Internet : responsabilité d'un forum de discussion pour défaut de retrait des commentaires illicites

Publié le 05/01/2013 Vu 4 247 fois 0
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Le 30 octobre 2012, la Cour de cassation a jugé que « la responsabilité pénale du producteur d’un site de communication au public en ligne mettant à la disposition du public des messages adressés par des internautes n’est engagée, à raison du contenu de ces messages, que s’il est établi qu’il en avait connaissance avant leur mise en ligne ou que, dans le cas contraire, il s’est abstenu d’agir promptement pour les retirer dès le moment où il en a eu connaissance (Cass. Crim., 30 octobre 2012, N° de pourvoi: 10-88825)

Le 30 octobre 2012, la Cour de cassation a jugé que « la responsabilité pénale du producteur d’un site d

Internet : responsabilité d'un forum de discussion pour défaut de retrait des commentaires illicites

L’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 dispose que :

"Au cas où l'une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article 93-2 de la présente loi, le codirecteur de la publication sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l'objet d'une fixation préalable à sa communication au public".

A défaut, l'auteur, et à défaut de l'auteur, le producteur sera poursuivi comme auteur principal.

Lorsque le directeur ou le codirecteur de la publication sera mis en cause, l'auteur sera poursuivi comme complice.

Pourra également être poursuivie comme complice toute personne à laquelle l'article 121-7 du code pénal sera applicable.

Lorsque l'infraction résulte du contenu d'un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel, le directeur ou le codirecteur de publication ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s'il est établi qu'il n'avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message ".

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 27 juin 2011, par la chambre criminelle de la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle (Conseil constitutionnel,16 septembre 2011, Décision QPC n° 2011-64).

Ainsi, le créateur ou l'animateur d'un tel site de communication au public en ligne peut voir sa responsabilité pénale recherchée, en qualité de producteur, à raison du contenu de messages dont il n'est pas l'auteur et qui n'ont fait l'objet d'aucune fixation préalable.

Selon le requérant, les dispositions des deuxième et dernier alinéas de l'article 93-3 précités ont pour effet de créer à l'encontre du producteur d'un service de communication au public en ligne une présomption de culpabilité en le rendant responsable de plein droit du contenu des messages diffusés dans un espace de contributions personnelles dont il est « l'animateur », même s'il en ignore le contenu.

Ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi pénale en traitant différemment, sans justification, le directeur de la publication et le producteur sur internet.

Or, en vertu de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable.

Il en résulte qu'en principe le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière répressive.

Il ne peut s'exonérer des sanctions pénales qu'il encourt qu'en désignant l'auteur du message ou en démontrant que la responsabilité pénale du directeur de la publication est encourue.

Selon le conseil constitutionnel, les dispositions contestées ne sauraient, sans instaurer une présomption irréfragable de responsabilité pénale en méconnaissance des exigences constitutionnelles précitées, être interprétées comme permettant que le créateur ou l'animateur d'un site de communication au public en ligne mettant à la disposition du public des messages adressés par des internautes, voie sa responsabilité pénale engagée en qualité de producteur à raison du seul contenu d'un message dont il n'avait pas connaissance avant la mise en ligne.

En l'espèce, le député-maire de Noisy-le-Grand a découvert que l'espace de contributions personnelles du site internet de l’association de défense des intérêts des habitants des Bas-Heurts-La Varenne diffusait les propos suivants :

“ Par ailleurs, M. Y... cumule plusieurs mandats (député, maire) : sont-ils compatibles avec d’autres fonctions (dans l’immobilier par exemple) ? Ne confond-il pas intérêts personnels et spoliation des “ petites gens “ ? “

Selon les juges d'appel, le président de l’association « doit être considéré comme l’auteur du message litigieux dès lors qu’il assume aux yeux des internautes et des tiers la qualité de producteur du blog de l’association susvisée sans qu’il puisse opposer un défaut de surveillance dudit message ».

Le Président de l’association a été condamné pour diffamation publique.

Cependant, la cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel en jugeant que :

« en se déterminant ainsi, sans rechercher si, en sa qualité de producteur, M. X...avait eu connaissance, préalablement à sa mise en ligne, du contenu du message litigieux ou que, dans le cas contraire, il s’était abstenu d’agir avec promptitude pour le retirer dès qu’il en avait eu connaissance, la cour d’appel n’a pas fait l’exacte application de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 modifiée sur la communication audiovisuelle, au regard de la réserve du Conseil constitutionnel susvisée ».

Cette décision permet de rappeler que le responsable d’un forum de discussion ou d’un site comprenant un espace de commentaires ou de contributions personnelles d’internautes engage juridiquement sa responsabilité même si les contenus illicites sont le fait d'internautes.

Il pourra s’agit de propos diffamatoires, injurieux, violant le droit au respect de la vie privée, le droit à l’image ou de droits d’auteurs.

Cette responsabilité suppose soit qu’il en ait eu connaissance avant leur mise en ligne ou qu’il se soit abstenu d'agir avec promptitude pour le retirer dès qu'il en a eu connaissance.

C’est aussi l’occasion de rappeler de victimes d’atteinte à leur réputation en ligne que la notification de retrait de contenu illicite sur internet adressé au responsable d’un site doit respecter un formalisme légal strict au risque de voir la demande de retrait rester lettre morte ou que la procédure judiciaire engagée soit nulle.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

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Anthony Bem
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