Pour mémoire, l’article L332-1 du code de la consommation (ancien article L341-4) dispose que :
« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »
Autrement dit, un cautionnement manifestement disproportionné entraine l'impossibilité pour la banque créancière de se prévaloir de ce cautionnement à l’égard de la caution personne physique.
En l’espèce, une société a bénéficié d’une ouverture d’un compte bancaire auprès de la Banque Populaire Rives de Paris ainsi que d’un prêt afin d’acheter un fonds de commerce de restauration et de brasserie.
A la demande de la banque, le gérant de la société s’est porté caution solidaire et indivisible pour le remboursement de ce prêt et son épouse a complété cette garantie par une seconde caution personnelle (plus d'un demi million d'euros).
Par la suite, la société a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire et la Banque Populaire Rives de Paris a mis en demeure le gérant et son épouse, en tant que cautions, d’exécuter leurs engagements et de payer les dettes de la société en faillite.
La Banque Populaire a inscrit une hypothèque judiciaire à titre provisoire sur la maison familiale et a assigné les cautions afin de les voir condamnées au paiement des sommes dues au titre de leur cautionnement.
Cependant, les cautions ont demandé au tribunal de débouter la Banque Populaire de ses demandes de condamnation au paiement compte tenu que :
- d'une part, les engagements de caution étaient manifestement disproportionnés à leurs revenus et patrimoine ;
- d'autre part, la banque ne rapportait pas la preuve des renseignements pris sur la solvabilité de ses clients préalablement à la souscription des cautionnements.
Ces arguments ont séduit les juges du tribunal de commerce de Versailles qui ont annulé les cautions de la Banque Populaire.
Pour ce faire, les juges se sont fondés sur l’article L332-1 précité et ont considéré que les cautionnements du gérant et de son épouse « étaient au jour de leur signature manifestement disproportionnés par rapport à leurs facultés contributives et que leur situation financière actuelle ne leur permet pas de satisfaire à leurs obligations. »
Surtout, les juges ont constaté que le cautionnement du gérant « représentait près de 8 fois ses revenus annuels et l’exposait à supporter une charge d’endettement de 57% de son revenu mensuel. »
Pour la première fois, les juges ont ainsi consacré un taux de proportionnalité des cautionnements par rapport au patrimoine des cautions.
Pour ce faire, le tribunal a pris en compte deux indices de référence différents :
- d'une part, les usages bancaires en matière de taux d’endettement des particuliers de 33% ;
- d'autre part, la charge moyenne annuelle en France des emprunts long terme souscrits par les particuliers s’élève à un peu moins de 4 fois leurs revenus annuels.
Ces deux données de référence peuvent donc être utilisées par les cautions pour déterminer la proportion ou la disproportion de leurs engagements en fonction de leur situation financière personnelle.
Au cas présent, après une analyse juridique et financière détaillée de la situation des cautions, il s’est avéré que celles-ci avaient :
- un taux mensuel d’endettement de 57% ;
- des engagements représentant près de 8 fois leurs revenus annuels.
A cet égard, le tribunal a pris en compte la valeur du bien immobilier détenu par les cautions au jour de leur engagement mais aussi le montant du solde du crédit immobilier qu’ils avaient à rembourser.
Ce jugement est novateur puisque, par le passé, les crédits immobiliers des cautions personnes physiques n'étaient pas pris en compte par les juges pour calculer leur endettement au jour de la signature du cautionnement au profit de la banque.
Il s'inscrit ainsi dans la droite lignée de l'arrêt rendu, le 12 juillet 2012, par la Cour de cassation selon lequel la caution, qui détient la moitié des parts de la société débitrice défaillante, peut se prévaloir de la disproportion de son cautionnement en prenant en compte le passif de la société, constitué par le prêt souscrit par cette dernière (Cass. Civ. I, 12 juillet 2012, N° de pourvoi: 11-20192).
Toutes les dettes des cautions sont donc à prendre en compte peu importe le patrimoine dont elles disposent, si elles en disposent.
Ainsi, après calcul de la "valeur nette de leur patrimoine et de leurs engagements", les cautionnements souscrits ont été jugés comme manifestement disproportionnés et le tribunal de commerce de Versailles a épargné le gérant et son épouse de tout paiement envers la Banque Populaire Rives de Paris.
Au contraire, le gérant et son épouse ont obtenu du tribunal de commerce de Versailles qu’il condamne la Banque Populaire Rives de Paris à leur rembourser une partie des honoraires acquittés.
Pour conclure, il convient de garder en mémoire que :
- lorsque les cautionnements bancaires représentent plus de 4 fois le montant des revenus annuels de la caution ou que la charge mensuelle de remboursement de la dette envers la banque est supérieure à 33% des revenus mensuels de la caution, cette dernière peut obtenir l'annulation de son engagement en raison de son caractère disproportionné ;
- le montant de tous les crédits à la charge de la caution sont pris en compte pour le calcul de son endettement.
En tant qu'avocat expérimenté en cautionnement bancaire, je vous propose d'analyser l'éventuelle disproportion de vos engagements bancaires et, le cas échéant, de les faire annuler.
NB : Afin d'approfondir le sujet des moyens de défense dont disposent les cautions poursuivies en paiement par la banque, je vous invite à lire mon article publié ICI.
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Anthony Bem
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