La prise illégale d'intérêts est le fait pour un élu d'utiliser ses fonctions professionnelles afin d’en tirer un avantage personnel.
Ainsi, le législateur puni les personnes :
- soit dépositaires de l'autorité publique,
- soit chargées d'une mission de service public,
- soit investie d'un mandat électif public,
de prendre, recevoir, conserver, directement ou indirectement un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation, le paiement.
Les personnes dépositaires de l'autorité publique sont les fonctionnaires et les officiers ministériels investis d'une mission publique par l'autorité publique.
Les personnes chargées d'une mission de service publique sont les personnes chargées d'une délégation de service public.
Enfin, les personnes investies d'un mandat sont les élus, c’est-à-dire les membres du Parlement, du Conseil économique et social, des assemblées régionales, départementales et communales.
La prise illégale d’intérêts est une infraction à caractère objectif, c'est-à-dire dont la réalisation ne nécessite aucune intention frauduleuse.
Ainsi, la cour de cassation a jugé que la prise illégale d’intérêts suppose simplement que le prévenu ait accompli sciemment l'acte constituant l'élément matériel du délit, même s'il n'a pas cherché à tirer profit de son immixtion (Cour de cassation, chambre criminelle, 27 novembre 2002, n°02-81581).
En principe, l’infraction est instantanée de sorte que le délai de prescription ne commence à courir dans le temps qu’à compter de la date de sa commission ou de sa tentative.
Cependant, lorsque l’intérêt reçu par le prévenu se traduit par la création d'une situation permanente dont celui-ci tire régulièrement des bénéfices, le délai de prescription commence à courir à compter de la cessation de la situation illicite.
L’auteur de ce délit encourt une peine pouvant aller jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 500.000 euros d'amende.
Par exception à la règle, les élus de communes de moins de 3500 habitants peuvent conclure un certain nombre de conventions avec la commune.
Ils peuvent notamment acquérir des biens immobiliers ou immeubles ruraux sous réserve de l'avis favorable du service des domaines et d'une délibération motivée du conseil municipal.
Selon Montesquieu, « c'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ».
En effet, la tentation est grande d’user de son pouvoir afin d’en tirer avantages.
A titre d’exemple de ce type d’abus de pouvoir, en 1996, le tribunal correctionnel de Nanterre a condamné Patrick Balkany, maire de Levallois-Perret, du chef du délit de prise illégale d'intérêts, pour avoir utilisé le personnel municipal en qualité de domestiques, à quinze mois de prison avec sursis, 30.000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité.
Encore, en 2007, Jean-Paul Huchon, Président du Conseil régional d’Ile de France, a été condamné par le tribunal correctionnel de Paris, à six mois d’emprisonnement avec sursis, 60.000 euros d’amende et un an d’inéligibilité, du chef de prise illégale d’intérêts, pour avoir poussé le Conseil régional à contracter, dans le cadre de marchés publics, avec des sociétés de communication qui employaient sa femme.
Enfin, le 5 avril 2018, la Cour de cassation a jugé que le lien d’amitié peut être constitutif de « l’intérêt » nécessaire à la caractérisation du délit de prise illégale d’intérêts (Cour de cassation, chambre criminelle, 5 avril 2018, RG :17-81912).
En l’espèce, le maire d’une commune a participé à toutes les étapes du processus de décision ayant abouti à retenir une société pour l’acquisition d’un terrain communal.
Or, le dirigeant de la société acheteuse était un ami proche du maire avec lequel jouait au golf…
Le maire a été poursuivi pour prise illégale d’intérêt et le dirigeant de la société pour recel de ce délit.
En effet, la simple amitié peut suffire, en l’absence de tout autre lien, à caractériser l’infraction de prise illégale d’intérêts.
Ainsi, les juges ont estimé que l’intérêt pouvait être de nature matérielle ou morale, et direct ou indirect.
Par voie de conséquence, cet intérêt ne nécessite pas d’apporter la preuve d’une contrepartie financière ou d’une contradiction avec l’intérêt du service public.
Les élus locaux peuvent donc mettre en jeu leur responsabilité pénale dès qu’il existera des interférences entre leur personnes avec lesquelles ils entretiennent des relations amicales et les décisions auxquelles ils participent.
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Anthony Bem
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