Le droit à l’image des mineurs

Publié le Modifié le 24/08/2023 Vu 3 165 fois 0
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Peut-on poster et partager des photos ou vidéos de ses enfants sur les réseaux sociaux ?

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Le droit à l’image des mineurs

 

L’avènement des réseaux sociaux et la publication systématique de photographies ou vidéos a bouleversé l’exercice du droit à l’image. 

 

Le droit à l’image est à l’intersection entre la liberté d’expression des parents et l’intérêt supérieur de l’enfant. 

 

Il apparaît donc comme le terrain d’un potentiel conflit entre ces principes juridiques, aggravé par les réseaux sociaux qui rémunèrent la viralité et promeut les comportements narcissiques. 

 

De plus, certaines vidéos ou photographies anodines ou initialement publiées par des parents dans le but de se moquer de leurs enfants dans des pranks peuvent finalement être gênantes et porter atteinte à la réputation des enfants devenus majeurs.

 

La question du droit à l’image des enfants mineurs est aussi à la confluence entre les enjeux d’exploitation commerciale, de harcèlement et de pédocriminalité. 

 

Une étude de 2010, réalisée pour une société pionnière en matière de logiciels de sécurité, avait interrogé plus de 2000 mères d’un enfant de moins de 2 ans, notamment en Europe, aux États-Unis et en Asie et a révélé que 81 % des enfants de moins de 2 ans avaient un profil numérique, une empreinte numérique, avec des photographies ou vidéos d’eux misent en ligne. 

 

En 2010, l’âge moyen de naissance d’un enfant sur le web se situait en moyenne à 6 mois pour un tiers des enfants. 

 

Plus récemment, le 6 février 2023, une étude publiée par l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique révèle que plus d’un parent sur deux a déjà partagé des vidéos ou photographies de ses enfants sur les réseaux sociaux.

 

Cette étude indique surtout que 91 % des parents qui publient des photographies de leurs enfants l’ont fait avant qu’ils n’aient cinq ans et 43 % ont même commencé dès la naissance et parfois même avant. 

 

Dans de nombreux cas, ces images sont diffusées sur les réseaux sociaux par les parents eux-mêmes, dans le même élan de partage qui les poussent à exposer leur propre vie privée ou dans le but d’attirer des abonnés ou d’augmenter leur nombre de vues, sans qu’ils aient forcément conscience des conséquences pour leur enfant. 

 

Or, en droit, l’image est un des attributs de la personnalité juridique dont dispose chacun sur sa personne et qui est protégé par la loi et les juges. 

 

Le droit à l’image est concrètement le pouvoir de décider de la représentation de son apparence. 

 

Ainsi, la jurisprudence civile de la Cour de cassation considère de manière constante que toute personne a sur son image et sur l’utilisation qui en est faite, un droit exclusif et peut s’opposer à sa diffusion sans son autorisation. 

 

Autrement dit, chacun dispose du droit de s’opposer à l’utilisation ou à la diffusion de son image. 

 

L’utilisation ou la diffusion de l’image d’autrui suppose donc son consentement. 

 

S’agissant des enfants mineurs, la diffusion de photographies ou vidéos par eux même ou leurs parents n’est pas un acte usuel.  

 

En effet, les enfants mineurs ne sont pas juridiquement en capacité de gérer les attributs relatifs à leur personne avant leur majorité. 

 

Cette mission est légalement confiée à ceux dont la mission est de s’assurer de leur sécurité, de leur santé, leur moralité, leur éducation et de permettre leur développement, dans le respect dû à leur personne, à savoir les titulaires de l’autorité parentale, tels que les parents. 

 

Ainsi, lorsque la personne qui apparaît sur une photographie ou vidéo est mineure, il est obligatoire de recueillir l’autorisation des titulaires de l’autorité parentale. 

 

Il est important de souligner et de garder en mémoire que l’exercice de l’autorité parentale est assumé de manière commune. 

 

Même s’ils sont séparés, les parents continuent d’exercer conjointement l’autorité parentale envers leurs enfants. 

 

Pour cause, la séparation des parents est sans incidence sur l’exercice de l’autorité parentale, de sorte que la diffusion de l’image ou d’une vidéo de leur enfant mineur est un acte qui nécessite toujours l’accord conjoint des deux parents. 

 

Les juges ont rappelé que le respect de l’exercice conjoint de l’autorité parentale nécessite l’accord des deux parents pour toutes les décisions relatives aux intérêts de l’enfant. 

Les juges peuvent donc interdire à chacun des parents de diffuser des photographies des enfants sur tous supports sans l’accord de l’autre parent. 

 

En conséquence, dans le cadre de l’autorité parentale conjointe, les deux parents se voient confier les mêmes droits quant à l’éducation de leurs enfants, qu’ils vivent en couple ou qu’ils soient séparés. 

 

De la même manière, les décisions relatives à la diffusion de l’image de leur enfant sur des réseaux sociaux doivent être prise par  les deux parents d’un commun accord. 

 

Aussi, selon les dispositions de l’article 371-1 du Code civil « Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. » 

 

Ainsi, dans l’expression du consentement du mineur, les parents doivent prendre en compte l’avis de l’enfant et anticiper les conséquences éventuelles, notamment dans le futur, de l’utilisation qu’ils font de l’image de ce dernier.

 

Juridiquement, l’enfant peut ou doit donc être associé aux décisions relatives à la diffusion de leur image avec ses parents quand ces derniers le pensent assez mature.

 

Cette question est toutefois subjective et laissée à l’appréciation de chacun.

 

Enfin, il a déjà été admis que les photographies d’un enfant peuvent s’inscrire dans le cadre de communication personnelle entre amis. 

 

Les parents peuvent donc configurer leur profil de réseau social en mode privé de manière à ce que les photographies et vidéos de leur enfant qu’ils publient ne puissent être consultées que par des « amis » et n’aient pas besoin d’avoir l’accord de l’autre parent pour les publier.

 

Avec l’avènement du numérique et des réseaux sociaux, la publication de contenus en ligne a entraîné l’apparition de nouveaux vocables et risques. 

 

De nouveaux concepts sont apparus : le sharenting ou le surpartage parental et le digital kidnapping. 

 

Le « digital kidnapping » consiste à voler la photographie ou vidéo d’un nouveau né ou d’un enfant, mise en ligne par un internaute sur son compte, profil ou page d’un réseau social et la reposter ou faire passer l’enfant pour le sien, etc …

 

Le sharenting est la contraction des termes « sharing » (partage) et « parents » pour signifier la pratique des parents qui publient des contenus concernant leurs enfants sur Internet et plus particulièrement sur les réseaux sociaux. 

 

Enfin, il convient d’observer que le sharenting entraîne de nouveaux risques :

 

  • risque d’utilisation des données personnelles à des fins commerciales ; 
  • risque lié à l’exposition des plus jeunes aux pédocriminels ; 
  • risque d’atteintes à la notoriété et la réputation de l’enfant à court, moyen ou long terme ; 
  • risque de cyberharcèlement. 

À cet égard, Europol et Interpol alertent sur une nouvelle réalité, à savoir que dans le cadre des enquêtes sur des affaires pédocriminelles, les échanges de ces derniers comportent des contenus mis en ligne par leur entourage ou par les jeunes mineurs eux mêmes sur les réseaux sociaux. 

 

Enfin, être enfant influenceur sur les réseaux sociaux n’est pas une « activité » facile. 

 

L’étude publiée par l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique révèle que chaque contenu publié sur les réseaux sociaux nécessite de tourner de deux à dix prises et jusqu’à une heure de préparation dans la majorité des cas. 

 

Les enfants d’influenceurs ne sont pas en reste puisque cette même étude met en lumière le fait que l’exposition des enfants est précoce compte tenu que 3/4 de ceux-ci sont exposés sur les réseaux sociaux avant l’âge de 5 ans. 

 

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

Anthony Bem
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