l'appréciation erronée de la valeur d'une entreprise et le dol

Publié le 21/05/2016 Vu 8 674 fois 0
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Récemment, l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats a expressément consacré le dol par réticence comme vice du consentement et le fait que, lorsqu’il revêt un caractère déterminant, il est une cause de nullité relative du contrat (V., C. civ., art. 1131 et 1137, al. 2 nouv.).

Récemment, l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats a expressé

l'appréciation erronée de la valeur d'une entreprise et le dol

Récemment, l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats a expressément consacré le dol par réticence comme vice du consentement et le fait que, lorsqu’il revêt un caractère déterminant, il est une cause de nullité relative du contrat (V., C. civ., art. 1131 et 1137, al. 2 nouv.).

C'est-à-dire que selon l'article 1109 du Code civil, quand un contrat est passé et qu'un consentement n'a été "donné que par erreur, ou s’il a été surpris par dol ou extorqué par violence", le consentement n'est pas valable et peut justifier une demande d'annulation de la convention.

La dissimulation d'information, notamment avoir donné une mauvaise valeur d'une entreprise, est-elle constitutive d'un dol pouvant justifier une demande en annulation de la convention ?

Cet article a pour objet de rappeler les conditions d’existence d'un dol en cas de dissimulation d'information (I) avant d’étudier les sanctions possibles (II).

I. L'existence d'un dol en cas de dissimulation d'information

L'article 1116 du Code civil prévoit que : "Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas, et doit être prouvé."

Ainsi le dol est une cause de nullité d'un contrat quand une partie a pratiqué des manœuvres ayant conduit l'autre partie à contracter indûment. Si l'autre partie avait eu connaissance de la vérité des faits, elle n'aurait peut être pas contracté ou bien aurait contracté mais dans des conditions différentes. Le dol implique une erreur qui trouve sa source dans la volonté de tromper le cocontractant.

Un dol peut être commis par l'une des parties ou par son représentant, gérant d'affaires, préposé ou porte fort.

De plus la jurisprudence de la Cour de cassation a depuis longtemps élargi la notion de dol à celle de réticence dolosive, dans un arrêt du 15 janvier 1971 (Cass. Civ 3., 15 janvier 1971, n°69-12180): "le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter"

La réticence dolosive est une violation de la bonne foi et de la loyauté, et se rattache à l'obligation précontractuelle d'information qui pèse sur les vendeurs.

Donc le silence d'une partie pour dissimuler un fait, qui aurait pu faire changer d'avis le cocontractant dans son consentement, est constitutif d'un dol. Et même si l'erreur provoquée par le dol ne porte pas sur la substance de la chose qui fait l'objet du contrat (pour en savoir plus sur la notion de substance: http://www.legavox.fr/blog/maitre-joan-dray/erreur-droit-contrats-8554.htm#.Vz8dQ5GyOko), elle peut être prise en considération à condition qu'elle ait déterminé le consentement du cocontractant ( Solution posée par l'arrêt Cass. Civ 3., 2 octobre 1974, n°73-11901)

Dans le cas de la cession de parts d'une entreprise, il nécessaire que le cédant donne une valeur de l'entreprise. La valeur d'une société est une prix basé sur le résultat de la confrontation entre l'offre et la demande et de la négociation entre les parties.

Dans un arrêt récent, la chambre commerciale de la Cour de cassation :qu'en " donnant une image trompeuse des résultats de la société dont les titres sont cédés, commis une réticence dolosive déterminante du consentement des cessionnaires, qui entraîne la nullité de la cession." ( Cass. Com., 30 mars 2016, FS-P+B, n° 14-11.684)

En l'espèce, les cédants de part d'une société avait "donné une image trompeuse des résultats atteints par la société cédée au cours des mois ayant précédé la cession, et qu’ils avaient dissimulé à la société NUMP les informations qu’ils détenaient sur l’effondrement prévisible du chiffre d’affaires réalisé avec au moins deux des principaux clients de l’entreprise"

Ces éléments étaient déterminants pour le cessionnaire des parts de l'entreprise car la valeur de l'entreprise avait été faussé. Cette solution avait déjà été posé en 2003 où il y avait eu la dissimulations des désordres affectant un local commercial, c'est-à-dire des nuisances. (Cass. Com. 28 janv. 2003, n° 99-11.765)

Attention: le cessionnaire ou cocontractant victime d'une dissimulation ne doit pas avoir été négligent en omettant de se renseigner sur la situation de l'entreprise par exemple.

A contrario, le silence de l'acheteur sur la valeur véritable de la chose ne peut être constitutif d'une réticence dolosive, car l'acheteur n'est pas soumis à une obligation d'information (Cass. Civ 1. 3 mai 2000, n° 98-20.817)

Pour rappel: Le dol qui provoque une erreur la rend toujours excusable, c'est-à-dire une représentation inexacte de l’objet de l’obligation à défaut de laquelle la personne dont le consentement est vicié n’aurait pas contracté. (Cass. Civ 3., 21 février 2001, n° 98-20.817)

Cependant, toutes les erreurs ne sont pas des causes de nullité à défaut l’erreur serait une source d’insécurité juridique. L’erreur n’est une cause de nullité que si elle est excusable, selon in appréciation in concreto (Cass. Soc. 3 juillet 1990 D1991, 507). Cela suppose que le cocontractant n’est pas manqué à son devoir de se renseigner.

II. Les effets d'une erreur sur la valeur d'une entreprise lors d'une cession

Il existe deux types de sanctions d'un dol, si une des parties a notamment volontairement dissimulé et erroné des informations contrairement à ses obligations.

L'action en nullité ou en rescision (Article 1117 du code civil) permet de demander la nullité pour vice de consentement d'une des parties comme le prévoit l'article 1109 du code civil. La nullité encourue est la nullité relative ce qui signifie que seule la personne que la loi a entendu protéger peut intenter l'action en nullité relative et se prescrit au bout de cinq ans.

L’action en responsabilité délictuelle permet à la victime de ne pas demander l'annulation du contrat mais seulement la réparation du préjudice qu'elle a subi, car le dol est une faute sanctionnée par des dommages et intérêts.

La réparation d’une faute commise par le cocontractant avant la conclusion du contrat (article 1382  du code civil) est également possible à condition de prouver: le manquement à l'obligation d’information est suffisant, car la simple preuve de l’erreur n'est pas suffisant contrairement au dol.

Le cocontractant dont le consentement est vicié n'a pas d'obligation à demander la nullité.

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Joan DRAY

Avocat à la Cour

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