L'abandon du droit d'auteur lors de la mise en ligne de photographies sur internet

Publié le Modifié le 23/01/2013 Vu 30 071 fois 0
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Le 20 décembre 2012, le Tribunal de grande instance de Paris a jugé que la seule présence d’un pseudonyme au côté d’un contenu stocké sur internet est équivoque et elle ne peut suffire à faire jouer la présomption d'auteur. Autrement dit, la mise en ligne sur internet de photographies prises personnellement ne permet pas de revendiquer la qualité d’auteur de ces photographies et entraine un abandon du droit de diffusion de celles-ci à défaut de pouvoir justifier d’un élément d’originalité (Tribunal de grande instance de Paris, 3ème chambre, 4ème section, 20 décembre 2012).

Le 20 décembre 2012, le Tribunal de grande instance de Paris a jugé que la seule présence d’un pseudonyme

L'abandon du droit d'auteur lors de la mise en ligne de photographies sur internet

En l’espèce, deux passionnés d’aéronautique, se sont inscrits sur un site internet consacré à l´aviation sur lequel ils ont notamment publié, sous leur pseudonyme, leurs photographies de passionnés d'avion dans le forum de discussion de ce site.

Après avoir vainement sollicité le retrait de leurs photographies du site, ils ont fait assigner le responsable de ce site internet devant le tribunal de grande instance de Paris sur le fondement de la contrefaçon des photographies protégées par le droit d’auteur.

En effet, les deux internautes ont fait valoir que les photographies en cause sont protégeables par le droit d’auteur à raison de leurs différentes caractéristiques et qu’ils étaient titulaires des droits de propriété intellectuelle sur ces œuvres sur le fondement de l’article L113-1 du code de la propriété intellectuelle.

Le jugement rendu est intéressant en ce qu’il a précisé les critères pour que :

- des photographies acquièrent la qualité d’œuvres protégeables par le droit d’auteur (1) ;

- les internautes puissent se prévaloir de la qualité d’auteur des photographies prises personnellement après les avoir mises en ligne sur internet (2).

1) La qualité d’œuvres protégeables par le droit d’auteur

Les photographies revendiquées par le premier des deux internautes n’ont pas été jugées protégeables par le droit d’auteur :

« Une photographie n’est protégeable par le droit de la propriété intellectuelle que dans la mesure où elle procède d’un effort créatif et qu’elle ne vise pas seulement à reproduire de la manière la plus fidèle possible, un objet préexistant.

Par ailleurs le seul fait de représenter des avions ou des éléments d’avions ne suffit pas à caractériser l’originalité du sujet dès lors que de tels choix sont le propre de tout passionné d’aéronautique.

Cependant le fait de placer le sujet au centre d’une photographie ne peut être considéré comme original et les autres éléments invoqués par le demandeur : présence de leds rouges, faible luminosité, présence d’une ombre manifestent plus l’inexpérience du photographe que la réalité de choix esthétiques.

Néanmoins il ne suffit pas de décrire une composition (1er plan, fond gris posé sur un support plat) il faut indiquer en quoi ce qui apparaît extrêmement banal peut être le résultat de choix artistiques révélateurs de la personnalité de son auteur.

Néanmoins la casquette n’est guère visible et la photographie représente surtout une partie de la cabine de pilotage sans que les caractères de la photographie puissent permettre de lui reconnaître une originalité particulière, les conditions de prise de vue telles que le zoom relevant de contraintes techniques et l’éclairage ne résultant manifestement pas de choix opérés par le photographe.

Néanmoins, il ne suffit pas de décrire les caractéristiques techniques d’une photographie qui en l’espèce sont extrêmement banales ; il convient d’indiquer en quoi celles-ci sont le résultat de choix esthétiques en vue de produire un effet particulier et non pas une exacte reproduction de l’objet en cause.

Néanmoins [Monsieur X] n’est pas maître de l’environnement de la statue et il ne résulte pas de l’examen de la photographie qu’il ait réalisé des choix particuliers susceptibles de mettre spécialement en valeur la statue qui est le sujet de la photographie. »

S’agissant des photographies revendiquées par le second internaute, le juge a considéré qu’elles ne comprenaient aucun élément original susceptible de justifier d’une protection par le droit d’auteur :

« Cependant le nez du Concorde étant une de ses caractéristiques essentielles, la décision de mettre spécialement en avant cet élément ne constitue pas un choix original.

Le choix d’une vue de côté en éclairage naturel est également banal ainsi qu’un premier plan sur la piste de décollage ou sur un fond bleu ou blanc, s’agissant d’un avion. Enfin la présence du nom des compagnies aériennes s’imposait au photographe compte tenu de leur

Cependant les choix tenant à l’exiguïté des lieux tiennent à des contraintes techniques et ne relèvent pas de considérations esthétiques ; ils ne peuvent donner lieu à une protection au titre du droit d’auteur.

Le cockpit du Concorde est un sujet très attractif même pour des personnes qui ne sont pas spécialement intéressées par l’aéronautique, compte tenu de l’aura particulière de cet avion unique et le choix de ce sujet ne présente pas d’originalité particulière.

Par ailleurs, il n’est pas démontré que les angles de prise de vue et l’éclairage n’étaient pas dictés par les contraintes particulières des lieux. Enfin le fait que les instruments soient allumés, que le pare brise soit visible et que la chaise du pilote soit vide ne relèvent pas de choix originaux.

Néanmoins le choix de photographier un avion ou une partie d’avion dans un coucher de soleil n’est pas original alors que le coucher de soleil est un élément très recherché des photographes et qu’il est exploité de multiples manières.

En revanche la manière dont ce sujet va être traité peut conférer à la photographie une originalité particulière. En l’espèce, [Madame X] met en avant le choix de l’angle de vue sur le réacteur et d’un faible éclairage.

Seules deux photographies du second internaute ont été considérées comme susceptibles de permettre la protection par le droit d’auteur en raison de leur originalité procédant du « choix particuliers en vue d’aboutir à une représentation particulière de l’aile de l’avion sur un fond orangé »

Cependant, le juge n’a pas retenu la qualité d’auteur au second internaute. 

2) La perte de la qualité d’auteur des photographies lors de leur mise en ligne sur internet

Les photographies éligibles à la protection du droit d’auteur suppose aussi de justifier de sa qualité d’auteur.

Le second internaute invoquait la présomption attachée à la divulgation de l’œuvre sous son nom car les photographies ont été postées par elle sur le site internet avec son pseudonyme.

Mais selon le juge :

« la présomption de la qualité d’auteur ne peut s’appliquer qu’autant que la divulgation ait été effectuée de manière non équivoque avec la volonté de l’intéressée de se présenter en qualité d’auteur.

Or, il est courant qu’un contenu soit posté sur internet avec l’indication d’un pseudonyme sans que celui-ci indique autre chose que l’origine de l’opération de chargement et de stockage, sans aucune revendication de la qualité d’auteur.

Ainsi il ne peut se déduire du seul postage d’un contenu sur internet avec la mention d’un pseudonyme que la personne ainsi désignée entend se prévaloir de la qualité d’auteur de ce contenu alors qu’elle souhaite seulement s’identifier comme le responsable de l’opération de chargement et de stockage.

Ainsi la seule présence d’un pseudonyme au côté d’un contenu stocké sur internet est équivoque et elle ne peut suffire à faire jouer la présomption de l’article L113-1 du code de la propriété intellectuelle. Elle doit être confortée par d’autres mentions manifestant la volonté de la personne de se présenter en tant qu’auteur de l’œuvre de l’esprit ainsi diffusée.

En l’espèce en l’absence de tout autre élément permettant de retenir que [Madame X] est effectivement l’auteur des photographies en cause, la seule présence de son pseudonyme ne permet pas de lui reconnaître cette qualité ».

Il découle de ce qui précède que l’internaute qui diffuse des clichés de sa collection personnelle sur des sites internet ne peut pas en solliciter le retrait à défaut de pouvoir justifier de l’originalité de ces photographies ou de sa qualité d’auteur.

En outre, il convient de garder en mémoire qu’en cas d’utilisation d’un pseudonyme pour diffuser des contenus sur des sites internet tels que des blogs, des forums de discussion, des réseaux sociaux, la qualité d’auteur supposera pour l’internaute de rapporter la preuve de sa « volonté de se présenter en tant qu’auteur de l’œuvre de l’esprit ainsi diffusée ».

Concrètement, le juge impose aux internautes qu’ils fassent mention exprès qu’ils sont les auteurs de chacune des photographies mise en ligne sur des sites internet communautaires pour lesquelles ils souhaiteraient se prévaloir de la protection assurée par le droit d’auteur notamment afin d'obtenir leur retrait ou leur suppression.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

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Anthony Bem
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