Lorsque les clients sont poursuivis en justice par leur banque afin d’obtenir leur condamnation au paiement de leur dette issue d’un prêt immobilier ou à la consommation, les emprunteurs disposent de moyens juridiques de défense sérieux afin de diminuer le montant de leur dette, sur le fondement notamment du manquement du banquier à son obligation de mise en garde envers son client lors de la souscription du prêt.
Depuis les années 2000, la jurisprudence a instauré, petit à petit, divers types de devoirs de mise en garde des banquiers envers leurs clients, selon la nature des engagements bancaires.
Ce devoir de mise en garde du banquier a été consacré notamment par un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 12 juillet 2005 qui a jugé :
« qu'après avoir analysé les facultés contributives des époux X..., en tenant compte notamment des revenus produits par la location de la maison achetée au moyen du prêt litigieux, la cour d'appel, constatant que les emprunteurs ne pouvaient faire face aux échéances de ce prêt avec leurs revenus locatifs, non plus qu'avec leurs très modestes ressources, a retenu que la banque avait méconnu ses obligations à l'égard de ces emprunteurs profanes en ne vérifiant pas leurs capacités financières et en leur accordant un prêt excessif au regard de leurs facultés contributives, manquant ainsi à son devoir de mise en garde ; qu'elle a légalement justifié sa décision de ce chef »
L’ordonnance du 25 mars 2016, n°2016-351, a légalement consacré le devoir de mise en garde du banquier envers tous les emprunteurs dans le Code de la consommation.
Ainsi, l’article L. 313-12 du Code de la consommation dispose que :
« Le prêteur ou l'intermédiaire de crédit met en garde gratuitement l'emprunteur lorsque, compte tenu de sa situation financière, un contrat de crédit peut induire des risques spécifiques pour lui. »
Le devoir du banquier est centré sur le risque d’endettement excessif de l’emprunteur par rapport à ses capacités financières (Cour de cassation, Première chambre civile, 10 septembre 2015, n°14-18851).
Les juges peuvent donc apprécier le risque d’endettement excessif au regard de la situation financière d’un emprunteur au jour de la souscription d’un prêt.
Cette analyse est donc personnelle et à un instant donné.
La preuve de la faute de la banque peut être établie par son défaut de justification du respect de son obligation de mise en garde dans le cadre de sa procédure de recouvrement.
Elle nécessite reconventionnellement de faire établir que la banque n’a pas respecté son obligation jurisprudentielle de mise en garde.
Le cas échéant, le manquement du banquier à son devoir de mise en garde entraîne la perte de chance de l’emprunteur de prendre une décision différente et donc de ne pas emprunter (Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 octobre 2009, n°08-20.274).
Ainsi, la Haute Cour de cassation considère que :
« La réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée » (Cour de cassation, Première chambre civile, 9 avril 2002, n°00-13.314).
Ainsi, le montant de l’indemnisation ne peut malheureusement pas correspondre au montant total du prêt ni au montant du solde du prêt dû par l’emprunteur.
L’estimation de « la chance perdue », c’est à dire du préjudice subi par l’emprunteur suite à la souscription d’un crédit excessif est très subjective.
En pratique, les sommes obtenues en justice au titre du manquement du banquier dispensateur de crédit à son obligation de mise en garde de son client sont rarement très importantes.
En fonction des montants des prêts mais aussi et surtout de la générosité du juge ; les indemnités obtenues au titre de l’indemnisation de la perte de chance de ne pas conclure le prêt peuvent aller de quelques milliers d’euros à quelques dizaines de milliers d’euros.
A titre d’exemple, le cabinet BEM a obtenu, le 7 décembre 2023, pour le compte de l’un de ses clients la condamnation de la banque Société Générale au paiement de la somme de 80.000 euros, à titre d’indemnisation de la perte de chance de l’emprunteur qui avait souscrit un emprunt immobilier d’un montant de 548.000 euros. (Tribunal judiciaire de Pontoise, Deuxième chambre civile, 7 décembre 2023, n°20/05668).
Si la somme obtenue est loin de correspondre au montant du solde du prêt restant à rembourser elle permet néanmoins d’obtenir une diminution subséquente de la dette, tout en sachant qu’il existe encore d’autres solutions afin de faire disparaître sa dette lors de la tentative de recouvrement forcé, telles par exemple la contestation de l’éventuelle cession de créance intervenue au profit d’un organisme de recouvrement, la saisine de la commission de surendettement des particuliers près la Banque de France ou la négociation amiable d’une diminution du montant de la dette.
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Anthony Bem
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