Bizutage, harcèlement, racisme, in vivo ou sur les réseaux sociaux… Les études supérieures peuvent parfois tourner au cauchemar, dans une étape de vie fondamentale en terme de construction de la personnalité.
Seulement, personne n’a jamais dit que l’Université constituait une zone de non-droit.
Les faits commis à la fac, ou en rapport avec la fac, peuvent tout d’abord constituer des infractions pénales.
En outre, ces faits peuvent constituer des infractions de nature disciplinaire, pouvant conduire à des sanctions disciplinaires des auteurs concernés, allant de sanctions légères (avertissement, blâme), à l’exclusion.
A cet égard, peut constituer une infraction disciplinaire « tout fait de nature à porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l’Université ».
Autant dire que la définition de l’infraction du code de l'éducation disciplinaire est large.
Le Code de l’Education prévoit une procédure tournée autour de la recherche de la vérité tout en garantissant les droits fondamentaux de l’étudiant accusé. La personne lésée dispose également de quelques droits, lesquels se sont renforcés au fil du temps.
Pour résumer en une phrase l’idée principale : la victime n’est pas vraiment partie à la procédure en tant que telle, mais elle dispose de plusieurs possibilités de s’y greffer afin de faire entendre sa position.
1) Saisine de la commission disciplinaire
Tout d’abord, naturellement, il appartient à la victime d’agissements fautifs de signaler ceux-ci à la direction de l’établissement, ou à ses professeurs. C’est généralement comme cela que la procédure débute.
La première étape de la procédure consiste à saisir la section disciplinaire : ce n’est pas l’université en elle-même qui a compétence pour conduire la procédure disciplinaire.
C’est le Président de l’Université qui saisit la section disciplinaire, suite au signalement de l’étudiant victime ou des remontées dont il a été fait état.
L’étudiant victime ne peut pas saisir directement la section disciplinaire.
Le problème, c’est que le Président de l’université n’est pas obligé de saisir la section disciplinaire. Il doit en informer l’étudiant plaignant, mais, à priori, il n’a pas à motiver sa décision.
L’Etudiant peut alors saisir le Recteur de région académique, également compétent pour engager les poursuites devant la Section disciplinaire, à son initiative ou sur saisine de toute personne s’estimant lésée par des faits imputés à l’usager.
Pour autant, l’étudiant victime n’est pas partie à la procédure : il ne peut pas solliciter de peine, demander des dommages et intérêts, ce n’est pas à lui de diligenter l’enquête administrative.
S’il ne se manifeste pas, une fois son audition lors de l’enquête administrative terminée, la procédure se déroulera sans lui.
Ce qui ne veut pas dire que celle-ci ne débouchera pas sur une sanction, soyons clair.
2) Phase d’instruction
Une fois la section disciplinaire saisie s’engage une phase d’instruction, qui est une phase d’enquête menée par des rapporteurs, comportant les auditions des personnes concernées, auteurs présumés, victimes, témoins.
L’étudiant victime va donc probablement être auditionné.
La question qui se pose est celle de savoir si l’étudiant victime peut se rendre à l’audition accompagné.
En effet, puisqu’il n’est pas partie à la procédure, l’audition ne peut pas juridiquement causer un grief, si bien que le principe de l’assistance n’a rien d’évident de prime abord.
Mais les étudiants accusés pouvant être accompagnas d’un avocat, un certain parallélisme des formes semble s’imposer.
Logiquement, l’article R.811-29 du Code de l’éducation prévoit expressément que toute personne « ayant la qualité de témoin et qui s’estime lésée par les agissements de l’usager poursuivi peut se faire assister de la personne de son choix » lors de son audition par les rapporteurs.
L’étudiant victime peut donc se faire accompagner par qui il veut (étudiant, ami, parent). Cet accompagnateur peut naturellement être un avocat, dont l’accompagnement devant tout type de commission pour défendre son client est précisément le cœur de métier.
3) L’audience disciplinaire
Au stade de l’audience disciplinaire, le principe est que celle-ci se déroule en la seule présence des étudiants mis en cause.
Toutefois, le Président de la commission de discipline peut entendre l’étudiant victime et/ou des témoins s’il l’estime nécessaire.
Au-delà de cette initiative du Président de la commission de discipline, l’étudiant victime peut demander à être entendue.
Elle peut alors être assistée de la personne de son choix, notamment un avocat.
L’audition de l’étudiant victime se fait devant la commission en présence des étudiants mis en cause et de leur avocat.
Il convient de noter qu’il n’y a pas de possibilité d’obtenir l’aide juridictionnelle pour l’assistance d’un avocat lors de ce type d’audience, qui ne constitue pas une audience contentieuse en tant que telle.
Certaines assurances de protection juridique peuvent éventuellement prévoir de couvrir de tels frais, en tout ou partie.
4) Recours devant le tribunal administratif
Les étudiants sanctionnés peuvent contester la sanction.
Mais en cas de relaxe, ou de sanction considérée comme non suffisamment sévère, l’étudiant victime peut-il faire appel ?
La réponse est non : l’étudiant victime, non partie à la procédure, n’a pas qualité pour saisir le tribunal administratif.
Le Président de l’université et le Recteur d’Académie ont cette qualité pour saisir le tribunal administratif.
La seule voie ouverte à la victime consiste à solliciter ces derniers afin de leur demander d’agir en ce sens.
5) Au-delà de la procédure disciplinaire
La voie disciplinaire n’est pas la seule modalité d’action pour l’étudiant victime.
Si l’infraction disciplinaire constitue également une infraction pénale – en pratique, tel est souvent le cas- un dépôt de plainte est tout à fait possible.
L’action civile pour obtenir des dédommagements est également envisageable, à condition de prouver l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les agissements et le préjudice subi.
Mon cabinet intervient dans toute la France et se tient à votre disposition pour toute question
Me Sylvain BOUCHON
Avocat au Barreau de Bordeaux