Les conditions de mise en œuvre de la prescription acquisitive sur un bien indivis post-successoral

Publié le 09/02/2015 Vu 32 776 fois 20
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Quelles sont les conditions de mise en œuvre de la prescription acquisitive sur un immeuble indivis ?

Quelles sont les conditions de mise en œuvre de la prescription acquisitive sur un immeuble indivis ?

Les conditions de mise en œuvre de la prescription acquisitive sur un bien indivis post-successoral

L’indivision est une propriété collective et une institution fondamentalement temporaire.

Pourtant, il arrive que certaines indivisions se prolongent au-delà du raisonnable et connaissent quelques péripéties.

En effet, il n'est pas rare, dans le cadre des indivisions post-successorales, qu'au fil du temps certains indivisaires appréhendent tout ou partie des biens dépendant d'une indivision successorale et, à terme, tentent de se prévaloir de leur possession prolongée pour obtenir la reconnaissance d'une propriété privative par usucapion.

En principe, un indivisaire qui utiliserait de façon exclusive un immeuble sans l'accord de ses coïndivisaires, violerait le droit de ces derniers.

Les coïndivisaires ont alors la possibilité soit de réclamer à l’indivisaire occupant le paiement d’une indemnité d’occupation soit de saisir le juge pour obtenir la restitution du bien indivis sur le fondement de l’action possessoire.

Toutefois, si aucune action n'est intentée et que pendant plus de trente ans l'indivisaire accomplit sur l'immeuble des actes exclusifs du droit de ses coïndivisaires, il deviendra, par usucapion, seul propriétaire de l'immeuble indivis.

A cet égard, une jurisprudence, déjà ancienne et récurrente, admet l'usucapion dans le cadre successoral.

En effet, la jurisprudence admet l'usucapion chaque fois que les actes de possession démontrent l'intention manifeste du coïndivisaire de se comporter comme seul et unique propriétaire du bien indivis dont il établit avoir la possession exclusive.

Ainsi, la Cour de cassation a eu à juger que :

«la possession ne peut conduire un copropriétaire à l’usucapion que si elle est exclusive, c’est-à-dire si la preuve est rapportée de l’existence d’actes agressifs par rapport à ses coïndivisaires et incompatible avec la simple qualité de copropriétaire ». (Cass. Civ. I, 17 octobre 1966)

En outre, il a été jugé que :

«un coïndivisaire peut acquérir par usucapion la totalité de l’immeuble indivis des lors qu’il établit qu’il a exercé depuis plus de trente ans une possession conforme aux exigences de [la loi], sans avoir besoin de justifier d’une interversion de titre qui n’est exigée que du détenteur précaire » (Cass. Civ. III, 6 juin 1974, pourvoi n° 72-12423)

De même, la Cour de cassation a jugé que :

 «Celui qui invoque la prescription acquisitive doit démontrer que sa possession répond aux exigences légales » (Cass. Civ. I, 17 mars 1987, pourvoi n° 85-13345).

Ainsi, l’usucapion conduira à reconnaître que l'indivisaire possesseur de l’immeuble indivis est devenu propriétaire, le bien qu'il a acquis n'appartenant plus d'aucune façon à la masse successorale à partager.

En conséquence, les coïndivisaires perdront tout droit sur l'immeuble usucapé et n'obtiendront aucune compensation financière.

Pour ce faire, l'héritier coïndivisaire qui invoque à son profit la prescription acquisitive doit respecter un certain nombre de conditions tenant : 

  • d’une part, à la qualité de la possession (article 2261 du Code civil) ;

  • et, d’autre part, au délai de prescription en matière immobilière (article 2272 du code civil).

A cet égard, l’article 2261 du Code civil dispose que « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ».

Par conséquent, pour prescrire, la possession doit être exercée de manière :

  • continue, c'est-à-dire non interrompue : ici, des attestations chronologiquement concordantes de témoins se révèleront nécessaires, de même que des constats d'huissier étalés dans le temps, par exemple ;

  • paisible : autrement dit, le possesseur ne doit pas appréhender le bien immobilier par la force, la violence ou encore par une voie de fait ; 

  • publique : portée à la connaissance des tiers ou éminemment visible par nature sur les lieux ;  

  • et non équivoque ; il s’agit de la preuve d'actes manifestement exclusifs des droits des autres copropriétaires.

Cette possession doit se maintenir pendant un délai de trente ans (article 2272 du code civil).

Toutefois, si l'occupation du bien indivis était antérieure à la création de l'indivision successorale, il faudrait une modification du comportement de l'occupant, devenu héritier coïndivisaire, pour que l'on puisse constater, à un moment donné, qu'il agit en maître et faire courir à compter de cet instant la prescription acquisitive.

En effet, le jeu de la prescription acquisitive a été exclu par la Cour de cassation aux motifs que postérieurement au décès des parents propriétaires de l'immeuble, rien, chez les indivisaires occupants, « ne permettait de distinguer leur comportement en qualité de propriétaire ou en qualité de simples occupants, ce qui est exclusif d'une possession non équivoque, à titre de propriétaire, utile pour prescrire le droit de propriété ». (Cass. Civ. I, 5 mars 2014, pourvoi n° 12-28348)

En revanche, il a été jugé que :

«l’usucapion peut être valablement opposée à une demande en retrait successoral lorsque le cohéritier ou le cessionnaire qui s’en prévaut à substitué à la jouissance communiste une possession privative, exclusive et à titre de propriétaire.

Spécialement, après avoir constaté qu’un héritier ayant cédé ses droits successifs sur un domaine rural, puis le cessionnaire, ont pendant plus de trente ans, perçu les revenus de ce bien, sans trouble et de manière paisible, qu’ils l’ont loué seules sans opposition des coïndivisaires et sans que ces derniers aient jamais été appelés à sa gestion, les juges du fond admettent à bon droit qu’ils ce sont comportés comme propriétaires exclusifs et ont prescrit.» (Cass. Civ. I, 20 mars 1961) ;

Par conséquent, dans le cadre d’une indivision post-successorale, si l'héritier coïndivisaire prend possession de l'immeuble antérieurement à l'ouverture de la succession du propriétaire défunt, il doit se comporter aux yeux de tous comme le véritable propriétaire afin que la possession puisse être constituée et échapper alors au grief d'équivocité. 

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.

Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris

01 40 26 25 01
abem@cabinetbem.com

www.cabinetbem.com

Vous avez une question ?
Blog de Anthony BEM

Anthony BEM

249 € TTC

1426 évaluations positives

Note : (5/5)

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

1 Publié par chatoon
30/10/2017 01:37

Bonjour,

Pour répondre au message posté ci-dessus le 12/12/16 à 22h17, je dois dire qu'un envoi en recommandé rallonge le délai de prescription puisqu'un tel courrier trouble la possession paisible (CIV3 13 octobre 1993)

2 Publié par Visiteur
06/11/2017 16:32

Bonjour,
Ma maman est veuve depuis 31 ans de son second mariage. Elle avait acheté, sur ses fonds propres, la moitié d'une maison avec lui et il lui avait accordé l'usufruit et la quotité disponible. Pas d'enfants de ce lit là mais le monsieur avait 7 enfants de son précédent mariage qui sont donc ses héritiers. Elle avait donc 5/8ème en propriété.
A son décès, ma mère n'a pas entamé de succession et les 7 enfants n'ont donc rien eu et ont laissé la situation telle quelle. Elle a y vécu et a entretenu entièrement cette maison sans interruption depuis le décès il y a 31 ans. Aujourd'hui, elle souhaite enfin régler cette succession et vendre. La question est simple: Peut elle invoquer la loi trentenaire contre les enfants de son défunt mari qui auraient pu prétendre aux 3 huitièmes de la maison, étant donné qu'elle a assumé et habité seule cette maison? Merci d'avance

3 Publié par Visiteur
07/12/2018 16:42

bonjour maitre

j ai hérité de mes parents d une maison sur un terrain acquis en indivision pour moitié chacun,par mes parents et mon oncle il y a 50 ans. 2 lots ont étés constitués sans définir les limites ni les surfaces.aujourd'hui mon oncle revendique 50 m2 de terrain car suite au bornage réalisé a ma demande il y a 100 m2 de différence entre les 2 lots et refuse de signer la sortie de l'indivision.pourtant il existe une clôture qui sépare les 2 lots et c'est le seul éléments qu'a eu le géomètre pour faire le bornage. puis je mettre en œuvre la prescription acquisitive sachant que les 50 m2 demandés se situe sur le lot de mes parents ? merci

4 Publié par Maitre Anthony Bem
07/12/2018 21:05

Bonjour zap,

Afin de me permettre de prendre connaissance de votre situation personnelle en détail et de disposer de toutes les informations nécessaires pour vous répondre, je vous propose de me contacter en privé pour une consultation.

A cet égard, je vous invite à choisir l'une de mes différentes modalités de consultation en cliquant sur "consultations" en haut de cette page.

Cordialement.

5 Publié par Adl75
22/02/2019 18:32

Bonsoir Maître,

J'ai acquis un terrain pour bâtir ma maison.
Avant la signature chez le notaire, le vendeur a contacté un géomètre expert pour procéder au bornage du terrain.
Il a donc établi un PV de bornage à l'amiable et de reconnaissance des limites. Il a constaté un empiétement de quelques centimètres (10 cm) de mon voisin sur mon terrain. Les voisins ont quand même signés le PV. Cet acte foncier est joint à mon acte de vente et il est en cours de diffusion à la publicité foncière.
J'ai obtenu le PC sur la base de ce PV (je construit sur la limite séparative).
Après la signature chez le notaire, ce monsieur change sa clôture sans respecter le bornage, pire il déplace sa clôture de 7 centimètres (au total un empiétement de 17 centimètre).
Maintenant, le voisin refuse de retirer sa clôture car il veut faire jouer la prescription.


6 Publié par Alexandrayanou
25/06/2019 08:41

Bonjour, l un des coindivisaires d un bien qui l.occupe à titre gratuit avec l accord des autres frères et sœurs indivisaires et régle lles impôts en contrepartie en guise de loyer peut il s arroger le droit de lancer en secret une procédure d acquisition par usucapion , je dis bien secrètement alors même qu il fréquente les autres indivisaires parmi lesquels il y a de plus un majeur protégé par curatelle légale qui a aussi une part dans ce bien? Est ce possible et les autres indivisaires peuvent ils avoir un recours? les autres Indivisaires peuvent ils récupérer leur dû financièrement ? Par quelle procédure?

Remerciements

7 Publié par tevaite
16/11/2020 08:02

Bonjour

quelqu'un pourrait me répondre. Un membre de la famille pourra demander l'usucapion d'un terrain entier indivis?

8 Publié par jim78
11/03/2021 09:59

Bonjour j'ai hérité de mon père 50 % d'une maison qu'il a herité de sa grand mère en indivision avec sa soeur.

Ma tante a toujours souhaité vendre et mon père si étais toujours refusé de ce fait il à payer tout les frais de la dite maison (impots foncier / habitation / assurance / renovations / eau / éléctricité ...)

Je me refuse a vendre également et n'est certainement pas les moyens de racheter les parts de ma tante si
aucune réclamation na été faites en 30 ans total( les années de mon père / les miennes) cela pourrais t'il êtres considéré comme une prescription acquisitive ?

9 Publié par loulou43
12/05/2021 17:26

Bonjour Me,
Je suis en indivision avec mon frère décédé depuis plus de 30 ans et qui n'a laissé aucun hérité. Puis-je revendiquer la pleine propriété du fait que je sois un ayant droit au de deuxième ordre ? Ou suis-je en indivision avec une succession vacante. Dans ce cas là comment revendiquer la pleine propriété ?

10 Publié par Cendre
29/11/2022 16:23

Maître,
Je rempli toutes les conditions à l'usucapion ( 34 ans ), je réside dans l'immeuble que mon grand père a fait construire en 1968, j'habite seule depuis 34 ans dans cet immeuble, je l'entretiens, etc ... Mes parents qui habitent à la campagne depuis 1981 se sont toujours désintéressés de cet immeuble. J'ai demandé la prescription acquisitive, mon père est mort en 2019 la partie adverse dit que je dois d’abord aller à la lecture du testament de mon père. La cour d'appel rejette ma demande et demande à ce que j'aille à la lecture du testament de mon père qui est en indivis dans cet immeuble, mes grands parents 3 appartements et mes parents un. Il me semble Maître que la prescription acquisitive prévaut sur le testament ? Pourquoi irai-je à la lecture du testament de mon père comme je suis déjà propriétaire de cet immeuble par usucapion ? Ai je des chances de gagner en Cassation ? Merci Maître, Pouvez vous me défendre devant la Cour de Cassation ? Bien à vous.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

Rechercher
A propos de l'auteur
Blog de Anthony BEM

Avocat contentieux et enseignant, ce blog comprend plus de 3.000 articles juridiques afin de partager mes connaissances et ma passion du droit.

Je peux vous conseiller et vous représenter devant toutes les juridictions, ainsi qu'en outre mer ou de recours devant la CEDH.

+ 1400 avis clients positifs

Tel: 01.40.26.25.01 

En cas d'urgence: 06.14.15.24.59 

Email : abem@cabinetbem.com

Consultation en ligne
Image consultation en ligne

Posez vos questions juridiques en ligne

Prix

249 € Ttc

Rép : 24h max.

1426 évaluations positives

Note : (5/5)
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles