Dans le cadre d’un bail commercial, la clause résolutoire permet au bailleur de résilier automatiquement le contrat en cas de manquement du locataire à ses obligations (comme le non-paiement des loyers).
En présence d'un défaut de paiement de sommes dues en vertu d'un contrat de bail commercial ou de tout autre manquement, de quelque nature que ce soit, aux dispositions contractuelles, le bailleur dispose de plusieurs mécanismes légaux afin de préserver ses droits.
Dès lors que la convention locative comporte une clause résolutoire , le bailleur peut privilégier la mise en œuvre de celle-ci, au visa des dispositions de l'article L. 145-41 du Code de commerce,.
En matière de clause résolutoire , les effets de ladite clause ne peuvent faire l'objet d'aucune mesure d'exécution tant que le juge n'a pas constaté son acquisition
Cependant, la loi offre au locataire la possibilité de demander au juge des délais de grâce, ce qui suspend temporairement les effets de cette clause.
Þ Suspension de la clause résolutoire : cadre légal
Selon l’article L. 145-41 du Code de commerce, une clause résolutoire ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Cet article dispose en outre que le juge peut accorder des délais au locataire pour régulariser sa situation, et suspendre ainsi les effets de la clause résolutoire.
Cette suspension est possible tant que la résiliation du bail n’a pas été constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. Ainsi, le locataire peut solliciter des délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire tant que la résiliation n’est pas définitivement acquise.
Þ Procédure pour solliciter des délais de grâce
Aux termes du second alinéa de l’article L. 145-41 du code de commerce, le locataire commercial peut toutefois saisir le juge d’une demande de délais de grâce, présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil (anciennement les articles 1244-1 à 1244-3 du même code) afin d’obtenir un délai supplémentaire pour verser le loyer impayé ou communiquer l’attestation d’assurance et ne pas encourir la sanction couperet que constituerait pour lui la résolution du bail commercial.
Selon les dispositions de l'article L. 145-41 du Code de commerce, « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit de celui-ci ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux ».
Le second alinéa dudit article dispose « que les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du Code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge ».
L'article 1343-5 du Code civil dispose quant à lui que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de 2 années, le paiement des sommes dues, outre diverses dispositions concernant les intérêts applicables sur les sommes considérées et les modalités d'encadrement dudit échéancier.
Il convient de préciser que le locataire , qui n’a pas saisi le bailleur dans le délai de un mois , peut toujours , demander au juge des délais de grâce rétroactifs.
La Cour de cassation admet que le juge saisi accorde des délais rétroactifs après l’expiration du délai d’un mois et donc après l’acquisition de la clause résolutoire.
1. Commandement de payer : Le bailleur doit délivrer au locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire. Le locataire dispose alors d’un délai d’un mois pour régulariser sa situation.
2. Demande judiciaire : Si le locataire ne peut pas régulariser dans ce délai, il peut saisir le juge pour demander des délais de paiement supplémentaires et la suspension des effets de la clause résolutoire. Cette demande peut être formulée devant le juge des référés ou dans le cadre d’une procédure au fond.
3. Appréciation du juge : Le juge évalue la demande en fonction de la bonne foi du locataire et de sa capacité à régulariser sa situation dans les délais sollicités. Il peut accorder un délai pouvant aller jusqu’à deux ans.
Dans quels cas le locataire peut obtenir des délais de grâce ?
Certains considèrent que les délais de grâce ne s’appliquent qu'en cas de résiliation du bail pour non-paiement des loyers et/ou des charges.
S’agissant du périmètre de l'article L. 145-41 du Code de commerce, il concernait initialement uniquement le défaut de paiement des loyers aux échéances convenues (D. n° 53-960, 30 sept. 1953, art. 25).
Tout autre manquement était exclu par la jurisprudence .
La jurisprudence a renforcé l'étendue de l'article L. 145-41 du Code de commerce en retenant qu'il s'applique quel que soit le manquement commis par les parties au bail commercial.
Dans un arrêt récent , le bailleur avait considéré que sa locataire ne pouvait se prévaloir des délais de grâce puisque le commandement de délivrer visait l'obligation de reprendre l'activité, et donc une obligation de faire, et non une obligation de payer une quelconque dette locative.
La question posée à la Haute Juridiction était ainsi de savoir si le bénéfice de la clause résolutoire peut être acquis par tout manquement à ses obligations commis par le locataire. En visant l'article L. 145-41, alinéa 2, du Code de commerce, elle répond par la positive : «
La Haute Cour n’a pas suivi le raisonnement du bailleur et a considéré ainsi qu'il résulte de l'article L. 145-41, alinéa 2, du Code de commerce que la suspension des effets d'une clause résolutoire peut être décidée par le juge, quelle que soit la nature des manquements reprochés au locataire.
Par un arrêt du 6 février 2025, la troisième chambre civile de la Cour de cassation rappelle le périmètre de la suspension de la réalisation et les effets de la clause de résolutoire insérée dans un bail commercial , prévue à l'article L. 145-41 du Code de commerce.
La Cour de cassation réaffirme le principe selon lequel des délais de grâce sont susceptibles d'être accordés au preneur, au visa des dispositions de l'article L. 145-41, alinéa 2, du Code de commerce et corrélativement la suspension de la clause résolutoire du bail, quelle que soit la nature de l'infraction commise, qu'il s'agisse d'un manquement à une obligation de payer ou à une obligation de faire.
Cass. 3e civ., 6 févr. 2025, n° 23-18.360 : JurisData n° 2025-001028
Cette décision revêt un caractère important car il permet au locataire d’obtenir du juge, qu’il lui accorde des délais de grâce , et ce quelle que soit la nature des manquements reprochés et pas seulement , lorsqu’il doit des loyers et charges impayés.
Þ Effets de la suspension
· Protection du locataire : Pendant la période accordée par le juge, la clause résolutoire est suspendue. Le bailleur ne peut pas résilier le bail ni engager de procédure d’expulsion.
· Obligations du locataire : Le locataire doit respecter strictement l’échéancier fixé par le juge. En cas de non-respect, la clause résolutoire retrouve son plein effet, et le bail peut être résilié.
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