Contrôle judiciaire : paiement d’une caution pénale et interdiction d'activité professionnelle du mis en examen

Publié le 17/10/2014 Vu 20 863 fois 0
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Le juge d’instruction peut-il ordonner le versement d’une caution pénale ou une interdiction professionnelle sans avoir à justifier sa décision?

Le juge d’instruction peut-il ordonner le versement d’une caution pénale ou une interdiction professionne

Contrôle judiciaire : paiement d’une caution pénale et interdiction d'activité professionnelle du mis en examen

Le 17 septembre 2014, la Cour de cassation a jugé que le montant et les délais de versement d’une caution pénale, dans le cadre d’une procédure judiciaire, doivent être fixés en fonction des ressources et des charges de la personne mise en examen.

De même, le juge d’instruction qui souhaite ordonner une interdiction professionnelle doit non seulement constater que l’infraction a été commise dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de cette activité par la personne poursuivie mais aussi prouver l’existence d’un risque de commission d’une nouvelle infraction pénale.

Pour mémoire, l’article 137 du Code de procédure pénale dispose :

« Toute personne mise en examen, présumée innocente, demeure libre.

Toutefois, en raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, elle peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou, si celles-ci se révèlent insuffisantes, être assignée à résidence avec surveillance électronique.

A titre exceptionnel, si les obligations du contrôle judiciaire ou de l'assignation à résidence avec surveillance électronique ne permettent pas d'atteindre ces objectifs, elle peut être placée en détention provisoire. »

Le contrôle judiciaire est une mesure de procédure pénale qui permet de soumettre une personne à une ou plusieurs obligations jusqu'à sa comparution devant le tribunal correctionnel pour être jugée des faits reprochés.

Le contrôle judiciaire ne peut être ordonné que sous deux conditions cumulatives à savoir :

- il doit être nécessaire à l’enquête ou être prononcé à titre de mesure de sûreté,

- la personne doit encourir au moins une peine d’emprisonnement correctionnel.

Dans le cadre du contrôle judiciaire, le juge d'instruction, le juge des libertés et de la détention ou le tribunal peut soumettre à la personne mise en examen une ou plusieurs obligations énumérées à l'article 138 du Code de procédure pénale à savoir :

- une interdiction de sortir de certaines limites territoriales fixées par le juge,

- une interdiction de s’absenter de son domicile,

- une obligation de quitter le domicile conjugal en matière de violences conjugales,

- une interdiction de se rendre dans certains lieux fixés par le juge,

- une obligation d’informer le juge de tous ses déplacements,

- une obligation de remettre son passeport,

- une obligation de se rendre de façon périodique au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie,

-une interdiction de rencontrer certaines personnes déterminées par le juge,

- une obligation de se soumettre à un suivi socio-éducatif (activité professionnelle ou formation),

-une obligation de se soumettre à des mesures d’examen, de traitement ou de soins même sous le régime de l’hospitalisation notamment aux fins de désintoxication ou de suivi psychologique ou psychiatrique,

- une obligation de faire l’objet d’une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique en matière de violences conjugales.

- une obligation de fournir un cautionnement ou constituer des sûretés personnelles ou réelles (hypothèques, cautionnement, gage etc…),

- une obligation de justifier d’une contribution aux charges familiales.

- Interdiction diverses :

- une interdiction de conduire un véhicule,

- une interdiction d’exercer certaines activités professionnelles ou sociales (lorsque l’infraction a été commise dans leur cadre et qu’un renouvellement est à redouter),

- une interdiction de détenir une arme,

- une interdiction d’émettre des chèques.

À tout moment de l’enquête, le juge d’instruction, le juge des libertés et de la détention ou le tribunal peut :

- imposer à la personne placée sous contrôle judiciaire une ou plusieurs obligations nouvelles,

- supprimer tout ou partie des obligations,

- modifier une ou plusieurs de ces obligations,

- accorder une dispense occasionnelle ou temporaire d’observer certaines d’entre elles.

Parmi ces obligations découlant du contrôle judiciaire, certaines ne peuvent être imposées à la personne mise en examen que sous certaines conditions.

C’est le cas, notamment, du cautionnement et de l’interdiction de se livrer à certaines activités professionnelles ou sociales.

S’agissant, tout d’abord, du cautionnement pénal, l’article 138, alinéa 2, 11° du Code de procédure pénale dispose que :

« le montant et les délais de versement, en une ou plusieurs fois, sont fixés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention, compte tenu notamment des ressources et des charges de la personne mise en examen»

En l’espèce, une personne mise en examen pour corruption passive avait été placée sous contrôle judiciaire.

L’ordonnance de placement sous contrôle judiciaire avait imposait l’obligation de versement d’un cautionnement d’un montant de 30.000 euros et l’interdiction de se livrer à des activités en lien avec des opérations d’urbanisme.

Pour confirmer l’ordonnance du contrôle judiciaire, la Cour d’appel a jugé que « le principe d’un cautionnement était en adéquation avec les faits reprochés à l’intéressée et que le montant de celui-ci doit être fixé en tenant compte de ses facultés contributives » et, s’agissant de l’interdiction d’exercice d’activité professionnelle, elle a estimé qu’elle était« en adéquation avec les faits reprochés à l’intéressée ».

La personne mise en examen a alors formé un pourvoi en cassation en soutenant :

- D’une part, que l’obligation de verser un cautionnement n’était pas justifiée dès lors qu’elle assurait l’entretien de deux enfants mineurs, remboursait un emprunt immobilier, et ne disposait d’aucune épargne liquide. De plus, elle proposait de constituer une sûreté réelle (hypothèque) sur le bien immobilier dont elle était propriétaire ;

- Et, d’autre part, que l’’interdiction de se livrer à une activité professionnelle n’était pas justifiée en raison de l’absence de risque actuel de commission d’une nouvelle infraction.

La Cour de cassation a donné droit à la personne mise en examen en considérant :

D’une part, que:

« le montant et les délais de versement du cautionnement, dont peut être assorti le contrôle judiciaire de la personne mise en examen, doivent être fixés compte tenu, notamment, des ressources et des charges de celle-ci »  

Et, d’autre part :

«la juridiction d’instruction qui interdit à la personne mise en examen de se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale, doit constater que l’infraction a été commise dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ces activités et qu’il existe un risque de commission d’une nouvelle infraction ».

Selon la Cour de cassation, la décision ordonnant le versement d’un cautionnement, dans le cadre d’un placement sous contrôle judiciaire, doit expressément se référer aux ressources et aux charges de la personne mise en examen.

Cette condition est rappelée dans plusieurs décisions de la Cour de cassation.

Ainsi, il a été jugé que l'arrêt d'une chambre d'accusation qui impose à une personne mise en examen le paiement d'une somme au titre du cautionnement sans faire aucune référence à ses ressources encourt la cassation. (Cass. crim., 7 décembre 1994, n° 94-84.669)

De même, l'arrêt qui fixe le montant d'un cautionnement sans s'expliquer sur les ressources et sur les charges du mis en examen méconnaît l'article 138, alinéa 2, 11° du code de procédure pénale. (Cass. Crim. 4 novembre 2008, n° 08-85.724)

Compte tenu du fait que les juges de la Cour d’appel avaient omis de justifier leur prononcé au regard des exigences de l'article 138, alinéa 2, 11° du code de procédure pénale, leur décision ne pouvait éviter la censure.

Concernant, l’interdiction de se livrer à certaines activités, l’article 138, alinéa 2, 12° du Code de procédure pénale pose deux conditions cumulatives, à savoir que :

- l'infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion de ces activités,

- l’existence d’un risque de commission d'une nouvelle infraction.

La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de censurer une décision d’interdiction d'exercer son activité de mandataire judiciaire, aux motifs que les infractions reprochées n'ont pas été commises à l'occasion de l'exercice de cette activité et le risque actuel de commission d'une nouvelle infraction n'a pas été suffisamment caractérisé. (Cass.  Crim. 5 mars 2003, n°02-88.089)

De même, la jurisprudence impose aux juges d’instruction de constater et de caractériser le risque actuel de commission d'une nouvelle infraction pénale justifiant le maintien d’une interdiction professionnelle faite à une personne mise en examen. (Cass, Crim. 13 octobre 1998, n°98-84.224)

Or, la juridiction d’instruction avait omis de se prononcer in concreto sur le risque de commission d'une nouvelle infraction.

Pour conclure, il convient de garder en mémoire que la personne mise en examen peut demander au juge d’instruction :

- de procéder à tout acte lui paraissant nécessaire à la manifestation de la vérité : audition d'un témoin ou d'une autre partie, transport sur les lieux ;

- que ces actes soient effectués en présence de son avocat ;

- l'annulation de la mise en examen dans les 6 mois de la première comparution si une irrégularité a été commise ;

- de revenir sur sa décision et de lui donner le statut de témoin assisté si les conditions requises par la mise en examen ne sont plus remplies (article 80-1-1 du Code de procédure pénale).

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