Le recours contre les sanctions disciplinaires déguisées dans la fonction publique

Publié le Modifié le 24/06/2015 Vu 66 843 fois 34
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La tentative est grande pour l’autorité administrative de se retrancher derrière l’intérêt du service ou l’exercice de ses prérogatives d’organisation pour prendre des mesures dictées par une intention répressive. Si pendant longtemps, le juge administratif était réticent à s'immiscer dans l'exercice du pouvoir hiérarchique, il s'attache désormais, depuis quelques années, à identifier la nature exacte de la décision de l’autorité administrative et procède, au besoin, à sa requalification.

La tentative est grande pour l’autorité administrative de se retrancher derrière l’intérêt du service

Le recours contre les sanctions disciplinaires déguisées dans la fonction publique

La procédure disciplinaire est souvent réputée lourde et incertaine quant à ses résultats et susceptible de ternir la réputation d'un service.

Elle est comprise par certaines autorités publiques comme un constat d'échec.

En effet, la prise d’une sanction disciplinaire à l’encontre d’un agent administratif est soumise à un certain nombre de conditions.

Concrètement, la sanction disciplinaire prise par l’administration doit être motivée en indiquant les raisons de fait et de droit de la faute commise.

En outre, la jurisprudence requiert que toute mesure prise en considération de la personne respecte les garanties essentielles de la procédure contradictoire.

C'est pourquoi la procédure disciplinaire fait l'objet de fréquentes manœuvres de contournement de la part de l’autorité administrative.

Pour ce faire, l'autorité administrative se retranche derrière l'intérêt du service ou ses prérogatives d’organisation pour dissimuler une décision aux intentions répressives et ainsi échapper à l'emprise des règles du droit disciplinaire.

C’est ce que le droit de la fonction publique désigne comme «sanctions disciplinaires déguisées».

Nous envisagerons ci-après :

  • Les dispositions législatives régissant la sanction disciplinaire déguisée dans le domaine de la fonction publique (I); 

  • La caractérisation de la sanction disciplinaire déguisée dans le domaine de la fonction publique (II)

I. Les dispositions législatives régissant la sanction disciplinaire déguisée dans le domaine de la fonction publique

Les principales dispositions législatives ou réglementaires qui déterminent les sanctions disciplinaires des agents de la fonction publique territoriale sont :

  • Loi 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs en cas de sanctions disciplinaires ;
  • Loi 83-634 du 13 juillet 1983 – article 19 et 29 et 30 – sur les droits et obligations du fonctionnaire ;
  • Loi 84-53 du 26 janvier 1984 – articles 89 à 91 – portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
  • Lettre circulaire 1078 DH/8D du 26 juin 1986 relative à l’inscription de sanctions disciplinaires au dossier du fonctionnaire ;
  • Décret 88-145 du 15 février 1988 – articles 36 et 37 – pris pour l’application de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;
  • Décret 92-1194 du 4 novembre 1992 – article 6 - fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale ;
  • Réponse du Ministère de la fonction publique publiée dans le JO Sénat du 10 février 2011 précisant qu’un agent déféré devant le conseil de discipline a droit au remboursement de ses frais de déplacement ;

II. La caractérisation de la sanction disciplinaire déguisée dans le domaine de la fonction publique

En cas de contentieux, la difficulté pour le juge administratif sera d’identifier les mesures prises pour des motifs disciplinaires et celles décidées dans l’intérêt du service.

A cet égard, le juge cherche à identifier la nature exacte de la décision qui lui est soumise.

Et, pour ce faire, il distingue :

  • les mesures prises dans l'intérêt du service public (a)
  • et les sanctions disciplinaires déguisées (b)
  1. Les mesures prises dans l'intérêt du service public

La jurisprudence considère, en général, qu’il n'y a pas sanction disciplinaire déguisée lorsque la modification est prise dans l'intérêt exclusif du service et ne modifie ni les prérogatives ni les conditions financières de rémunération de l'intéressé. (CAA Marseille 18 janv. 2011, req. n° 08MA01385).

Ainsi, n'est pas une sanction disciplinaire déguisée :

  • la décision de ne pas proposer un agent à une promotion (CE 16 déc. 2009, M. S., req. n° 320911).
  • le refus d’accorder un avancement à un fonctionnaire quand bien même ce dernier remplit les conditions requises pour accéder au grade supérieur (CAA Lyon 13 juin 2006, req. n° 02LY00964).
  • le refus opposé à un avancement au choix fondé sur les appréciations figurant sur la fiche de notation d'un policier municipal et également sur un comportement fautif de ce dernier (CAA Lyon 12 déc. 2006, req. n° 02LY00474)
  • une retenue sur traitement à l'encontre d'un enseignant qui avait refusé d'accomplir une partie de ses obligations de service (CE 17 mars 2010, Ministre de l'éducation nationale, porte-parole du gouvernement c/ Cazals, req. n° 330073).
  • un changement d'affectation justifié par les dissensions que provoque le comportement d'un agent dans le service (CE 21 juin 1968, Barré, req. n° 64584) ou le climat de très grande tension généré par le comportement d'un cadre médical dans le service dont il a la charge (CAA Bordeaux 11 janv. 2011, req. n° 09BX02903).
  1. Les sanctions disciplinaires déguisées

Selon les conclusions de B. Genevois sur l’arrêt du Conseil d’Etat « Spire », « la sanction disciplinaire déguisée se caractérise par la conjonction d’un élément subjectif et d’un élément objectif :

1°) L’élément subjectif est constitué par l’intention de l’auteur de l’acte incriminé d’infliger une sanction, c’est-à-dire de porter une certaine atteinte à la situation professionnelle de l’agent sur la base d’un grief articulé contre lui ;

2°) L’élément d’ordre objectif est relatif aux effets de la mesure incriminée. Il faut qu’elle ait par elle-même les effets d’une sanction disciplinaire, qu’elle porte atteinte à la situation professionnelle de l’agent, c’est-à-dire qu’elle supprime ou limite des droits ou avantages actuels ou virtuels résultant du statut de l’intéressé. Dans le cas des mesures modifiant les attributions d’un agent , vous estimez qu’il y a objectivement un élément comportant une sanction, si la décision entraîne une réduction de la rémunération, la suppression d’un titre constituant un élément de la situation de l’agent, ou si elle a pour objet de porter atteinte au statut de l’agent en le privant par exemple de la totalité des attributions correspondant à son grade. Tel est le cas si un secrétaire de mairie se voit privé de la plupart des attributions inhérentes à son emploi » Concl. sur CE Section 9 juin 1978, Spire Rev. Adm. 1978 p. 631).

Ainsi, la sanction disciplinaire déguisée dans le domaine de la fonction publique est caractérisée dès lors qu’il est établi que l’administration a eu l’intention de sanctionner l’agent et que la décision a porté atteinte à sa situation professionnelle.

A cet égard, est qualifiée de sanction disciplinaire déguisée dans le domaine de la fonction publique :

  • une mesure prise au regard de fautes qui ne sont étayées par aucun élément de preuve (CAA Nancy, 27 janvier 2011, req. n° 10NC00406).
  • la mutation  qui ne poursuit pas l’objectif de bon fonctionnement du service (CAA Bordeaux, 3 avril 1997, « Commune de Port-Vendres »)
  • une mesure entraînant une réduction sensible des responsabilités de l'agent en raison de son comportement, assortie ou non d'une réduction de sa rémunération.
  • les mutations qui ont des conséquences d’ordre pécuniaire pour l’agent si celle-ci a induit une baisse de rémunération du fait d’une baisse de responsabilité. (CAA de Paris du 7 octobre 2003, « M.M.I.X » req. n° 99PA01898).
  • la mesure faisant suite à des plaintes relatives au comportement tant professionnel qu'humain de l'agent et que celui-ci exprime un refus d'obéissance caractérisé et réitéré (CAA Bordeaux 4 avril. 2006, M. Turpin, req. n° 04BX00302).

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

Anthony Bem
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1 Publié par Visiteur
01/12/2018 00:31

Tapez votre texte ici pour ajouter un commentabonjour maître . je trouve cela dégouttant de la part de vos confrères qui sans état d âme , ont me raccroche au nez , ont m insulte , et j en passe .j ai contacter 120 avocats. qui ne veule pas prendre mon affaire pour signifié la partie adverse . sachant que j ai reçu un courrier d une juriste prouvant la condamnation de la partie adverse . maître comment es possible ? je n arrive pas a avoir d avocat soit payant, ou avec l aide juridictionnel , ou même d'office . pas un seule pour me défendre a tort ou a raison . j ai même écrit au bâtonnier avec l aide d une association pour avoir un avocat . le bâtonnier ma choisi une avocate , elle a dit oui qu elle prenez mon dossier . et comme part hazard une semaine après elle m envoie un courrier avec accuser de réception me disant quelle prenez pas la défense de mes intérêts sans motif valable . je l ais contacter plusieurs fois pour quelle me donne des explications , rien a faire elle me raccroche au nez . quand pensé vous maître ? qu'esque cela cache maître ? je n est pourtant pas violé , ni volé , ni mettre de bombe ,ni quoi que ce soit . maître faut que vous me dite pourquoi sil vous plait . aviez vous déjà vue une histoire semblable ? cordialement ire ...

2 Publié par Frandero
28/08/2020 05:07

Bonjour,
Institutrice en reclassement, puis en détachement en 2019/2020 sur un poste administratif, ma demande de détachement pour 2020/2021 a été
refusée: je devrais être de nouveau en reclassement, sans aucune sanction disciplinaire ( c’est plutôt lié à des problèmes de santé: j’ai fait une demande de RQTH récemment auprès de la MDPH) mais, j’estime avoir été très injustement notée cette année scolaire par ma supérieure, donc ma hiérarchie m’a jugée insuffisante professionnellement (j’ai d’ailleurs notifié sur ma feuille d’évaluation que je ne l’approuvais pas - par ailleurs, elle m’avait très bien évaluée précédemment, mais la Principale du collège m’a avoué oralement que du fait de mon parcours professionnel atypique, elle n’avait pas souhaité me garder pour 2020/2021. A-T- ON LE DROIT DE RÉTROGRADER MA RÉMUNÉRATION QUI EN 2019/2020 AVAIT ÉTÉ AUGMENTÉE? Merci pour votre réponse. Cordialement.

3 Publié par CHRISTIAN9000
28/10/2020 11:25

Bonjour Maître,
Je suis fonctionnaire titulaire dans la FPT depuis 20 ans. Je suis reclassé pour raisons médicales depuis 11 ans dans mon service ainsi que la plupart des agents qui y travaillent. Ma direction souhaite me faire changer de service pour raisons médicales en invoquant que les missions ont changé. Ont ils le droit de m'infliger personnellement cette mutation ou bien doivent ils le faire à l'ensemble des agents reclassés de ce service ?
Je suis démuni face à cette situation et espère vivement votre analyse à ce sujet.
Trés respectueusement

4 Publié par CML
21/05/2021 15:19

Bonjour Maître,
Mon épouse, agent administratif de catégorie C, ayant réussi son concours de Rédacteur principal (examen professionel), travaille dans une collectivité en charge de l'animation des personnes âgées. Du jour au lendemain, on lui imposait de remplacer l'agent technique qui livre les repas à domicile "c'est comme ça, tu n'as pas le choix". Sa fiche de poste a été modifiée sans son aval... Suite à cette annonce, mon épouse qui travaille dans la collectivité depuis plus de 20 ans à pris cette décision comme une humiliation et à fait une dépression... arrêt pendant 3 mois.
A son retour, la collectivité n'a pas changé d'avis et lui imposait de faire les remplacements de l'agent technique quant ce dernier était en congés... et cela en plus de ses missions principales.
De plus, elle appris que son nom ne figurait plus sur la liste des agents promouvable au grade supérieur (passage de Cat. C à Cat. B).
Cette état de fait ne constitue-t-il pas une sanction déguisée?
Merci par avance, cher Maître, pour votre éclairage sur ce qui pourrait être envisagé.
Bien cordialement

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