La loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 dite de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures constitue une révolution pour le droit des successions en introduisant un article 815-5-1 dans le code civil, qui organise une nouvelle modalité de vente des biens indivis, à la demande des indivisaires représentant les deux tiers des droits indivis, sur autorisation judiciaire.
Conformément aux dispositions de l’article 815-3 du code civil, la vente d’un bien possédé en indivision suppose, comme tout acte de disposition, un accord unanime des indivisaires.
Plusieurs mesures tempèrent, toutefois, le caractère contraignant de cette règle.
Tout d’abord, depuis la loi du 31 décembre 1976 relative à l’indivision, deux textes du code civil prennent formellement en considération l’intérêt commun pour permettre au juge d’autoriser un indivisaire à accomplir un acte subordonné à l’accord de tous :
- l’un visant l’opposition d’un indivisaire mettant en péril l’intérêt commun (art. 815-5 du Code civil) ;
- l’autre relatif à l’urgence que requiert ce même intérêt (art. 815-6 du Code civil).
Puis, la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions a innové avec un second cas d’exception à l’impératif d’unanimité pour la vente de meubles indivis en vue de payer les dettes et charges de l’indivision. Cette vente, et plus généralement la gestion courante des biens indivis, ne nécessite que l’accord d’une majorité représentant deux tiers des droits indivis.
La loi de simplification du droit ajoute une nouvelle exception à la règle de l’unanimité en permettant au juge d’autoriser la vente d’un bien de l’indivision à la demande d’une majorité qualifiée des 2/3 des droits indivis.
En effet, selon les nouvelles dispositions, par exception au principe d’unanimité, l’aliénation d’un bien indivis peut intervenir à l’initiative d’un ou plusieurs indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis.
L’application de la règle majoritaire n’est pas toutefois automatique, les intérêts des minoritaires ne pouvant être négligés. Un rôle important est, à cet égard, assigné au notaire.
Le processus de vente est enclenché par l’affirmation devant ce praticien de la volonté des indivisaires majoritaires de procéder à l’aliénation.
Ce dispositif d’aliénation à la demande d’une majorité qualifiée n’a pas vocation à s’appliquer en cas de :
- démembrement de la propriété du bien ;
- si l’un des indivisaires est présumé absent ou hors d’état de manifester sa volonté par suite d’éloignement ou placé sous un régime de protection juridique.
Afin de garantir les droits des minoritaires, la volonté de la majorité des indivisaires de procéder à l’aliénation d’un bien indivis doit leur être signifiée. Le notaire dispose d’un délai d’un mois après avoir recueilli l’intention d’aliéner pour faire procéder à la signification. Cette formalité conditionne l’opposabilité à la minorité des décisions prises. Elle doit intervenir par acte d’huissier de justice.
Les indivisaires dûment informés ont 3 mois pour se prononcer sur l’aliénation envisagée. Ce délai de réflexion court à compter de la signification faite par le notaire.
Le recours au juge suppose une opposition déclarée à l’aliénation ou une absence de manifestation des minoritaires, celle-ci valant opposition à la vente.
Le notaire constate leur refus ou leur inertie dans un procès-verbal de difficultés à l’issue du délai de 3 mois.
À la demande des indivisaires majoritaires, le Tribunal de Grande Instance est alors convié à se prononcer sur l’aliénation du bien indivis.
Celui-ci se prononce en tenant compte des éléments fournis à l’appui de la demande et des observations des minoritaires et notamment du procès-verbal constatant le conflit entre les indivisaires.
L’aliénation peut être autorisée par le tribunal si elle ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires. La loi ne précisant pas le critère d’appréciation de cette atteinte excessive, il appartiendra à la jurisprudence de le définir.
Cependant, divers moyens et recours pourraient permettre aux indivisaires récalcitrants de s'opposer à la demande.
Ils pourraient ainsi solliciter un sursis au partage, le maintien dans l'indivision, ou le bénéfice de l'attribution préférentielle.
Mais en dehors de ces recours, les indivisaires récalcitrants pourraient démontrer :
- que l'aliénation du bien indivis porterait atteinte à leurs droits. Cette atteinte peut être d'ordre matériel (préjudice financier par exemple) mais également d'ordre moral. Ainsi le tribunal pourrait refuser d'autoriser la vente, « par exemple d'une maison de famille, si le préjudice moral causé aux indivisaires qui s'y opposent, alors qu'ils contribuent régulièrement à son entretien, était trop important » ;
- l'atteinte aux droits des indivisaires est « excessive ».
On voit d'emblée que le caractère vague des critères d'appréciation posés par la loi offre aux indivisaires qui s'opposent à la vente un immense champ de contestation et leur permet donc du même coup de faire traîner en longueur la procédure en exerçant des voies de recours.
Enfin, l’aliénation s’effectue dans la forme des licitations, c’est-à-dire par adjudication devant le tribunal ou un notaire, mais elle ne vaut pas partage.
Les sommes qui en sont retirées, reviennent dans la masse indivise et peuvent servir à l’apurement du passif.
Toutefois, le remploi des fonds indivis est exclu. Cette solution s’impose puisque l’objectif de la vente vise précisément à permettre à des indivisaires de sortir de l’indivision.
L’aliénation qui intervient dans les conditions fixées par l’autorisation de justice est opposable aux indivisaires dont le consentement a fait défaut.
Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).
Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
01 40 26 25 01
abem@cabinetbem.com