Le 25 septembre 2013, la Cour de cassation a condamné un héritier pour recel successoral estimant qu'il s'était approprié des fonds dans l'intention de rompre à son profit l'égalité du partage, suite à la disparition de sommes d’argent provenant des comptes bancaires de la défunte, sur lesquels il avait procuration et à la dissimulation des opérations après avoir fait disparaître tous documents administratifs et bancaires de ses parents (Cass. Civ. I, 25 septembre 2013, N° de pourvoi: 12-24079)
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Pour mémoire, le recel successoral s'entend de toute fraude au moyen de laquelle un héritier cherche, au détriment de ses cohéritiers, à rompre l'égalité du partage, soit en divertissant les effets de la succession par une appropriation indue, soit en dissimulant leurs possessions alors qu'il devrait être tenu de les déclarer, notamment s'agissant de dons ou donations déguisées soumises à rapport.
En l'espèce, Madame X est décédée laissant pour lui succéder ses quatre enfants.
Entre la date du décès de son époux et son décès, elle a vécu avec un de ses quatre enfants et lui a donné procuration sur ses comptes bancaires, à l'exception du PEL et de son compte-titres.
Estimant que des éléments de la succession avaient été divertis, les trois autres héritiers ont assigné leur frère en demandant notamment au juge le rapport à la succession des sommes détournées et l'application, à son encontre, des sanctions du recel successoral.
Une expertise a donc été ordonnée afin de rechercher si cet héritier avait reçu de sa mère des sommes qui n'auraient pas été portées à la connaissance de la succession.
Le recel supposait que soient réunis un élément matériel, la dissimulation ou le divertissement d'éléments de l'actif successoral, et un élément moral, l'intention de dissimuler la réalité pour porter atteinte aux droits successoraux de ses cohéritiers.
Afin de condamner cet héritier pour recel successoral, les juges ont pris en compte le fait que, outre les dépenses effectuées à partir de ses comptes de dépôt auprès d'autres banques, la défunte avait opéré des retraits importants sur ses comptes titres, assurance-vie, etc ... et que d'autres sommes avaient purement et simplement disparu du compte sur lequel l’héritier avait procuration, dont :
- une somme de près de 15.000 € de retrait d’espèce au guichet ;
- une somme de plus de 5.000 € retirée sur une convention Obsèques ;
- une somme de près de 50.000 € résultant d'avances sur le contrat Axa Libretto.
Or, l'expert a indiqué que ces fonds ont, soit été retirés directement, soit, ce qui est le plus vraisemblable, été versés sur un compte bancaire inconnu.
Ainsi, compte tenu de la disparition de ces fonds, survenue alors que la défunte avait donné procuration sur la quasi-totalité de ses comptes à son fils, qu'elle vivait avec lui et qu'elle n'avait plus aucune relation avec ses autres enfants, et au regard de l'absence de toute explication et de tout justificatif fourni par ce dernier sur cette disparition, alors qu'il était parfaitement informé des affaires de sa mère, les juges ont considéré que la preuve était suffisamment rapportée, non seulement de l'élément matériel du recel, constitué par le divertissement de ses éléments de l'actif, mais également de l'élément moral du recel, l’héritier receleur ayant, après le décès de sa mère, dissimulé ses opérations et fait disparaître tous les documents administratifs et bancaires de ses parents.
Dans ce contexte, les juges de première instance et d'appel ont donc constaté l’existence d’un recel successoral et dit que la somme recélée sera réintégrée avec intérêts au taux légal dans l'actif successoral et sur laquelle l’héritier receleur sera privé de toute part.
La somme a été calculée par différence entre le total des dépenses et retraits retrouvés par l'expert sur les comptes, avoirs bancaires et contrat d'assurance-vie de la défunte sur une période fixée et le montant évalué des dépenses résultant du train de vie normal d'une personne âgée de 88 ans.
La cour de cassation a confirmé la position des juges d'appel sur l'appréciation du recel successoral en considérant que :
« après avoir relevé que M. Y vivait avec sa mère tandis que celle-ci n'avait plus aucune relation avec ses autres enfants, ont constaté la disparition de la somme litigieuse des comptes de la défunte et qu'après le décès de celle-ci, M. Y avait dissimulé les opérations et fait disparaître tous documents administratifs et bancaires de ses parents, ont souverainement estimé qu'il s'était approprié les fonds dans l'intention de rompre à son profit l'égalité du partage ».
Il convient de retenir de cet arrêt que le recel successoral suppose que soient réunis :
- un élément matériel, la dissimulation ou le divertissement d'éléments de l'actif successoral ;
- un élément moral, l'intention de dissimuler la réalité pour porter atteinte aux droits successoraux de ses cohéritiers.
La démonstration d’un abus de procuration de la part de l’héritier est étrangère à la qualification de recel successoral.
Par voie de conséquence, en cas de litige, l’héritier prétendu receleur titulaire d’une procuration bancaire sur les comptes du défunt doit prouver la destination des sommes d’argent dont la disparition a été constatée et en justifier.
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Anthony Bem
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