Référencement Google Adwords : validation de l'utilisation des marques des concurrents en mots clès

Publié le 22/02/2013 Vu 4 663 fois 0
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Le 29 janvier 2013, la Cour de cassation a autorisé l’usage de marques de concurrents à titre de mots clé dans le cadre de campagne publicitaire sur internet par le biais du système de référencement Google Adwords (Cass. Com. 29 janvier 2013, n°11-21011 et n°11-24713)

Le 29 janvier 2013, la Cour de cassation a autorisé l’usage de marques de concurrents à titre de mots clé

Référencement Google Adwords : validation de l'utilisation des marques des concurrents en mots clès

Le référencement et le positionnement des marques, produits et services des annonceurs sur Internet sont essentiels pour de nombreuses sociétés dont la toile est devenue le fonds de commerce ou tout au moins la vitrine de communication, de publicité et de vente.

Ainsi, certains annonceurs « parasites » choisissent volontairement dans le cadre de leur campagne de publicité Adwords de Google des mots clés de leur concurrent qui leur permettront d’avoir une visibilité supplémentaire sur Internet et d’apparaitre en bonne place dès qu’un internaute tapera les mots clés de leur concurrent.

Pour mémoire, les « Adwords » de Google sont les liens internet de publicité affichés en haut ou à droite d’une page de résultats des requêtes sur le moteur de recherche de Google, sur fond rose pâle aujourd'hui.

Un lien internet unit un mot ou groupe de mots cliquable par un internaute (la source) avec le site internet vers lequel celui-ci renvoie (la destination).

Lorsqu'un mot-clé est tapé sur le moteur de recherche Google, les pages de résultats affichent plusieurs types de liens internet cliquables, certains sont naturels et apparaissent parce qu'ils sont fréquemment cliqués par les internautes, et d'autres, dits « liens commerciaux », apparaissent en raison de la réservation, par l'auteur dudit lien, du mot-clé tapé.

Google a changé progressivement leurs dénominations, ainsi ils se sont successivement appelés « liens commerciaux », « annonces publicitaires » et aujourd’hui « annonces ».

En l'espèce, la société Cobrason vend des produits Hi Fi et video en ligne sur le site internet " www. cobrason. com ".

La société Solutions exerce la même activité de vente au détail à partir de son site internet " www. homecinesolutions. fr ".

La société Cobrason a constaté que la requête " Cobrason " effectuée avec le moteur de recherche " Google. fr " déclenchait, par la mise en oeuvre du service de référencement Google AdWords, l'affichage d'un lien commercial vers le site exploité par la société Solutions, accompagné d'un message publicitaire.

Dans ce contexte, la société Cobrason a assigné pour concurrence déloyale et publicité trompeuse la société Google Inc. afin notamment d'obtenir le paiement de dommages-intérêts.

1) Sur la responsabilité de la société Google dans le cadre du service publicitaire proposé : l'« Adwords »

La société GOOGLE revendiquait l'application du régime des prestataires techniques fixé l'article 6. 1. 2 de la loi du 21 juin 2004, relative à la confiance dans l'économie numérique.

En vertu de l'article 6. 1. 2 de la loi du 21 juin 2004 précitée, « les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible ».

Selon la société Cobrason, la société GOOGLE ne se borne pas à stocker des informations de nature publicitaire qui lui serait fournies par des annonceurs, mais déploient une activité de régie publicitaire, d'abord, en organisant la rédaction des annonces, en décidant de leur présentation, de leur emplacement, ensuite, en mettant à la disposition des annonceurs des outils informatiques destinés à modifier la rédaction de ces annonces ou la sélection des mots clés qui permettront de faire apparaître ces annonces lors de l'interrogation du moteur de recherche et, enfin, en incitant les annonceurs à augmenter la redevance publicitaire coût par clic maximum pour améliorer la position de l'annonce.

Les juges d'appel ont essentiellement considéré que :

- la société Google Inc. ne se borne pas à stocker des informations de nature publicitaire qui lui seraient fournies par des annonceurs, mais déploit une activité de régie publicitaire ; 

- la société Google Inc. engageait sa responsabilité compte tenu qu'en proposant le mot-clé " Cobrason " dans le programme Adwords et en faisant apparaître sur la page de recherche s'ouvrant à la suite d'un clic sur ledit mot clé sélectionné, sous l'intitulé " liens commerciaux ", le site d'un concurrent de celui correspondant au mot clé sélectionné, la société Google Inc. avait contribué techniquement aux actes de concurrence déloyale commis par la société Solutions ;

- l'association qui était ainsi faite entre les deux sites était de nature à laisser croire aux internautes qu'il existe un lien commercial particulier entre eux et que l'expression " pourquoi payer plus cher " était aussi de nature à induire en erreur les internautes et à entraîner un détournement de clientèle, ce dont la société Google Inc. devait répondre également.

Cependant, la cour de cassation a jugé :

« qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Google Inc. qui revendiquait le régime de responsabilité limitée institué au profit des hébergeurs de contenus par l'article 6, I-2 de la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé »

La société Google faisait notamment valoir que l'activité publicitaire proposée aux annonceurs sous le terme Adwords consisterait en une simple prestation de stockage d'informations, de sorte qu'elle ne pourrait générer une responsabilité que dans l'hypothèse où ayant été saisies par une autorité judiciaire, elles n'auraient pas agi promptement pour apporter une réponse, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

La question n'est donc pas totalement s'agissant de la question de la responsabilité de la société Google dans le cadre du service « Adwords ».

2) Sur la responsabilité du concurrent à l’origine de l’utilisation des marques comme mots clés pour sa publicité par le biais du référencement payant sur Google

A chaque fois qu'un internaute effectue une recherche " Cobrason " sur le moteur de recherche de Google, il accède automatiquement et sans aucune manoeuvre ou manipulation technique de sa part à une page de résultat diffusant une annonce publicitaire renvoyant vers le site de la société Solutions.

Les juges d'appel ont considéré que :

- en utilisant la dénomination sociale " Cobrason " sous forme de mot clé, la société Solutions, qui exerce la même activité que cette société, a nécessairement généré une confusion entre leurs sites internet respectifs dans la clientèle potentielle considérée et provoqué, de ce seul fait, un détournement déloyal de clientèle et s'est donc livrée à des actes de concurrence déloyale ;

- l'affichage, à titre de lien principal, du site " homecinesolutions. fr " à la suite d'un clic sur le terme " Cobrason ", est constitutif en lui-même d'une publicité trompeuse dès lors que l'internaute ne peut qu'être porté à croire à l'existence d'un lien commercial particulier entre les sites des sociétés Cobrason et Solutions, au travers, entre autres, d'une possible identité des produits offerts à la vente, et que le lien litigieux présentant le site de la société Solutions et contenant la formule " pourquoi payer plus cher " est aussi, eu égard à la terminologie employée, susceptible d'induire en erreur l'internaute et d'entraîner un détournement de la clientèle considérée ;

Cependant, la cour de cassation a jugé :

« en statuant ainsi, sans relever de circonstances caractérisant un risque de confusion entre les sites internet des deux entreprises et alors que le démarchage de la clientèle d'autrui est licite s'il n'est pas accompagné d'un acte déloyal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ».

« […] en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une publicité fausse ou de nature à induire en erreur portant sur un ou plusieurs des éléments énumérés par l'article L. 121-1 du code de la consommation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».

Pour mémoire, selon l'article L. 121-1-1° du code de la consommation une pratique commerciale est trompeuse lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d'un concurrent.

Ainsi, l'action en concurrence déloyale qui a pour fondement non une présomption de responsabilité mais une faute engageant la responsabilité délictuelle de son auteur suppose l'accomplissement d'actes positifs dont la preuve incombe à celui qui s'en déclare victime

En vertu du principe de liberté du commerce et de l'industrie, le démarchage de la clientèle d'autrui est libre dès lors qu'il ne s'accompagne pas d'un acte déloyal.

Il en découle que l'utilisation, par un commerçant, du système Google Adwords, permettant audit commerçant de proposer à la clientèle potentielle d'un concurrent une alternative aux services et produits de ce dernier constitue un démarchage de clientèle licite dès lors qu'il ne s'accompagne d'aucun acte déloyal.

Autrement dit, l'utilisation, par un commerçant, du nom commercial d'un concurrent à titre d'Adword n'est susceptible de faire naître aucune confusion dans l'esprit de la clientèle potentielle dès lors que l'annonce liée à cet Adword ne reprend aucun signe distinctif de ce concurrent et ne fait aucune référence audit concurrent.

Par conséquent, l’usage des marques de concurrent dans le cadre de campagne publicitaire sur Google Adwords, ne constitue pas un acte de parasitisme économique bien que ce type de concurrence déloyale s'entend comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer partie, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.

Pour ma part, peu importe le risque de confusion ou non dans l'esprit de la clientèle potentielle considérée entre leurs sites respectifs ou entre les marques concernées, il y a bien l’existence d’un parasitisme économique.

En effet, à chaque fois qu'un internaute effectuait une recherche avec le mot-clé « COBRASON » dans le moteur de recherche GOOGLE, il accédait automatiquement et sans aucune manœuvre ou manipulation technique de sa part à une page de résultat diffusant une annonce publicitaire renvoyant vers le site de la société SOLUTIONS.

Ce faisant, cette dernière société s'immisce bien dans le sillage d'un autre afin de tirer partie, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire ayant permis à ce que sa notoriété conduise un internaute à rechercher le mot-clé « COBRASON » plutôt que SOLUTIONS.

Ainsi, en réutilisant, sous la forme de mot-clé, la dénomination sociale et le nom de domaine « COBRASON », la société SOLUTIONS, qui exerce la même activité, a nécessairement commis acte un détournement déloyal de clientèle.

Cependant, aux termes de cette décision, la seule réservation du nom commercial ou du nom de domaine d'un concurrent à titre de mot clef pour faire apparaître une annonce concurrente ne saurait constituer un acte de concurrence déloyale en ce qu'il ne crée pas en soi un risque de confusion ni un acte de parasitisme économique.

Cette utilisation doit toutefois être loyale et ne pas générer un risque de confusion dans l’esprit des internautes.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

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Anthony Bem
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