Parce qu’elles peuvent figurer longtemps au dossier universitaire et handicaper l’avenir des étudiants, les sanctions disciplinaires prononcées dans le cadre universitaire font l’objet d’un cadre strict.
Â
I)Â Les sanctions disciplinaires
Â
La procédure d’instruction doit garantir concrètement l’exercice du contradictoire et les sanctions encourues sont énoncées de manière limitative par l’article R.811-36 Code de l’Education : l’avertissement, le blâme, une mesure de responsabilisation qui n’est pas sans rappeler le travail d’intérêt général, l’exclusion temporaire de l’établissement d’une durée maximale de cinq ans, l’exclusion définitive de l’établissement, l’exclusion de tout établissement public d’enseignement supérieur pour une durée maximale de cinq ans, et enfin l’exclusion définitive de tout établissement d’enseignement supérieur.
Lorsque les faits sont relatifs à une fraude ou une tentative de fraude commise lors de l’inscription entraîne, en plus des sanctions, la nullité de l’inscription. Si les faits sont relatifs à une fraude ou tentative de fraude commise à l’occasion du contrôle continu, d’un examen ou d’un concours, l’épreuve correspondante est nulle. L’étudiant est réputé avoir été présent sans l’avoir subie.
A noter encore que la sanction d’exclusion temporaire peut être prononcée avec sursis, total ou partiel, si la sanction n’excède pas deux ans.
L’avertissement, le blâme et la mesure de responsabilisation sont effacées du dossier au bout de trois ans, contrairement aux autres sanctions qui demeurent au dossier.
Enfin, une exclusion peut être remplacée par une mesure alternative de responsabilisation. Dans ce cas, seule cette mention figure au dossier et elle est effacée au bout de trois ans.
A noter que les faits susceptibles d’entraîner une procédure disciplinaire sont particulièrement étendus, puisque le Code de l’Education ne mentionne que la fraude et « tout fait de nature à porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l’Université ».
Â
II) Quel recours ?
Â
La décision de la Commission de discipline constitue un acte individuel faisant grief, et donc susceptible de recours en excès de pouvoir devant le tribunal administratif.
A noter que ce n’est pas l’Université en tant que telle qui prend la décision, mais la commission de discipline, si bien que la décision peut être contestée devant le Juge administratif par l’Université elle-même.
Celui-ci doit être saisi dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision.
Un recours gracieux peut également être réalisé dans un premier temps, lequel interrompt le délai de recours contentieux.
Les procédures devant les tribunaux étant relativement lentes, il peut être intéressant, une fois le recours enregistré, d’effectuer en parallèle un recours en référé-suspension afin de solliciter la suspension de la décision dans l’attente du jugement du recours en excès de pouvoir. Il conviendra alors de démontrer l’urgence de la situation et qu’il existe un doute manifeste sur la légalité de la décision de la Commission de discipline.
Le contrôle de la juridiction administrative à l’occasion des nombreux recours, harmonise les pratiques des commissions de discipline.
A noter qu'il ne semble pas possible de solliciter l'effacement de la sanction au dossier ultérieurement. Seul l'avertissement, le blâme, la mesure alternative et la mesure alternative mise en place en lieu et place de l'exclusion s'effactent après trois ans. Dans les autres cas, il convient donc de saisir le tribunal pour tenter d'alléger la sanction vers l'une des quatre sanctions précitées.Â
Â
III) Les dernières jurisprudences
Â
Le Tribunal administratif applique toujours la même méthode, qui n’est pas sans rappeler la méthode des recours contre les sanctions disciplinaires des fonctionnaires et agents de la fonction publique : le juge vérifie la matérialité des faits et si ceux-ci constituent une faute disciplinaire, puis, dans un second temps, il vérifie si la sanction prononcée est proportionnée.
Les tribunaux administratifs ont ainsi débouté les requêtes de certains étudiants, validant ainsi la sanction de la commission de discipline.
Ainsi, a été jugé proportionnée l’exclusion d’un étudiant qui s’était présenté à un examen avec des documents non-autorisés, quand bien même il n’est pas établi que ceux-ci avaient réellement un rapport avec l’examen en cause, cet étudiant ayant en outre déjà des antécédents disciplinaires (TA Amiens, 20 avril 2023, n°2102610).
De même, le Tribunal Administratif de Paris a jugé proportionnée une sanction de deux ans d’exclusion dont un avec sursis pour une fraude, en l’espèce un plagiat lors d’un examen (TA Paris, 8 novembre 2023, n°2212615).
A également été débouté un étudiant qui contestait l’exclusion définitive de tout établissement d’enseignement supérieur, soit la sanction la plus grave, pour des comportements inappropriés et agressifs, un langage outrancier, sur des étudiants comme sur des enseignants, commis en continu sur plusieurs années et ayant donné lieu à des pétitions (TA Strasbourg, 17 mai 2023, n° 2101919).
Mais il arrive aussi que le tribunal juge que la commission de discipline a eu la main trop lourde.
Ainsi, a été suspendue en référé la sanction d’exclusion de six mois pour des faits de harcèlement à l’encontre de certains de ses camarades, non que la sanction soit nécessairement disproportionnée en elle-même, mais elle s’ajoutait à plusieurs sanctions prononcées à titre conservatoire d’une durée totale de sept mois. Au total, dans les faits, l’étudiant en question aurait été exclu non pas six mois, mais treize mois. C’est ce total que le juge administratif a jugé disproportionné, et qui a justifié l’interruption de l’exécution de la décision (TA Paris, 16 septembre 2022, n°2218341).
Dans un autre dossier, le juge administratif a annulé l’exclusion définitive de l’établissement d’un étudiant sanctionné pour des faits d’emprise et de comportements inappropriés, considérant la motivation de la sanction insuffisante. D’autre part, d’autres personnes que les rapporteurs désignés par la section disciplinaire avaient participé à l’instruction du dossier, en violation des dispositions du Code de l’éducation (TA Montreuil, 13 juillet 2023, n°2303354).
Le Tribunal administratif de Nancy a aussi annulé pour disproportion l’exclusion d’une étudiante en santé qui avait posté des vidéos sur les réseaux sociaux en blouse, au sein de l’hôpital, laissant penser qu’elle était elle-même médecin, ce qui lui valut d’ailleurs un rappel à la loi sur le plan pénal. Le Tribunal a néanmoins estimé l’exclusion trop forte, dans la mesure où l’étudiante s’était contentée de propos généraux, anodins et de bon sens. Elle avait en outre présenté ses excuses par écrit (TA Nancy, 22 septembre 2022, n° 2002845).
Notons qu’il arrive que l’Université elle-même conteste devant le Juge la sanction de la commission de discipline : ainsi, le Tribunal administratif a suspendu une suspension de deux ans avec sursis pour des faits de comportements déplacés et à connotation sexuelle envers des étudiantes. Le Tribunal a estimé que l’absence de sévérité de la sanction faisait peser sur la décision un doute manifeste sur la légalité et que l’urgence était caractérisée, dans la mesure ou la condamnation avec sursis autorisait l’étudiant à regagner les rangs de l’université (TA Nice, 26 juillet 2022, n°2203391).
Toujours est-il que le Juge administratif a parfois une vision de la situation différente de la commission de discipline et qu’un recours peut parfois présenter un intérêt certain.
L'annulation de la décision par le juge n'empêche pas la Commission de Discipline de prendre une nouvelle sanction : mais celle-ci doit se conformer à la décision. Elle doit donc prononcer une sanction moins importante.Â
Enfin, précisons que les règles et procédures présentées ci-dessus ne s’appliquent pas aux établissements d’enseignement supérieurs privés, lesquels obéissent à leur propre règlementation.
Â
Mon cabinet intervient dans toute la France et se tient à votre disposition pour toute information ou recours.
Â
Me Sylvain Bouchon
Avocat au Barreau de Bordeaux
bouchonavocat@gmail.com
https://www.bouchon-avocat.fr/
Â
Â
Â