Revirement de jurisprudence concernant le calcul de la prestation compensatoire

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Par trois arrêts du 16 avril 2008, la Première Chambre civile de la Cour de cassation a opéré un important revirement de jurisprudence concernant la période à prendre en compte pour le calcul de la prestation compensatoire dans le cadre de la procédure de divorce (Cass. Civ. 1re, 16 avril 2008, n°07-12814).

Par trois arrêts du 16 avril 2008, la Première Chambre civile de la Cour de cassation a opéré un important

Revirement de jurisprudence concernant le calcul de la prestation compensatoire

La prestation compensatoire a pour but de rééquilibrer la situation matérielle des ex-époux après le prononcé du divorce en tenant compte de la disparité qui se produit lorsque l'un des époux n'a pas de revenus personnels, son âge ou sont état de santé ne lui permet pas de prendre ou de reprendre un emploi, pendant la vie du ménage elle a participé par son travail à l'activité de son mari sans être rémunérée, lorsqu'elle s'est consacrée à l'éducation des enfants communs et qu'elle va continuer à assurer leur éducation.

Les articles 270 et 271 du code civil prévoient le versement par l'époux d'une indemnité dénommée « prestation compensatoire » si la rupture du mariage crée une disparité dans leurs conditions de vie respectives et selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre.

La situation des époux est appréciée par le juge en fonction des biens et revenus de chacun des époux, y compris de la valeur de leurs biens propres (Cass. 1re civ., 30 nov. 2004).

La Haute Cour avait l'habitude de juger que la durée de vie commune des époux et non seulement celle du mariage pouvait être pris en considération pour ce calcul. (Cass. 1re civ., 14 mars 2006).

Cependant, par trois arrêts du 16 avril 2008, la Première Chambre civile a procédé à un revirement de jurisprudence en rappelant le principe selon lequel pour déterminer les besoins et les ressources des époux en vue de la fixation de la prestation compensatoire le juge ne devait prendre en compte que la durée de la vie commune postérieure à la célébration du mariage (Cass. Civ. 1re, 16 avril 2008, n°07-12814).

Il s'en déduit que la durée du concubinage que les époux avaient entretenu antérieurement au mariage ne peut être prise en compte dans le calcul de la prestation compensatoire.

Dans ce contexte, les juges du fond n'ont pas à tenir compte de la vie commune antérieure au mariage pour déterminer les besoins et les ressources des époux en vue de la fixation de la prestation compensatoire.

Si la durée de la cohabitation effective, postérieure à la célébration du mariage, est donc susceptible d'être prise en compte par le juge, tel n'est pas le cas d'un concubinage antérieur à l'union, les obligations découlant du mariage ne naissant qu'à compter de la célébration de celui-ci.

Or, de nombreux couples vivent ensemble des années avant que leur mariage ne soit célébré et se séparent avant le prononcé de leur divorce...

Selon que l'on se place du côté du bénéficiaire de la prestation compensatoire ou du créancier l'intérêt de cette jurisprudence est relatif :

  • pour l'époux débiteur (en général), cette jurisprudence diminue sensiblement montant de sa dette ;
  • pour l'épouse créancière (en général), cette jurisprudence diminue sensiblement le montant de sa prestation compensatoire.

En tout état de cause, cette décision est intellectuellement et concrètement surprenante en ce qu'elle ne reconnaît l'existence d'une vie commune des couples que durant la période du mariage et non durant celle du concubinage antérieur au mariage.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

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Anthony Bem
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1 Publié par Visiteur
27/03/2016 22:59

bonjour Maitre

je suis mariée depuis 1 an et quelques mois, et je voudrais demander le divorce par consentement mutuel.
Sachant que mon époux gagne 5 fois mon salaire, au vue de la différence de revenus, est-ce que je pourrai avoir droit à une quelconque prestation, sachant que nous avons deux enfants et hors mis pension alimentaire, et aussi 5 ans de vie commune avant mariage?

2 Publié par Visiteur
02/04/2016 11:08

bonjour Maître,
Mariée depuis plus de 21 ans et avec 4 enfants.
Nous avons 2 grands enfants étudiant et le dernier à 12 ans.
Nous n'avons pas souscrit de contrat de mariage particulier.
Mon mari gagne 5 000 euro net/mois à ce jour, car il est cadre salarié dans une entreprise nationale.
Nous avons également un bien immobilier qu'est la maison conjugal en tant que propriétaires.
A l'époque de notre mariage, je travaillais et gagnais 2 fois plus que mon époux, et en ayant eu des décisions familiales et professionnelles à prendre, notre décision commune était que je cesse mes activités pros pour le suivre dans ses mutations et promotions pros et bien entendu de concevoir nos enfants pour fonder une famille.
A ce jour, nous ne nous entendons plus et sommes en préparation de divorcer.
Ma question aujourd hui, c'est de savoir si le recours d'une prestation compensatoire en viager existe encore, car j' ai plus de 50 ans et dans les contextes économiques de la Société actuelle, il me sera très difficile de retrouver un emploi et finir ma vie dans un contexte serein concernant les finances.
Quel recours le plus favorable puis-je obtenir pour être en sécurité de mon devenir?
Merci d'avance pour votre réponse.
Cordialement.

3 Publié par Visiteur
03/06/2016 14:33

Bonjour Maître,

Merci de bien vouloir m'apporter de l'aide pour calculer une pension compensatoire.

4 Publié par Visiteur
01/10/2016 22:49

Cette jurisprudence est parfaitement logique.

Puisque la justification que l'on nous présente de la prestation compensatoire est qu'il s'agit d'une suite du devoir de secours et que le devoir de secours ne naît qu'au moment du mariage, il est logique que les périodes précédent le mariage ne soient pas prises en compte.

Ceci étant dit, la prestation compensatoire, et tout particulièrement la rédaction de l'article 270 du code civil est parfaitement inconstitutionnelle.

Voici pourquoi:

L’article 270 du code civil a été initialement rédigé dans un contexte où les femmes ne travaillaient pas (et où la QPC n’existait pas).

Le modèle « hiérarchique » était la norme : l’homme au travail comme pourvoyeur de ressources et la femme à la maison pour s’occuper des enfants. Dans un tel contexte il fallait bien trouver un moyen pour qu’en cas de divorce, la femme sans diplômes ni qualifications professionnelles puisse continuer à vivre dans des conditions décentes.

Depuis, bien des choses ont changé. Le modèle familial a évolué vers un modèle individualiste : l’homme et la femme ont accès aux études, aux formations qualifiantes, au travail. Et c’est bien ce modèle qui est encouragé par les pouvoirs publics depuis des décennies maintenant. Les femmes entrent dans « la relation d’ordre ».

Le problème de constitutionnalité :

L’article 270 du code civil énonce que :

« L’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Etc. »

Un détail sémantique important : « que la rupture du mariage crée dans les conditions de vies respectives ».

Interprété stricto sensu, lorsque les différences de revenus proviennent de différences de qualifications professionnelles qui préexistaient au mariage, ce n’est pas la rupture du mariage qui crée la disparité car elle existait déjà. Dans ce cas la disparité a été créée par les choix professionnels faits délibérément par chaque conjoint avant le mariage (c’est LA cause primaire), le divorce ne fait que la révéler mais il ne la crée pas. Et ce choix de professions n’est pas un choix commun.

Or la Cour de Cassation dit que :

« Le juge ne peut pas rejeter une demande de prestation compensatoire en énonçant que, s’il existe entre les époux une différence sensible de revenus, il ressort néanmoins que celle-ci préexistait au mariage et qu’en aucune façon, elle ne résulte des choix opérés en commun par les conjoints. » Cass. civ. 1ère, 12 janv. 2011 (pourvoi n°09-72248) et Cass.1ère civ. 18 mai 2011 (pourvoi N°10-17445).

Par conséquent, si on s’en tient à l’interprétation de la cour de cassation, l’un des époux peut être condamné à payer une somme d’argent à l’autre au seul et unique motif que ses qualifications professionnelles sont supérieures à celles de l’autre, quand bien même ces différences de qualifications professionnelles préexistaient au mariage. Cette prestation compensatoire est prise de facto sur les biens propres du débiteur.

Pourtant le droit de propriété bénéficie d’une protection particulière en droit Français.

Déclaration des droits de l’homme qui a valeur constitutionnelle :

« La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. »

Il existe donc des limites au droit de propriété : l’intérêt général, l’ordre public.

Or lorsque deux conjoints divorcent et que :

- chaque conjoint bénéficie de revenus (en général revenus du travail) qui leur permet de vivre dans des conditions acceptables,
- aucun des deux conjoints n’a subi de préjudice de carrière pendant le mariage (et on peut le mesurer par la méthode des homologues),

que le conjoint demandeur se trouve dans une position professionnelle identique à celle qui serait la sienne s’il était resté célibataire, et il y a forte présomption que ce soit le cas s’il n’y a aucun trou de carrière (hors chômage qui touche d’ailleurs autant les hommes que les femmes). Il n’y a aucune atteinte à l’intérêt général si les revenus post divorce (du travail) de l’un sont supérieurs à ceux de l’autre, fussent-ils le quadruple puisqu’ils découlent de qualifications professionnelles et de capacités intellectuelles et/ou physiques différentes. Et il n’y a non plus aucun trouble à l’ordre public. Rien ne justifie alors l’intervention de la puissance publique.

Mais l’article 270 du code civil conduit quand-même à priver l’un des deux conjoints d’une partie de ce qui est sa propriété puisqu’il paie la PC sur ses biens propres.

Donc l’article 270 est parfaitement inconstitutionnel.

Pourquoi la question n’a-t-elle jamais été posée en ces termes ? Parce que la QPC n’existe que depuis peu de temps, et peut-être aussi parce que personne n’ose (peur d’être accusé de misogynie puisque c’est l’accusation qui « invalide » immédiatement toute argumentation construite (comme le blasphème en son temps), crainte politique).

Mais si le conseil constitutionnel était saisi de la question en ces termes, il serait bien embarrassé. Et à moins de rendre un avis uniquement politique (et donc contraire à l'équité et à la justice), il rendrait un avis de non conformité.

5 Publié par Visiteur
28/11/2016 16:42

Bonjour Maitre, je suis actuellement en divorce. Marié pendant 17 ans et demi, père au foyer pendant 10 ans pour élever nos deux enfants et m'occuper de toutes les tâches ménagères. Ce choix a été d'un commun accord. J'avais une entreprise que j'ai revendu en 2006 pour suivre mon épouse, qui s’installait en temps que Notaire dans une autre région. Mon épouse a énormément changée depuis plusieurs années et pour ma part, je ne trouvais plus ma place au sein du couple. Je suis actuellement seul, depuis février 2006. Je n'ai plus de revenu, ni d’économie. Ma femme elle déclare un salaire de 16 000 € par mois. Nous avons essayé de nous mettre d'accord sur une prestation compensatoire, en vain. Elle me proposait 150 000 €, et j'ai refusé. Elle me proposait cette somme, parce qu'elle n'a que cela en liquidité, et qu'elle a environ 13 000 € d'emprunt à rembourser par mois, car elle a acheté une maison bourgeoise, un appartement, les bâtiments de son Etude, un bateau de 13 m basé à La Rochelle et ses parts de SCP. Pouvez-vous me dire si sa proposition est honnête, sachant que j'ai 57 ans, elle 51 ans et que nos deux enfants 14 ans et 17 ans sont à sa charge. Je vous remercie pour votre aide. Bien cordialement

6 Publié par Maitre Anthony Bem
28/11/2016 21:10

Bonjour Duphil,

Il est vrai que la somme proposée par votre ex pour régler amiablement sa prestation compensatoire semble insuffisamment importante compte tenu des disparités du couple et de la durée du mariage.

Un juge aux affaires familiales serait enclin à vous allouer peut être plus selon son patrimoine et ses revenus et votre propre situation personnelle.

Votre affaire est soit une question d'argent, soit de principe, soit les deux, de sorte que l'"honnêté" de la proposition formulée au titre de la prestation compensatoire dépend de votre état d'esprit et de votre volonté d'en découdre.

Cordialement.

7 Publié par Visiteur
07/12/2016 12:03

Bonjour Maitre
Mon ex époux a jusqu'au 26 mars prochain pour solder la prestation compensatoire. IL avait 8 ans (au choix, rente mensuelle, annuelle) pour le faire. Ses revenus sont conséquents, il vient d'investir dans un appartement... Je suis obligée de pleurer pour obtenir un virement. De toute évidence en mars il ne pourra pas solder ce qu'il me doit encore (environ 25000€). Quel recours ai-je? Quels sont les intérêts qu'il me devra.
Merci

8 Publié par Maitre Anthony Bem
07/12/2016 13:44

Bonjour Natouchnikas,

Afin de me permettre de prendre connaissance de votre situation personnelle en détail et de disposer de toutes les informations nécessaires pour vous répondre, je vous propose de me contacter en privé pour une consultation.

A cet égard, je vous invite à choisir l'une de mes différentes modalités de consultation en cliquant sur "services" en haut de cette page.

Cordialement.

9 Publié par Visiteur
28/12/2016 13:18

Bonjour Maître

Un cas que je pensais théorique, jusqu’au moment où il s'est présenté.
Un couple en concubinage ; un enfant naît lourdement handicapé.
Pour assurer les soins à cet enfant, sa mère s'arrête de travailler, et interrompt une véritable carrière.
Ce couple se marie 4 ans après, puis divorce 5 ans après le mariage.
Quid de la prestation compensatoire ( je ne parle pas de l'obligation alimentaire au bénéfice de l'enfant) dans ce cas dans lequel, alors que pour des raisons impératives , madame a été contrainte de renoncer à tout travail?
Cette jurisprudence est t'elle si impérative qu'elle empêche , non point tout revirement, mais une adaptation?

Cordialement

10 Publié par Maitre Anthony Bem
28/12/2016 13:33

Bonjour protagoras,

Il n'existe aucune jurisprudence qui ne soit susceptible de donner lieu à un revirement.

Cependant, pour l'heure, le montant de la prestation compensatoire est déterminé selon la durée du mariage et non en fonction de la durée du concubinage, indépendamment du choix de vie effectué avant le mariage.

Cordialement.

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