Le recours préalable et obligatoire des militaires et gendarmes devant la commission de recours

Publié le 18/02/2014 Vu 72 655 fois 27
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Si les militaires et les gendarmes jouissent de droits et d’obligations, ils sont soumis à un régime particulier en matière de recours contre les actes et décisions professionnels leur faisant grief.

Si les militaires et les gendarmes jouissent de droits et d’obligations, ils sont soumis à un régime parti

Le recours préalable et obligatoire des militaires et gendarmes devant la commission de recours
  1. L’exigence légale de recours pré-juridictionnel : le « RAPO »

Les recours contentieux formés devant le juge par les militaires ou les gendarmes à l’encontre d’actes relatifs à leur situation personnelle doivent obligatoirement être précédés d’un recours administratif préalable.

Ce type de recours se dénomme « Recours Administratif Préalable Obligatoire » (RAPO).

Il s’agit d’une originalité procédurale en matière de recours administratif.

En effet, l’exigence de recours administratif préalable aux recours contentieux devant les tribunaux n’existe pas par ailleurs.

Cette originalité consiste à saisir obligatoirement et préalablement la Commission des Recours des Militaires (CRM) qui est une commission administrative instituée par le décret n° 2001-407 du 7 mai 2001 organisant la procédure de recours administratif préalable aux recours contentieux formés à l’encontre d’actes relatifs à la situation personnelle des militaires, en application de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives.

La commission de recours est présidée par un officier général ou un contrôleur général des armées et comprend quatre officiers généraux appartenant à l’armée de terre, à la marine nationale, à l’armée de l’air et à la gendarmerie nationale, le directeur des ressources humaines du ministère de la défense ou son représentant, ainsi qu’un officier général représentant l’armée ou la formation rattachée dont relève le requérant.

Les dossiers de recours examinés par la commission sont instruits par des rapporteurs placés sous l’autorité d’un rapporteur général, magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.

Ce dernier conseille les rapporteurs et émet un avis sur chacun des recours.

Cet avis éclaire les membres de la commission sur les problèmes juridiques soulevés par les recours et la jurisprudence administrative qui leur est appliquée.

Mais la commission de recours a une liberté d’action ou d’inaction quasi-totale.

Sa seule obligation est de communiquer au requérant les mémoires de l’administration pour respecter le principe du contradictoire (CE 5 avril 2006, Req. n°251732) et non pas le rapport du rapporteur (CE 16 mars 2005, Req. n°259245 ).

  1. Les conditions du recours à la commission de recours

La saisine de la Commission des Recours des Militaires tend uniquement à obtenir de celle-ci qu’elle fasse des recommandations auprès du Ministre de la Défense pour que soit annulée une décision faisant grief à un militaire ou un gendarme.

L’ensemble des dispositions se rapportant à la procédure du recours administratif préalable figure aux articles R. 4125-1 à R. 4125-23 code de la défense.

L’article R4125-1 du Code de la défense qui fixe le principe du recours préalable obligatoire dispose que :

« I.-Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux.

Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense.

La saisine de la commission est seule de nature à conserver le délai de recours contentieux jusqu'à l'intervention de la décision prévue à l'article R. 4125-10

II.-Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux recours contentieux formés à l'encontre d'actes ou de décisions :

1° Concernant le recrutement du militaire ou l'exercice du pouvoir disciplinaire;

2° Pris en application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et du code des pensions civiles et militaires de retraite ainsi que ceux qui relèvent de la procédure organisée par les articles 112 à 124 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ».

Ainsi, les recours formés devant la Commission des Recours des Militaires tendent à l'annulation ou à la réformation d'une décision individuelle expresse ou implicite prise à l'encontre d'un militaire et portant sur sa situation personnelle.

Le recours administratif préalable à un recours contentieux formé devant la commission des recours des militaires doit être effectué dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification à l'intéressé (e) de la décision faisant grief.

Les principaux motifs de recours sont les suivants :

  • la prise en compte du pacte civil de solidarité dans le régime indemnitaire des militaires
  • la notation,
  • le régime d’imposition,
  • la solde,
  • les mutations,
  • le lien au service,
  • les changements de résidence ou d’affectation,
  • les mutations,
  • etc …

La saisine doit obligatoirement mentionner tous les arguments de fait ou de droit permettant de contester la validité de la décision et être accompagnée de la copie de l'acte litigieux.

Dans l'hypothèse où l'acte contesté est une décision implicite de rejet d'une demande formulée par le militaire, la saisine de la commission de recours doit être accompagnée d'une copie de la demande initiale.

L’envoi du recours se fait par lettre recommandée avec accusé de réception, par précaution…

  1. Les effets de l’avis de la commission de recours et de la décision du Ministre de la Défense

La commission de recours n’émet qu’un avis pour le Ministre de la Défense.

La décision ministérielle n'est pas liée par l'avis proposé par la commission et clôt le recours administratif préalable en se substituant à la décision initiale contestée.

La notification, qui mentionne les délais et voies de recours contre la décision, ouvre alors au requérant le délai de recours contentieux pour saisir la juridiction administrative (2 mois).

L'absence de notification dans le délai de quatre mois à compter de la saisine de la commission vaut décision de rejet implicite par le ministre compétent ou par les ministres conjointement compétents.

La décision du Ministre de la Défense se substitue totalement à la décision antérieure, de sorte que le militaire se trouve privé du droit de soumettre au juge des moyens qu’il invoquait contre la décision initiale et ne pourra que soulever les nouvelles illégalités éventuelles de la décision ministérielle pour la soumettre à la censure éventuelle du juge administratif.

  1. L’inutilité de la saisine préalable de la commission de recours

Bien qu’officiellement cette commission ait été conçue pour contribuer à désengorger la juridiction administrative, elle sert en réalité d’instrument de régulation des litiges personnels entre les militaires et leur administration, "pour laver son linge sale en famille".

Autrement dit, la commission de recours tenterait de dissuader les militaires de porter leur litige devant le juge en espérant les limiter à un recours préalable, mais unique, devant elle.

Mais cette commission de recours est totalement inutile sur le plan procédural.

En effet, il est important de souligner que la saisine de cette commission, non suspensive quant à l’application de la décision litigieuse, ne prive pas les militaires de leur droit de recours au juge en cas de litige avec leur administration.

Les militaires ont ainsi en droit de solliciter du juge administratif qu’il suspende et annule l’acte faisant grief, parallèlement et conjointement à la saisine de la commission de recours.

Ainsi, les militaires ne sont pas censés devoir attendre un quelconque délai pour saisir le juge dans le cadre d’un recours contentieux.

Concrètement, il suffit à l’avocat du militaire de justifier de l’envoi du recours auprès de la commission pour saisir le juge administratif d’un référé suspension et d’une requête en annulation de l’acte ou de la décision faisant grief.

A cet égard, les militaires doivent savoir qu’en pratique le juge administratif saisi en référé mettra souvent beaucoup moins de temps que le ministre de la défense pour prendre sa décision.

En effet, le ministre de la défense a quatre mois après le recours administratif préalable obligatoire pour l’agréer totalement, partiellement ou le rejeter.

Le militaire ou le gendarme ne saurait attendre un délai de quatre mois pour connaitre le sort de la décision déférée et engager un recours contentieux devant le juge administratif, surtout lorsque l’on sait que seules 7% sur les 5.000 requêtes annuelles soumises à la commission font l’objet d’une annulation totale.

L’utilité juridique et procédurale de la saisine préalable de cette commission est donc très limitée en pratique et loin des arguties déployées par les politiques et personnalités qui se sont employées ces dernières années à défendre le rôle de cette commission.

Enfin, bien que le recours administratif préalable devant la commission des recours des militaires ne suppose pas obligatoirement la représentation par un avocat, l’assistance du militaire ou du gendarme par un avocat spécialisé sera souvent d’une grande utilité.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

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Anthony Bem
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1 Publié par Visiteur
06/03/2018 20:50

Bonjour,
Je suis actuellement gendarme en BPDJ (depuis 6 mois) après une mutation à ma demande. Le poste n'est pas ce que je pensais, les collègues, le logement et la ville non plus. Cette situation a engendré un arrêt de travail de 3 mois et sensiblement un futur détachement.
Après consultation de mon commandant de groupement, j'ai fait une demande exceptionnelle pour raison personnelle. Acceptée par ma région actuelle, elle a été refusée par la région d'accueil alors que le service demandé est en sous effectif avéré.
Quel serait pour moi le bénéfice d'un recours de la décision qui stipule que ma demande n'est pas un cas exceptionnel. Je précise également dans ma demande que mon père nous a quitté et que je souhaite me rapprocher de ma mère.

2 Publié par Visiteur
27/03/2018 23:29

Bonjour,
Mon conjoint est sous officier dans l'Armée de Terre. Il a rempli une demande de mutation au cours de l'année 2017. Le 26 mars 2018, la décision tombe pour une mutation effective au 1er Août. Aucun de ses 4 souhaits n'est respecté et on lui impose de choisir sous 72h parmi une liste de 5 lieux situés à l'autre bout de la France.
Peut-il refuser sa mutation compte tenu du fait qu'aucun de ses souhaits n'est respecté et quelles en seraient les conséquences ?
Sachant qu'il est encore sous contrat, peut-il à défaut quitter l'Armée ?
Je précise que nous ne sommes pas mariés, que nous avons un premier enfant et que je suis enceinte du deuxième et qu'il semble pour moi difficile de me faire muter dans les lieux proposés surtout dans un délai aussi court.
Merci pour vos réponses.

3 Publié par Visiteur
31/05/2018 23:50

Bonjour maître,
Je suis actuellement désigné pour une mutation en Guyane le 15/08 avec ma compagne et mes 3 enfants. Vendredi dernier le cgom me demande de leur faire parvenir ma fiche de voeux et les certificats médicaux de ma famille et le mien avec l'aptitude outre-mer. J'ai envoyé ces documents.
Or aujourd'hui j'ai été convoqué par mon médecin-chef qui m'a appris que mon aptitude pouvait être mise en cause suite à une lésion meniscale connue et soignée par infiltration. J'ai pourtant mis en avant le fait que ma vsa était à jour avec la mention spécifique de mon aptitude à l'outre mer. Le médecin chef à essayé de se dédouaner en m'expliquant que si en guyane mon genou se bloquait il n'y aurait pas les soins adéquatesont. ..On croit rêver ...etc... j'ai eu beau lui expliquer que j'ai la spécificité d'être un enquêteur en unite de recherches (donc pas de crapahutage comme il pense) et qu'à ce jour je n'ai eu aucun soucis pour travailler, visiblement il n'en est rien... il veut l'avis du chirurgien orthopédique militaire de bdx pour valider ou non mon départ... A préciser que ma famille est prête également à partir...Et que ma compagne a remis son préavis pour quitter son travail...
Si le chirurgien cautionne quel recours puis-je entreprendre ?
Merci

4 Publié par Visiteur
25/08/2018 11:39

Bonjour,

Mon conjoint a rempli sa fiche individuelle de souhait d’affectation et l’a rendu en premier (capitaine témoin). Or, il a appris cette semaine que sa fiche n’avait pas été envoyé par le service responsable, ce qui pourrait donc lui être fatal en terme d’affectation. On nous a dit qu’il était possible que sa fiche ne soit donc pas prise en compte, mais il ny est pour rien, ce serait totalement injuste.
Quels sont les recours auxquels nous pourrions avoir droit s’il s’avère que ses vœux n’ont pas été pris en compte ?
Merci

5 Publié par Visiteur
13/09/2018 21:40

Bonjour maitre
Mon mari a répondu à un appel à volontaire. Tous les avis ont été favorables. La direction à transmis à la region d'acceuil qui a repondu favorablement. Puis la direction générale à refuser la mutation. On nous dit que la mutation est refusée ' mais mon mari n'a eu à ce jour aucun refus par écrit. Quels sont les recours

6 Publié par Visiteur
19/11/2018 09:29

Bonjour Maître
Cela fait plusieurs années que je suis candidat à l'avancement et tout le temps refusé sans qu'on puisse me donner de raison valable. Je n'ai eu aucune punition ni faute de service etc etc.
Dans le cadre de l'avancement 2019, les sensations données par ma hiérarchie font que je ne serais toujours pas au tableau 2019. J'envisage ainsi de faire un recours auprès de la CRM.
Avez-vous un exemple de lettre type pour s'adresser à elle?
Merci d'avance

7 Publié par Maitre Anthony Bem
20/11/2018 10:05

Bonjour jonalomu51,

Je n’ai malheureusement pas de modèle de lettre type de recours à vous communiquer.

Bon courage.

Cordialement.

8 Publié par aixlesbains73100
10/02/2019 10:48

Bonjour Maître,
Arrivant en fin de carrière, j'ai eu la possibilité de passer au grade supérieur. Suite à une erreur de ma part, de bonne foi, j'ai fait ma demande pour passer au grade supérieur en retard. Je suis passé au grade supérieur, mais, il me manque quelques jours, pour avoir les 06 mois nécessaires. Je reconnais mon erreur, mais estime que mon administration dans le suivi des dossiers est aussi fautive.
Pensez vous qu'il soit possible de régulariser la situation.
Pensez vous que le droit à l'erreur puisse être invoqué.
Merci par avance pour votre réponse.

9 Publié par StephMili
16/03/2019 21:11

Bonjour Maître,
Je suis militaire de carrière et j’ai effectué un RAPO dans le cadre de ma notation annuelle. N’ayant pas reçu de réponse de la CRM, je souhaite effectuer une saisine du tribunal administratif. Quel est le TA compétent ? Celui du lieu de mon affectation, de mon domicile ou du ministère ?
Merci beaucoup pour votre aide

10 Publié par mapat34
21/03/2019 13:24

Bjr à vous,
lors de ma dernière notation, il est noté qu'en raison de problèmes relationnels en interne et externe alors que j'avais toutes les aptitudes à occuper un emploi de niveau supérieur je ne le suis plus. Cette décision a été prise juste sur des déclarations à charge me concernant sur des interventions et à aucun moment ni moi ni mon binôme n'ont eu à produire de compte rendu. Est-ce qu'en faisant un recours sur ma notation cela pourrait aller en ma faveur surtout que ce qui m'est reproché est complètement faux et mes camarades binôme pouvant en témoigner par compte rendu ?
merci
bien cdlt

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