Les conditions du recel successoral et de l’action contre l’héritier receleur

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Le recel successoral est un délit civil constitué par un détournement des biens, des actifs ou des droits d'une succession par un héritier au détriment de ses cohéritiers. Il suppose un élément matériel et un élément intentionnel pour être sanctionné en justice.

Le recel successoral est un délit civil constitué par un détournement des biens, des actifs ou des droits d

Les conditions du recel successoral et de l’action contre l’héritier receleur

Le recel successoral sanctionne les héritiers rendus auteurs, complices ou receleurs de détournements de biens, d’actifs ou de droits successoraux.

Les personnes concernées sont toutes celles appelées à se partager la succession, à savoir :

- les héritiers légaux et le conjoint survivant,

- les légataires universels,

- les légataires à titre universel,

- les successeurs irréguliers,

- les bénéficiaires d'une institution contractuelle.

Les conditions du recel successoral sont doubles, en ce que le recel successoral suppose :

- un élément matériel (1)

- un élément intentionnel (2)

1) L'élément matériel du recel successoral

La jurisprudence considère que le recel successoral est constitué par « toute fraude ayant pour but de rompre l'égalité des partages entre cohéritiers » (Cass. Civ., 23 août 1869).

La manière dont la fraude a été réalisée importe peu et la jurisprudence sanctionne l'emploi de n'importe quel moyen (Cass. Civ., 15 avril 1890)

Les actes de recel susceptibles d’être invoqués ne sont pas fixés de manière limitative par la loi.

S’agissant de la définition du recel, le code civil punit des peines du recel « celui qui, sciemment et de mauvaise foi, se prévaut d'un acte de notoriété inexact » (article 730-5 du Code civil) ou l'héritier qui a « dissimulé l'existence d'un cohéritier » (article 748 du Code civil).

La jurisprudence dresse au gré des affaires, un inventaire des actes susceptibles de constituer le délit de recel successoral.

Au travers des jurisprudences, on peut considérer que le recel successoral sera constitué dès lors que le but de la manœuvre de l’ayant droit successoral aura été de tenter d’accroître indument ses droits dans la succession dont il est l’un des héritiers.

Selon la loi, il est donc susceptible de pouvoir invoquer un recel successoral pour deux grandes catégories distinctes de fraude possibles, à savoir :

- Le cas de l’héritier qui, sciemment et de mauvaise foi, par un fait positif ou une dissimulation, a tenté d’accroître indument ses droits dans la succession (1.1) ;

- Le cas de l’héritier qui, sciemment et de mauvaise foi, se prévaut d'un acte de notoriété inexact ou a dissimulé l'existence d'un cohéritier (1.2).

1.1 - Le cas du recel successoral de l’héritier tendant à accroître indument ses droits dans la succession

Selon la jurisprudence, les cas de fraudes constitutives de recel successoral sont :

- les versements manifestement exagérés à titre de primes de contrats d'assurance en cas de décès (CA Paris, 2e ch. A, 29 septembre 1998) ;

- l'enlèvement de meubles ou leur aliénation à l'insu des autres héritiers (Cass. Civ., 24 novembre 1998) ;

- le défaut de révélation de l'existence de meubles ou d'immeubles (Cass. Civ. I, 16 juillet 1992) ;

- la production d'un faux testament (Cass. Civ., 15 avril 1890) ;

- l'emploi, par un héritier, d'une procuration faite par le défunt pour lui permettre d'avoir accès à son compte bancaire (Cass. Civ. I, 28 juin 2005) ;

- l'exploitation, par un héritier, d'une fraude organisée par le défunt avant son décès afin de défavoriser certains des héritiers à l'avantage d'autres, par le biais notamment de donations déguisées (Cass. Civ. I, 23 mai 1959) ;

- la fabrication d'un faux acte de vente indépendamment du fait que le prix stipulé soit insuffisant ou simulé (Cass. Civ. I, 4 mai 1977) ;

- la dissimulation, par un héritier, de l'existence d'une dette dont il est redevable envers la succession (Cass. Civ.,  23 août 1869) ;

- le silence gardé sur l'existence d'une donation rapportable (Cass. Civ., 21 mars 1894) ;

- le silence gardé sur l'existence d'une donation sujette à réduction lorsqu'elle excède la quotité disponible (Cass. Civ., 14 avril 1897) ;

- le silence gardé sur l'existence d'une donation dont le montant est imputable sur la part à laquelle l'héritier a normalement droit (Cass. Civ., 8 février 1898).

S’agissant des libéralités ou donations, bien qu’il ne soit pas toujours facile de déterminer à l'avance si celle-ci excèdent ou non la quotité disponible, la jurisprudence considère que l'héritier gratifié est tenu de révéler toutes les libéralités qui lui ont été faites, car elles constituent un élément dont on doit tenir compte dans la liquidation de la succession et qui peuvent influer sur la détermination des droits des héritiers (Cass. Civ. I, 19 juillet 1989).

En tout état de cause, il est important de souligner que le fait positif de recel ou la dissimulation de biens successoraux ou d’héritier doit se matérialiser nécessairement après l'ouverture de la succession, c'est-à-dire après le décès du défunt (Cass. Civ. I, 23 mai 1959) et avant la réalisation du partage d’une indivision post-communautaire entre les héritiers (Cass. Civ. I, 17 juin 2003).

1.2 – Le recel successoral par omission d'héritier

Depuis le 1er janvier 2007, le domaine du recel successoral a été étendu à la dissimulation de l'existence d'un cohéritier.

L'omission d'héritier par un autre héritier aura toujours pour but d'enrichir ce dernier.

Cette omission peut intervenir :

- en ne déclarant pas l'existence de tel ou tel successible,

- en omettant de faire intervenir des actes dotés de conséquences successorales,

- du fait de la destruction ou de la dissimulation d'un testament instituant un tiers légataire universel ou à titre universel,

Aussi, la Cour de cassation juge constamment qu’il y a recel successoral en cas d’omission intentionnelle d'un héritier (Cass. Civ. I, 20 septembre 2006).

2° L'élément intentionnel du recel successoral

Tout d’abord, il convient de savoir qu’ilil peut exister des situations dans lesquelles des omissions peuvent être fautives mais ne pas être constitutives de recel successoral.

A cet égard, l’article 892 du code civil dispose que « la simple omission d'un bien indivis donne lieu à un partage complémentaire portant sur ce bien 

Le cas échéant, il faudra alors simplement procéder à un partage complémentaire des biens omis.

Le recel successoral suppose toujours un « dol spécial », à savoir une mauvaise foi ou une intention frauduleuse de l'auteur de la dissimulation.

En effet, les juges ne sanctionnent le recel successoral que si la preuve est rapportée, par ceux qui l'invoquent, que son auteur a eu une intention de frustrer ses cohéritiers (Cass. Civ. I, 4 décembre 1956, Cass. Civ. I, 27 janvier 1987 ; Cass. Civ. I, 19 décembre 1995, Cass. Civ. I., 6 mai 1997 ; Cass. Civ. I, 30 janvier 2001).

Enfin, bien que le recel successoral ne s’applique pas en cas de repentir actif, tel que la restitution des effets recelés ou la cessation de la dissimulation (CA Paris, 2 décembre 1987), c’est à la condition que la restitution ou la révélation soit “spontanée et antérieure aux poursuites” (Cass. Civ. I, 17 janvier 2006), qu'elle intervienne avant que la preuve de la détention par l'héritier ait été administrée (CA Paris, 2 décembre 1987), avant une assignation en recel (CA Bordeaux, 19 octobre 1937) ou pour éviter un redressement fiscal (CA Orléans, 24 janv. 1994).

L’intention est appréciée au cas par cas par les juges selon les situations et les éléments de preuve rapportées aux débats par les parties.

L’intervention d’un avocat spécialisé en droit des successions s’impose notamment à cet égard afin d’aider à constituer ces preuves utiles à la démonstration du recel ou afin de se prémunir contre toute sanction de recel successoral après l’ouverture de la succession.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

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Anthony Bem
Avocat à la Cour
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1 Publié par Visiteur
26/08/2015 03:33

Bonjour Maître;
Je suis la personne résidant en Thaïlande à qui vous avez répondu dans une autre rubrique.
Comme les malheurs n'arrivent jamais seuls, je me retrouve confronté à un autre problème.
Ma mère est décédée, à l'âge de 87 ans au mois de juin, en France, après avoir été admise le 11 juin 2015 en service fin de vie dans un grand hôpital du sud de la France. D'après un courriel de mon frère de 2014 celle-ci était handicapée des jambes et commençait une maladie d'Alzhameir.
Celle ci détenait des biens mobiliers m'appartenant, une retraite issue de mon père semi-fonctionnaire, des biens mobiliers de la famille de mon père décédé en 1990, 50% de la vente de la maison ou mes parents résidaient.
Depuis le décès de ma mère, mon frère m'a envoyé un courriel d'insulte ( je ne lui demandai rien ! Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage) me disant que je n'avais aucun droit du fait de mon expatriation et que lui et sa femme prenait la totalité de l'héritage au titre qu'ils se sont occupés de ma mère dans sa vieillesse.Depuis ce courriel silence absolu...
Mon frère n'a pas eu connaissance de mon état de SDF à Paris et ce pendant 10 ans de 2000 à 2010, et quand je lui ai dit il y a 1 an il ne m'a pas cru.
Je fais miens les mots de Jules Vallès “Familles, je vous hais !”
Y a t il recel, et que puis je faire?

2 Publié par Maitre Anthony Bem
26/08/2015 08:09

Bonjour dom,

Vous avez autant de droits que votre frère dans la succession de votre mère.

S’il s’est servi sur les comptes de votre mère ou des biens indivis après le décès il y a recel successoral.

Le seul moyen de le savoir est de solliciter d’un notaire qu'il procéde à l'inventaire de la succession en vue d’un partage amiable et à défaut d'accord d'engager une procédure judiciaire en compte liquidation partage.

Seul un juge à qualité et compétence pour juger s’il y a eu ou non recel successoral le cas échéant en fonction des preuves et des éléments de faits portés à sa connaissance.

Le recours à un avocat est obligatoire pour cette procédure devant le tribunal de grande instance et le juge territorialement compétent est celui du lieu du dernier domicile du défunt.

Cordialement.

3 Publié par Visiteur
26/08/2015 12:31

le bonsoir Maître,
quel est le cout d'un notaire, quel est le cout d'un avocat pour une affaire comme cela, n'étant pas bien fortuné....
respect

4 Publié par Maitre Anthony Bem
26/08/2015 14:09

Bonjour Dom,

Le cout d'un notaire est fonction des diligences à accomplir et des enjeux financiers.

Les frais sont fixés par décret.

Le cout d'un avocat est fonction de la méthode de facturation libre de chaque avocat au forfait ou au temps passé.

Me concernant, vous disposez en haut de page dans "services" et sur mon site www.cabinetbem.com d'un exemple de modalités et conditions d'intervention.

Cordialement.

5 Publié par Visiteur
09/10/2015 11:32

Bonjour maître,
un héritier à liquider le compte livret A (28000€) de mon pere un mois avant son décès (les médecin l'avait condamné). Preuve à l'appui des virements par internet.Ceci montre aussi qune le défunt n'avait pas l'argent habituel pour survenir à ces besoins quotidiens de tresorerie.
Nous n'étions pas au courant de cette opération.
On nous demande de signer l'acte de notoriété impliquant tous les heritiers et acceptant ainsi actif net successoral et lheritage. Ces 28000 euros on bien était intégré dans l'actif successoral. Mais c'est ils n'y sont pas réellement.
Es ce que nous devons signer l'acte notarié?
Si oui? A quel moment de la procédure nous revendiquons cette sommes?
Si non pour qu'elle raison?
Merci d'avance, Cordialemet.

6 Publié par Maitre Anthony Bem
09/10/2015 12:52

Bonjour Junior,

Vous pouvez signer l'acte notarié car ce document n'a aucune valeur juridique et ne porte aucun effet sur le règlement et le partage de la succession.

La procédure pour revendiquer cette somme peut se faire à tout moment dès lors qu'aucune solution amiable ne permet de liquider amiablement la succession.

Cordialement.

7 Publié par Visiteur
03/11/2015 14:23

bonjour
un partage du contenu de la maison de mes parents a été fait entre certains héritiers .Le notaire ne m'ayant pas convoquée
je me retrouve sans rien.Il décline toute responsabilité dans ce partage.Pourtant aucun inventaire n'a été Fait.Comment faire pour récupérer un équivalent de ma part?est-ce considéré comme un recel?

8 Publié par Maitre Anthony Bem
03/11/2015 14:31

Bonjour sol,

Je vous confirme que le partage du contenu de la maison de vos parents entre certains héritiers peut être considéré comme un recel successoral.

Pour récupérer votre part et celle ayant donné lieu au partage, il vous faut assigner l'ensemble des co-indivisaire devant le tribunal aux fins de liquidation judiciaire de l'indivision.

Cordialement.

9 Publié par Visiteur
09/12/2015 10:44

Bonjour Maître,
J'ai un jugement qui ouvre la succession judiciaire et qui nomme un notaire et un juge pour surveiller les opérations (si j'ai bien compris). Le jugement considère qu'il n'y a pas de recel successoral mais n'a pas bien étudié les pièces et toutes les preuves n'ont pas encore été trouvées ou transmises.
Pouvons-nous continuer d'invoquer le recel auprès du notaire ou du juge désigné ? Pourra-t-il être pris en compte dans le jugement final?
Je vous remercie d'avance.

10 Publié par Visiteur
09/12/2015 10:44

Bonjour Maître,
J'ai un jugement qui ouvre la succession judiciaire et qui nomme un notaire et un juge pour surveiller les opérations (si j'ai bien compris). Le jugement considère qu'il n'y a pas de recel successoral mais n'a pas bien étudié les pièces et toutes les preuves n'ont pas encore été trouvées ou transmises.
Pouvons-nous continuer d'invoquer le recel auprès du notaire ou du juge désigné ? Pourra-t-il être pris en compte dans le jugement final?
Je vous remercie d'avance.

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