Refus de détachement d’un fonctionnaire au motif des nécessités de service

Publié le 05/04/2023 Vu 21 945 fois 0
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Le détachement d’un fonctionnaire n’est pas un droit acquis, sauf exception, mais il est prévu par les statuts des trois fonctions publiques et encouragé. Les motifs de refus sont donc limités. Le point sur la jurisprudence.

Le détachement d’un fonctionnaire n’est pas un droit acquis, sauf exception, mais il est prévu par les s

Refus de détachement d’un fonctionnaire au motif des nécessités de service

Le détachement représente l’une des opportunités d’évolution de carrière pour les fonctionnaires titulaires, auquel il est réservé, dans un contexte d’encouragement à la mobilité.

Le détachement fait partie des quatre positions des fonctionnaires avec l’activité, la disponibilité et le congé parental, et est règlementé précisément par les statuts et par l’article L.513-1 et suivants du Code Général de la Fonction Publique. Le régime est similaire -mais non parfaitement identique- dans les trois fonctions publiques

Le détachement se définit comme la position du fonctionnaire hors de son corps ou de son cadre d’emplois d’origine, mais continuant à bénéficier, dans ce corps ou cadre d’emploi, de ses droits à l’avancement et à la retraite.

Il ne doit pas être confondu avec la mutation, qui est un autre emploi mais qui demeure à l’intérieur de son cadre d’emplois (Conseil d’Etat, 28 juillet 1995, Département de la Loire, n°118716). Le détachement ne peut avoir non plus pour effet ou pour objet de contourner les règles normales d’avancement dans son corps (Conseil d’Etat, 23 février 1966, Demoiselle Brillé, n° 64259). Dans cette affaire, l’administration avait recruté l’un de ses titulaires… en contractuel. Dans ce cas, l’opération est frappée de nullité.

Le détachement peut être réalisé dans l’une des autres fonctions publiques, voire dans le secteur privé, étant entendu dans ce cas que l’entreprise ou l’association d’accueil conserve nécessairement un lien avec l’intérêt général.

Deux types de détachements existent : le détachement court (6 mois maximum, un an dans les collectivités d’outre-mer ; non-renouvelable), et le détachement long, d’une durée maximum de cinq ans, renouvelable et qui a vocation à déboucher sur l’intégration dans l’administration d’accueil.

Sauf exceptions, le détachement est prononcé à la demande du fonctionnaire. Il est de droit dans quelques cas (pour un mandat électif ou syndical par exemple), mais la plupart du temps, il nécessite l’accord de l’administration d’origine.

A noter que le silence gardé par l’administration dans le délai de deux mois à compter de la réception de la demande du fonctionnaire vaut acceptation tacite. L’administration peut exiger le respect d’un préavis de trois mois maximum.

L’administration ne peut fonder le refus de détachement que sur deux motifs.

Le premier est tiré d’un avis d’incompatibilité rendu par la haute autorité pour la transparence de la Vie publique, en cas de suspicion de conflit d’intérêts.

Le second, plus ancien et qui fournit davantage de jurisprudence, recouvre les « nécessités de service », tel que l’indique l’article L.511-3 du Code Général de la Fonction Publique.

La jurisprudence et les nécessités de service

Face à de multiples contentieux en excès de pouvoir, la jurisprudence a pu exercer son contrôle sur la motivation des nécessités de service.

Notons tout d’abord que la décision de refus de détachement, qui ne peut être qu’explicite, n’a pas à être motivée obligatoirement (Conseil d’Etat, 15 mars 1993, Vaillant).

Ensuite, la justice administrative exige que la nécessité de service ne peut pas être constituée des seuls inconvénients liés à cette position, telle que l’obligation de remplacer l’agent, ou encore le risque de réintégration anticipée (Cour Administrative de Marseille, 29 Novembre 2005, 01MA02255).

La nécessité de service doit donc être justifiée in concreto, en tenant compte de motifs propres à la situation du service.

Mais l’administration peut-elle se contenter de motifs généraux tenant à la situation du service ?

La question était posée dans une affaire dans laquelle un surveillant pénitentiaire avait sollicité un détachement dans la police municipale, joignant une promesse d’embauche à sa hiérarchie de l’administration pénitentiaire. Le détachement lui avait été refusé pour motif de nécessités de service. En effet, face à une surpopulation carcérale chronique, le Ministre de la Justice avait estimé que le départ du surveillant conduirait à des risques pour l’ordre public. Seulement, pour ce faire, le Garde des Sceaux avait fourni des documents statistiques datant de deux années, d’une part, et, d’autre part, n’avait pas précisé en quoi la situation particulière de l’intéressée était en relation concrète avec le risque lié à la surpopulation carcérale (Tribunal Administratif d’Orléans, 24 janvier 2023, n°2003136).

Dès lors, la nécessité de service doit donc être caractérisée par la situation particulière de l’intéressé. Il faut donc prouver par A + B que le départ du fonctionnaire concerné aura une influence concrète sur la problématique annoncée. Le défaut de caractérisation des nécessités de service au sens de la jurisprudence constitue une faute de nature à engager la responsabilité financière de l’administration.

Ce positionnement du Juge administratif est des plus logiques : la circulaire du 19 novembre 2009 relative à la mobilité et au parcours professionnels dans la fonction publique indique que 

« Le refus opposé à une demande de mobilité doit rester exceptionnel. Il ne pourra en aucun cas être fondé sur des considérations d’ordre général. Seules des raisons objectives et particulières, tenant à la continuité du service où il exerce ses fonctions, pourront lui être objectées pour justifier qu’il ne sera pas fait droit à sa demande. En cas de contentieux, il appartiendra à l’administration de rapporter la preuve du caractère indispensable de sa présence dans vos services pour justifier qu’il ne soit pas autorisé à poursuivre sa carrière dans un autre cadre ».

Dans les cas où l’administration respecte les exigences de motivation -facultative, pourtant- le Juge peut parfaitement accueilli la justification des nécessités de service.

Dans une première affaire, un professeur de lycée avait sollicité son détachement auprès d’une prestigieuse Académie, ce que le recteur d’académie lui avait refusé.

Après avoir saisi le Tribunal Administratif au fond, le requérant avait saisi la même juridiction en référé-suspension, dont l’ordonnance était rendue le 27 décembre 2022. Précisons que le référé-suspension ne tranche pas le dossier au fond et que l’office du Juge consiste seulement à apprécier s’il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision.

 

Au titre des nécessités de service, le recteur justifiait de l’impossibilité d’accorder un départ de professeur en cours d’année scolaire afin de satisfaire aux besoins en enseignement des élèves et sur l’analyse des besoins de l’académie dans la discipline enseignée. En clair, le Recteur justifiait que l’académie ne pouvait pas remplacer numériquement ce professeur en cours d’année. Cette explication concrète a permis d’écarter le doute sérieux sur la légalité de la décision de refus (TA Versailles, ordonnance de référé du 27/12/2022, n°2209706).

 

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Me Sylvain Bouchon

Avocat au Barreau de Bordeaux

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