par le juge au cas de refus ou de non-réponse, lequel en fixera aussi le montant. elle sera versée soit amiablement, soit fixée judiciairement.
Il y aura au final un compte à faire avec, d’un côté, les indemnités d’occupation, d’autre côté, les charges payées par un seul coindivisaire pour le compte de l’indivision.
III- Une prescription quinquennale applicable à l'indemnité d'occupation
C'est à partir de l'ouverture de l'indivision, que la prescription quinquennale applicable à l'indemnité d'occupation prend effet et sera due jusqu’au jour du partage.
En matière de divorce, son point de départ court à compter de la décision définitive.( non susceptible de recours)
A) Sur les arriérés dus en vertu d’un jugement de condamnation
L’assemblée plénière de la cour de cassation le 10 juin 2005 a considéré que:
Si le créancier peut poursuivre pendant trente ans ( NB :DIX ans aujourd’hui) l'exécution d'un jugement condamnant au paiement d'une somme payable à termes périodiques, il ne peut, en vertu de l'article 2777 du Code civil applicable en raison de la nature de la créance, obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande.
B) Qu’en est-il d’une demande d’indemnité d’occupation formulée au-delà des 5 ans ?
Il a été jugé que l'ex-épouse qui prétendait à une indemnité pour l'occupation du bien immobilier dont elle était propriétaire et qui avait formé sa demande plus de cinq ans après la date à laquelle le jugement de divorce avait acquis force de chose jugée, n'était en droit d'obtenir qu'une indemnité portant sur les cinq dernières années précédant sa demande. (date de la délivrance de l'assignation par huissier.)
Cass 1ère Civ 15 mai 2008, BICC n°688 du 1er octobre 2008.
Prenons un exemple concret :
Un divorce est définitif le 20 avril 2007.
Si l'indemnité d’occupation est réclamée le 25 juillet 2012, (date de l’assignation); elle ne pourra viser que la période allant du 25 juillet 2007 au 25 juillet 2012
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD