Caution bancaire : effets et vices du cautionnement personnel et solidaire des dirigeants de société

Publié le Modifié le 04/12/2015 Vu 110 266 fois 181
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Le cautionnement souscrit par un dirigeant en garantie des dettes de la société qu’il dirige entraîne des risques mais comprend de nombreux vices.

Le cautionnement souscrit par un dirigeant en garantie des dettes de la société qu’il dirige entraîne des

Caution bancaire : effets et vices du cautionnement personnel et solidaire des dirigeants de société

La pratique du cautionnement, qui consiste pour une personne à s’engager à garantir le remboursement de la dette d’un débiteur principal en cas de carence de sa part, est particulièrement répandue dans la vie des affaires.

En effet, il est très fréquent qu'un dirigeant se porte caution envers une banque du remboursement des dettes de l’entreprise qu'il dirige (crédit ou compte courant). 

Mais ce n'est pas la seule situation où un engagement de cautionnement peut lier un dirigeant à la société qu’il dirige.

Il en est ainsi également lorsqu’un dirigeant, agissant en tant que tel, consent à des tiers des garanties au nom de la société, ou encore lorsqu’un dirigeant entend obtenir de la société qu'il dirige qu'elle cautionne ses dettes personnelles.

Derrière leur banalité, ces trois cas de figure comportent tous des risques dont la caution ne prend conscience que très tardivement en général, quand elle est appelée en paiement.

Pour comprendre en quoi consistent ces risques, il importe dès lors d’envisager le cas où un cautionnement est souscrit par un dirigeant pour garantir les dettes de la société qu’il dirige.

Ce cas de figure est très répandu dans la mesure où les banques consentant des prêts aux sociétés exigent quasi systématiquement des garanties de la part de leurs dirigeants et parfois même des membres de leur famille (époux ou épouse, père, mère, belle-mère, beau-père du dirigeant, etc...). 

Les dirigeants sont alors contraints de souscrire un cautionnement au profit des banques afin que celles-ci octroient un prêt ou une autorisation de découvert du compte bancaire de leur société.

Le cautionnement souscrit par le dirigeant en garantie des dettes de la société qu’il dirige l’engage à titre personnel, de sorte qu’il peut être appelé à payer personnellement les dettes de celle-ci en cas de défaillance.

En outre, si le cautionnement est en principe un contrat civil, le cautionnement souscrit par un dirigeant de société revêt généralement un caractère commercial.

Une telle solution s’explique par le fait que la jurisprudence considère un cautionnement comme commercial dès lors que la caution a un intérêt patrimonial personnel dans l’opération qu’elle garantit, ce qui semble être le cas pour la plupart des dirigeants dont l’engagement est souvent motivé par l’obtention de financements nécessaires à l’activité ou au développement de la société.

Cette précision est importante dans la mesure où le caractère commercial du cautionnement emporte des conséquences pratiques importantes.

Ainsi, si le cautionnement donné par un dirigeant de société revêt un caractère commercial, il sera alors considéré comme un cautionnement solidaire, de sorte qu’à l’échéance le créancier pourra demander le paiement indifféremment à la société (le débiteur principal) ou au dirigeant (la caution). (Cass. Com., 28 avril 1966)

Lorsque le cautionnement est commercial et, donc, solidaire, le dirigeant caution poursuivi en paiement ne pourra faire jouer ni le bénéfice de discussion ni celui de division.

Pour mémoire, le bénéfice de discussion est la possibilité pour la caution de contraindre le créancier à poursuivre d’abord le débiteur, à saisir et faire vendre ses biens, avant de l’obliger elle-même au paiement.

Quant au bénéfice de division, il permet à la caution poursuivie en paiement de demander au créancier de diviser ses poursuites entre les différentes personnes qui se sont portées garantes de la société. 

Il est à noter que si le cautionnement souscrit par un dirigeant de société est accompagné d’un engagement similaire de son conjoint, le cautionnement du conjoint reste en principe civil, car la qualité de conjoint ne suffit pas à conférer un caractère commercial à l’engagement de ce dernier.

Cependant, le fait que le cautionnement revête un caractère commercial ne signifie pas que ce cautionnement puisse se prouver par tous moyens.

En effet, le principe de la liberté de la preuve en matière commerciale ne joue que si l’acte en cause a été accompli par un commerçant agissant dans l’exercice ou dans l’intérêt de son commerce.

Or, la qualité de dirigeant de société ne suffit pas à conférer la qualité de commerçant.

De même, le caractère commercial du cautionnement, à lui seul, ne confère pas la qualité de commerçant à la caution.

Ainsi, il a été jugé que la règle de la liberté de la preuve est inapplicable à un cautionnement donné par le gérant d’une société à responsabilité limitée (Cass. com., 21 juin 1988, n° 86-10.128) ou par le président d’une société anonyme (Cass. com., 26 novembre 1990, n° 89-12.277).

Il faut donc établir la preuve du cautionnement conformément aux règles du droit civil qui exigent un écrit en bonne et due forme. 

En effet, les règles civiles de preuve en matière de cautionnement sont assez strictes.

A titre d’exemple, lorsque la caution s'est engagée pour un montant déterminé, la preuve de ce cautionnement suppose l'établissement d'un acte écrit sur lequel figurent la signature de la caution et la mention manuscrite de la somme garantie en toutes lettres et en chiffres.

En revanche, lorsque la caution s'est engagée pour un montant indéterminé, la preuve de cet engagement passe par un acte écrit et signé et comportant une mention exprimant de manière explicite la connaissance que la caution a de la nature et de l'étendue de son obligation.

Il est à noter que l'absence ou l'insuffisance de la mention de la somme garantie ou de celle exprimant la connaissance que la caution a de la nature et de l'étendue de son engagement n’affecte pas la validité de l'acte, mais seulement sa valeur probante.

En d’autres termes, en cas d’absence ou d’insuffisance de la mention de la somme garantie ou de celle exprimant la connaissance que la caution a de la nature et de l'étendue de son engagement, l’acte de cautionnement constitue néanmoins un commencement de preuve par écrit devant être complété par des éléments extérieurs à l’acte lui-même.

A cet égard, la jurisprudence considère que la qualité de dirigeant de la caution constitue un élément extérieur pouvant compléter un contrat de cautionnement incomplet et rendre parfaite la preuve de celui-ci.  

Cette solution s’explique par le fait qu’en raison de sa qualité de dirigeant, la caution a nécessairement connaissance de la nature et de l’étendue de son engagement.

On voit par là que la qualité de dirigeant de la caution peut entrainer une réduction de la protection offerte par les règles de preuve telles que les exigences de l’article 1326 du code civil.

En contrepartie, la jurisprudence tend à imposer de plus en plus aux banques le respect d'obligations de bonne foi, d'information et de renseignement. 

Ainsi, lorsque la caution est assignée en paiement par la banque devant le tribunal, elle peut invoquer en défense, au cas par cas :

- l'incompétence matérielle du tribunal saisi (en cas de cautionnement mixte, c'est à dire de nature civile et commerciale) ;

- les vices de forme de la mention manuscrite légale obligatoire sur le contrat de cautionnement ;

- l'annulation du cautionnement en raison de la disproportion des engagements bancaires de la cation par rapport aux revenus et patrimoine de cette dernière ;

- la déchéance du droit aux intérêts pour la banque à défaut de preuve de l'envoi de l'information annuelle de la caution sur l'étendue de ses engagements ;

- le défaut de preuve des renseignements préalables pris par la banque sur la situation personnelle de la caution ;

- l'absence d'information sur les effets de la garantie Oseo.

La jurisprudence plus favorable aux cautions depuis quelques années leur confère de solides arguments juridiques pour faire annuler ou limiter leurs engagements bancaires.

Il est donc vivement recommandé aux cautions de consulter un avocat spécialisé dans ce domaine avant d'envisager de payer ou non la banque. 

Une analyse de la situation financière et patrimoniale de la caution au jour de la conclusion de la garantie permettra souvent de conclure à un cautionnement disproportionné compte tenu du fait que le taux d'endettement de la caution est dans de nombreuses situations au delà du taux de 33% fixé par le jugement définitif rendu contre la Banque Populaire par le Tribunal de commerce de Versailles, le 4 décembre 2013, au profit de clients du cabinet Bem. (Tribunal de commerce de Versailles, 4 décembre 2013)

NB : Afin d'approfondir le sujet des moyens de défense dont disposent les cautions poursuivies en paiement par la banque, je vous invite à lire mon article publié ICI.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
Tel : 01 40 26 25 01

Email :
abem@cabinetbem.com

www.cabinetbem.com

Vous avez une question ?
Blog de Anthony BEM

Anthony BEM

249 € TTC

1434 évaluations positives

Note : (5/5)

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

1 Publié par Visiteur
02/01/2018 16:43

Bonjour maître
En 1999 j'avais repris la sarl de mon père (départ à la retraite) fondée en 1973 et qui est resté associé. Nous avions un découvert autorisé de 7000€ que j'ai demandé à lever. On m'a accordé 8000€ en 2010 avec cautionnements solidaires. Ma femme à également du signer avec moi afin d'obtenir ce découvert soit une garantie de 10400€
En liquidation judiciaire en 2015 avec un découvert de 17000€, la banque nous réclame la totalité du découvert + les intérêts y afférents. Nous avons à ce jour déjà payé 10400€ mais elle exige le restant dû parce que soit disant 'chacun de nous avons signé pour 10400€' soit 20800€. En sachant que ma femme n'a jamais été associé dans l'entreprise.

cordialement

2 Publié par Visiteur
12/01/2018 16:06

Bonjour Maître,
Je suis co gérante d'une SARL avec mon compagnon à 50/50,nous souhaitons arrêter notre activité car nous n arrivons pas a en vivre. Nous avons pris un prêt de 20000e sur 84 mois, nous avons payé 50 mois actuellement il nous reste 9000e avec les intérêts a rembourser. Nous sommes caution chacun a hauteur de 5750e. En cas de fermeture propre devons nous le restant du ou est-ce calculé comme paiement anticipé (avec leur calcul ça double presque le restant du)? En cas de dépôt de bilan nous devons rembourser uniquement le restant du? Nous n'avons aucun découvert et aucun défaut de paiement, nous aimerions fermer sans se retrouver avec des dettes ou des procédures judiciaires.
Merci d avance.

3 Publié par Maitre Anthony Bem
13/01/2018 11:37

Bonjour Elisa,

Je vous confirme que les 50 mois d’echeances payées en remboursement du prêt viennent bien en déduction de la dette totaleet qu’en cas de fermeture vous ne devriez que le solde restant du, à hauteur de la somme maximale du montant de votre cautionnement, soit 5.750€.

Cordialement.

4 Publié par Visiteur
18/01/2018 15:18

Merci de votre réponse c'est très aimable de votre part.

5 Publié par Visiteur
21/01/2018 14:37

Bonjour Maître
je suis gérante salarié d'une sarl étant égalitaire avec mon associée employé .J'ai ouvert un compte pro à la bnp au nom de la société qui m'autorise un découvert de 1500 euros a bas taux et obligation de le recouvrir dans le mois et si plus avec un taux d'agio plus élevés . Je n'ai signé aucun papier qui dit que je suis caution du compte courant ni des découverts . Nous avons aussi fait un emprunt qui fini le mois prochain la en étant caution mon associée et moi sur la moitié de la somme demandé . voila mes questions .
1) il me reste 100 euros a payer pour le prêt mais je suis déjà à découvert si je ne recouvre pas celui ci dans le mois et que je dépose le bilan pour cessation de paiement devons nous payer a la place de la societé ?
2) le découvert autorisé suis-je en tant que gérante responsable de celui ci et le payer si oui sur mes fonds propre ?
La banque me dit que je suis solidaire des dettes du compte courant mais je n'ai signé aucune caution manuscrite et me dit que je serai fiché a la banque de France si je fait une cessation de paiement si j'ai des dettes chez eux . Merci pour votre réponse
Cordialement

6 Publié par Maitre Anthony Bem
21/01/2018 17:38

Bonjour Nathalie,

Le gérant d'une société n’est pas en tant que tel tenu au remboursement des dettes du compte professionnel de la société auprès de la banque, sauf s’il a conclu un acte de cautionnement.

1) Ainsi, en cas de cessation des paiements de la société, vous n’avez pas à payer à la place de la société.

2) En tant que gérant vous n’êtes pas personnellement responsable du remboursement du découvert autorisé sur vos fonds propres.

Cordialement.

7 Publié par Visiteur
21/01/2018 19:30

Merci de votre réponse mais pour les 100 euros ou nous sommes cautions toutes les deux si il y a toujours un découvert au moment du prélèvement nous devrons bien payer non ? et pour le fichage banque de France c'est possible pour la gérante même si je ne suis pas caution du compte courant ?
Cordialement

8 Publié par Maitre Anthony Bem
21/01/2018 20:26

Bonjour Nathalie,

Afin de me permettre de prendre connaissance de votre situation personnelle en détail et de disposer de toutes les informations nécessaires pour vous répondre en toute connaissance de cause, je vous propose de me contacter en privé pour une consultation.

A cet égard, je vous invite à choisir l’une de mes différentes modalités de consultation en cliquant sur « consultations » en haut de cette page.

Cordialement.

9 Publié par Visiteur
31/01/2018 11:43

Bonjour,
En ma qualité de gérant associé je me suis porté caution solidaire d'un prêt contracté au profit de la société.
A ce jour,la société a été liquidé et la banque se retourne donc contre moi en paiement du solde restant.
Il me semblait que la caution donnée par un gérant était de nature commerciale et par conséquent de la compétence de la chambre commerciale. Cependant, l'arrêt rendu le 22 juin 2010 par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation (n° 09-67.814) me met le doute.
Pouvez vous me confirmer que c'est bien vers la chambre commerciale que je dois soulever mes arguments?
En vous remerciant par avance.

10 Publié par Visiteur
08/02/2018 16:52

Bonjour,
Je suis caution solidaire du prêt bancaire de mon ex entreprise .
Nous étions 2 associés actuellement je suis seul à payer et donc seul à rembourser ce crédit solidaire.
Comment faire pour que la banque aille aussi chercher mon ex associe .
Merci d avance de votre réponse

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

Rechercher
A propos de l'auteur
Blog de Anthony BEM

Avocat contentieux et enseignant, ce blog comprend plus de 3.000 articles juridiques afin de partager mes connaissances et ma passion du droit.

Je peux vous conseiller et vous représenter devant toutes les juridictions, ainsi qu'en outre mer ou de recours devant la CEDH.

+ 1400 avis clients positifs

Tel: 01.40.26.25.01 

En cas d'urgence: 06.14.15.24.59 

Email : abem@cabinetbem.com

Consultation en ligne
Image consultation en ligne

Posez vos questions juridiques en ligne

Prix

249 € Ttc

Rép : 24h max.

1434 évaluations positives

Note : (5/5)
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles