La juridiction ayant procédé à l'ouverture d'une procédure collective est seule compétente pour statuer sur l'action en comblement de passif intentée à l'encontre d'un de ses dirigeants.
Il s’agit du cas où la situation de la société est gravement compromise à cause de fautes de gestion ayant contribuées à l'insuffisance d'actif. C’est pourquoi la faute de gestion va entrainer la mise en cause de la responsabilité du dirigeant au titre du comblement de passif.
Des conditions cumulatives doivent donc être réunies:
- l'existence d'une insuffisance d'actif ;
- une faute de gestion ;
- un lien de causalité entre la faute et l'insuffisance d'actif.
Seules des fautes de gestion antérieures au jugement d'ouverture peuvent être prises en compte.
Un arrêt de la chambre commerciale rendue le 16 avril 1996 a précisé que « toute faute, même légère, toute imprudence ou négligence imputable au dirigeant poursuivi peut entraîner la mise en cause de la responsabilité de ce dernier »
- La faute de gestion
Les fautes de gestion, qui ne font l'objet d'aucune définition légale, sont appréciées au cas par cas par les tribunaux.
Le juge peut décider que le montant de l'insuffisance d'actif sera supportée, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion.
L’incompétence et l’absence de décision peuvent constituer des fautes de gestion.
De même que le retard avec lequel le gérant ou le président du Conseil d’administration a déclaré la cessation des paiements peut être constitutif d’une faute de gestion.
Une faute lourde n’est pas requise.
Voici quelques exemples retenus par la jurisprudence :
-Ont été condamnés les dirigeants d'une société qui avaient fait acquérir par celle-ci des actifs sans aucune utilité pour l'entreprise, ce qui s'était révélé fatal pour l'équilibre de la société (Cass. com. 8 janvier 2002
- le gérant d'une SARL qui a commis une imprudence en finançant sur la trésorerie de l'entreprise des travaux dans un local dont celle-ci n'était pas propriétaire et pour un montant sans proportion avec la situation financière de la société, dans l'espoir d'un prêt bancaire qui, finalement, ne lui a pas été accordé (Cass. com. 13 novembre 1990)
- le dirigeant d'une société qui a déclaré tardivement la cessation des paiements et a poursuivi une activité déficitaire dans un intérêt personnel, puisqu'il s'était porté caution de la société et avait donc intérêt à ne pas être mis en demeure de respecter son engagement (CA Paris 13 octobre 1995).
Le dirigeant doit donc prendre la précaution de déposer dans les délais (45 jours) une déclaration de cessation de paiement.
Les efforts déployés par le dirigeant pour tenter de sauver la société peuvent être pris en compte par le juge soit pour justifier l'absence de sanction, soit pour en limiter le montant ou la durée. Peuvent ainsi être retenus, le fait que le dirigeant ait collaboré sans réserve avec les organes de la procédure (CA Versailles 28 janvier 1999), ait effectué des démarches auprès des organismes publics, ou le fait qu'il ait apporté toute l'activité et la diligence humaines possibles pour tenter de redresser la situation.
- L’insuffisance d’actif
C’est le juge qui apprécie son existence. Il s’agit du cas où le passif antérieur externe est supérieur à l’actif existant au moment où le juge statue.
Selon un arrêt du 30 janvier 1990, il n’a pas à être précisément chiffré si le déséquilibre entre passif antérieur et actif était certain lors de la décision.
La cour de cassation précise le 27 juin 2006 que la condamnation ne peut excéder l’insuffisance d’actif, il est indispensable de déterminer celle-ci, et cette évaluation doit se faire « au jour où le juge statue ».
L'action en comblement de passif est donc une action en responsabilité.
L’arrêt du 2 juin 1987 précise que la faute doit être antérieure au jugement d’ouverture, que les créances doivent l’être aussi. Il n’y a donc pas lieu de tenir compte dans la détermination de l’insuffisance d’actif les dettes postérieures du débiteur.
- Le lien de causalité entre la faute de gestion et l’insuffisance d’actif
Un dirigeant ne peut être condamné au comblement du passif que si est démontré un lien de causalité entre la faute de gestion qui lui est reprochée et l'insuffisance d'actif.
L’arrêt du 21 juin 2005 va plus loin et estime que « le dirigeant d’une personne morale peut être déclaré responsable, sur le fondement de l’article L624-3 du Code de commerce, même si la faute de gestion qu’il a commise n’est que l’une des causes de l’insuffisance de l’actif et peut être condamné à supporter en totalité ou partie les dettes sociales même si sa faute n’est à l’origine que d’une partie d’entre elles ».
Dans un arrêt du 22 juin 2010, la Cour de Cassation a jugé que le gérant d'une société en liquidation judiciaire qui avait tenu une comptabilité irrégulière notamment au cours de l'année ayant précédé l'ouverture de la procédure collective a été condamné à supporter une partie de l'insuffisance d'actif.
Il a été jugé que sa faute était en lien avec l'insuffisance d'actif dès lors qu'elle avait privé la société d'un outil de gestion qui aurait permis au gérant de connaître son absence de rentabilité et la nécessité de procéder à la déclaration de la cessation des paiements afin d'éviter une poursuite d'activité préjudiciable aux créanciers.( Cass. com. 22 juin 2010 n° 09-14.214 (n° 701 F-D), Carapeto c/ Canet ès qual.)
Aucune condamnation ne peut être prononcée si le lien de causalité fait défaut.
Il faut savoir que les sanctions à l’encontre du dirigeant peuvent se cumuler :
-faillite personnelle,
-interdiction de gérer etc..
Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements complémentaires.
Maître Joan DRAY
joanadray@gmail.com