Le Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse prend position en faveur des emprunteurs frontaliers lourdement impactés par la volatilité du franc suisse.
Par une série de décisions rendues les 23 janvier (RG 22/3617), 28 février (RG 22/03908) et 17 avril 2025 (RG 23/10482), le Tribunal de Bourg-en Bresse a prononcé la nullité de plusieurs prêts libellés en francs suisses accordés par le Crédit Mutuel à des emprunteurs frontaliers, estimant que les clauses relatives au taux de change étaient abusives.
Ces décisions marquent une avancée notable dans la jurisprudence applicable aux prêts en devises. Jusqu’à présent, les annulations de contrats se limitaient au cas des seuls emprunteurs non-frontaliers.
Désormais, la protection offerte par les juges s’étend clairement aux emprunteurs frontaliers, mettant fin à une différence de traitement souvent critiquée entre frontaliers et non-frontaliers.
Cette évolution est d’autant plus significative que les emprunteurs frontaliers sont particulièrement exposés aux risques de change.
Bien qu’ils perçoivent leurs salaires en francs suisses, leurs prêts immobiliers financent généralement des biens situés en France, évalués en euros. Dès lors, en cas de mise en location, les loyers sont perçus en euros, ce qui accentue l’exposition au risque de change. De plus, lors de la revente, la valeur du bien étant libellée en euros, les pertes liées au taux de change peuvent s’avérer considérables.
À cela s’ajoute un autre facteur de fragilité : la précarité de l’emploi en Suisse. En cas de perte d’activité, les frontaliers se retrouvent bien souvent avec pour seuls revenus des indemnités en euros, ce qui peut rapidement rendre le remboursement du prêt en francs suisses insoutenable.
Par ces arrêts, la juridiction frontalière réaffirme par ailleurs le caractère abusif des clauses de variation du taux de change, lorsque celles-ci ne permettent pas à l’emprunteur de comprendre pleinement la portée de son engagement.
Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation (Civ 1, 18 septembre 2024 n°21-20.140), seules les clauses rédigées de manière claire et compréhensible peuvent être considérées comme valides.
Dans cette décision, la première chambre civile a jugé que seule une clause revêtant un caractère véritablement personnalisé, c’est-à-dire spécifiquement adaptée à la situation de l’emprunteur, pouvait être considérée comme claire et compréhensible.
Pour répondre à cette exigence, il appartient à la banque de fournir une information détaillée et individualisée, incluant notamment une simulation chiffrée, afin de permettre à l’emprunteur d’appréhender concrètement les conséquences négatives d’une variation du taux de change.
Or, dans la majorité des cas, les banques, bien qu’ayant pleinement conscience des risques liés au taux de change, se sont abstenues d’en informer clairement les emprunteurs se contentant de mettre à leur charge l'entièreté des risques liés au taux de changé. Résultat : de nombreux clients se sont retrouvés piégés dans des situations financières particulièrement délicates.
Face à ces dérives bancaires, de plus en plus d’emprunteurs se tournent vers des avocats spécialisés pour engager des actions en justice en vue d’obtenir la nullité de leurs prêts.
Ces récentes rendues en faveur des emprunteurs, et plus particulièrement des frontaliers, renforcent ainsi les chances de succès pour les particuliers qui souhaitent faire valoir leurs droits.