L’obligation de mise en garde par les banques préalablement à la demande de souscription d’un cautionnement auprès des dirigeants sociétés

Publié le Modifié le 09/11/2021 Vu 1 572 fois 0
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Les dirigeants et associés de sociétés qui se sont portés garants du remboursement des dettes leur entreprise peuvent ils se prévaloir du devoir de mise en garde en garde de leur banque ?

Les dirigeants et associés de sociétés qui se sont portés garants du remboursement des dettes leur entrep

L’obligation de mise en garde par les banques préalablement à la demande de souscription d’un cautionnement auprès des dirigeants sociétés

Les dirigeants et les associés de sociétés se portent traditionnellement garants du remboursement des dettes de leur entreprise vis à vis de leur banque.  

En pratique, les banques demandent la signature d’un cautionnement personnel et solidaire pour être garanties du bon remboursement des prêts accordés à leur société.

Or, le droit bancaire et du cautionnement a connu une évolution jurisprudentielle spectaculaire à partir des années 2009 et surtout durant la décennie 2010-2020. 

En effet, avant cette période, les cautions dirigeantes ne pouvaient pas efficacement se défaire de leur engagement et étaient systématiquement condamnées au paiement des dettes de leur entreprise. 

À présent, les personnes qui se sont portées cautions sont davantage protégées et disposent de nombreux moyens juridiques de défense pour échapper à leur engagement de garantie. 

Les juges ont ainsi posé de nombreuses obligations à la charge des banques, telles l’obligation de mise en garde des dirigeants de sociétés qui se portent caution du remboursement des dettes de leur société sur les risques inhérents à leur cautionnement

L’obligation de mise en garde des cautions par les banques est double.  

Il s’agit de la mise en garde d’une part de son éventuelle incapacité financière à faire face à son engagement de caution et d’autre part, du risque d’endettement né de l’octroi des crédits à la société emprunteuse. 

À cet égard, le 26 octobre 2021, la Cour d'appel de Rennes a notamment jugé que les banques sont tenues au respect d’une obligation de mise en garde auprès des dirigeants de sociétés préalablement à la conclusion d’un cautionnement de société. (Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 26 octobre 2021, n° 19/04080)

Cet arrêt est riche d’enseignements juridiques et permet aux cautions de se libérer de leur engagement ou de diminuer le montant de la dette grâce aux règles posées par les juges. 

En l’espèce, une société a obtenu un crédit professionnel auprès de la Société Générale. 

Le gérant de la société s’est porté caution solidaire du remboursement de ce prêt envers la banque. 

Suite à des échéances de remboursement du prêt impayées par la société emprunteuse, la banque a assigné en justice la caution afin d’obtenir sa condamnation au paiement des sommes dues au titre de son cautionnement. 

En défense, la caution a utilement invoqué la disproportion manifeste de son engagement.  

En effet, l’article L 341-4 du code de la consommation prévoit que le créancier professionnel (la banque) ne peut pas se prévaloir d’un cautionnement manifestement disproportionné aux patrimoines et revenus des cautions. 

Ainsi, un créancier professionnel ne peut pas valablement se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses bien et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette d’y faire face. 

Pour se prémunir contre le risque de disproportion, les banques doivent faire remplir aux cautions une fiche de renseignements patrimoniaux concomitamment à leur engagement. 

Au cas présent, la Société Générale a démontré que la caution a acquis, en pleine propriété indivise, pour moitié, un bien immobilier. 

Toutefois, l’immeuble était grevé de six sûretés, dont trois privilèges du prêteur de deniers, de sorte que les juges ont estimé que « la valeur nette des quotes-parts indivises de la caution était quasiment nulle au jour de la conclusion du cautionnement litigieux ».

Dans ce contexte, la cour a jugé que le cautionnement était manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution.

De plus, la banque faisait valoir que la caution serait en mesure de faire face à son engagement de caution au jour de sa poursuite en justice eu égard à une fiche d’analyse de patrimoine établie à sa demande par une société tierce et qui indique que le bien a une valeur statistique de 355.350 euros. 

Or, au travers d’un calcul mathématique dont l’équation n’est malheureusement pas détaillée dans son arrêt, la cour d’appel a considéré qu’ « en tenant compte de la marge hypothécaire théorique, la valeur nette de la quote-part indivise de la caution serait donc de 95.908,50 euros ».  

Néanmoins, les juges ont estimé qu’ « un tel document, qui se fonde sur une valeur statistique du bien dont il n’est nullement justifié, ne fait pas foi. Aucun élément tangible ne permet d’affirmer que la valorisation du bien est aussi importante que celle indiquée dans la fiche ».

En conséquence, les juges ont débouté la banque de sa demande de condamnation au paiement de la caution à défaut d’avoir justifié de ce que le patrimoine de la caution, au moment où celle-ci est assignée en justice, lui permette de faire face à son obligation. 

Par ailleurs, cet arrêt apporte un éclairage particulier sur l’obligation de mise en garde qui pèse dorénavant sur les banques vis à vis des cautions dirigeantes en jugeant que :

« Si la caution est profane, l’établissement bancaire doit la mettre en garde lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté à ses capacités financières ou qu’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur. » 

La caution avertie n’est pas créancière de ce devoir de mise en garde, sauf si elle démontre que la banque disposait d’informations qu’elle-même ignorait, notamment sur la situation financière et les capacités de remboursement du débiteur principal.

C’est sur le créancier professionnel que pèse la charge d’établir que la caution est avertie. 

À défaut, elle est présumée profane. 

En revanche, c’est à la caution qu’il revient de rapporter la preuve du manquement de l’établissement bancaire à son obligation de mise en garde.

Pour apprécier la qualité de la caution, il y a lieu de tenir compte de la formation, des compétences et des expériences concrètes de celle-ci ainsi que de son implication dans le projet de financement.

Il doit être démontré qu’elle avait une connaissance étendue du domaine de la finance et de la direction d’entreprise. 

Toutefois, il convient de souligner que lorsque les cautionnements sont déclarés manifestement disproportionnés par les juges et donc annulés, ces derniers estiment aussi que l’éventuel manquement à l’obligation de mise en garde les concernant n’occasionne pas de préjudice à la caution. 

De surcroît, la cour d’appel a estimé que même si la caution était habituellement assistée et conseillée par son avocat, un tel élément ne saurait suffire à lui conférer la qualité de caution avertie.

Le fait que la caution soit assistée par un avocat ne suffit pas à lui conférer la qualité de caution avertie.

Pour que la banque puisse prouver la qualité de caution avertie, il lui faut justifier que celle-ci disposait de connaissances ou de compétences particulières dans le domaine de la gestion de société ou des affaires. 

À défaut, la caution dirigeante est profane et la banque est tenue de la mettre en garde quant à son éventuelle incapacité financière et quant au risque d’endettement né de l’octroi des concours bancaires au débiteur principal.

Il résulte de cette jurisprudence que pour mettre en jeu la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation de mise en garde et obtenir du juge des dommages et intérêts qui viendront se compenser avec la dette en tout ou partie, la caution profane doit prouver :

  • soit que les finances de la société emprunteuse étaient limitées dès l’origine ;
  • soit que la société emprunteuse ne pouvait pas faire face aux charges financières résultant des crédits consentis par la banque ;
  • soit que le cautionnement litigieux lui faisait courir un risque d’incapacité financière.  

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Anthony Bem

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