L' assurance vie est un contrat de couverture de risques.
Le contrat d’assurance vie peut être défini comme le contrat par lequel « l’assureur » s’engage :
· en contrepartie du paiement d’une ou plusieurs primes ou cotisations versées par le « souscripteur »,
· à verser un capital ou une rente à une personne déterminée, « le bénéficiaire », en cas soit de décès, soit de vie de « l’assuré » à une époque déterminée (« l’assuré » est la personne sur laquelle repose le risque de décès ou de survie)
L'assureur, en consentant au contrat qui couvre le risque de décès, a accepté par avance de verser, à la mort de l'assuré, le montant de la garantie à la - ou les - personnes désignées pour le bénéficiaire.
La clause bénéficiaire désigne la ou les personnes qui recevront le capital ou la rente garantis en cas de décès de l’assuré.
L’assuré dispose d’une grande liberté dans la désignation du bénéficiaire, sous réserve du respect de certaines conditions de forme.
Cet article rappellera le formalisme de la clause bénéficiaire ( I) et le revirement de jurisprudence de la Cour de cassation qui consacre la possibilité de substituer le bénéficiaire , sans informer l’assureur. ( II)
I/ Le formalisme de la clause bénéficiaire
Si aucun bénéficiaire n’a été désigné, le capital ou la rente garantis font partie du patrimoine ou de la succession du contractant (C. ass. art. L 132-11).
Si un bénéficiaire est désigné, le capital ou la rente versés ne font pas partie de la succession de l'assuré (C. ass. art. L 132-12) et, sauf exception, ils ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant (C. ass. art. L 132-13).
L'article L. 132-9-1 du Code des assurances disposant que « la clause bénéficiaire peut faire l'objet d'un acte sous seing privé ou d'un acte authentique ».
L'article L. 132-8, alinéa 6, du même code dispose quant à lui que :
en l'absence de désignation d'un bénéficiaire dans la police ou à défaut d'acceptation par le bénéficiaire, le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre. Cette désignation ou cette substitution ne peut être opérée, à peine de nullité, qu'avec l'accord de l'assuré, lorsque celui-ci n'est pas le contractant. Cette désignation ou cette substitution peut être réalisée soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire.
Ce texte ne vise donc que trois formes possibles de désignation des bénéficiaires .
Le contractant dispose d'un large choix du support d'expression de la volonté puisque, en droit, la désignation ou la substitution peut être réalisée soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du Code civil, soit par voie testamentaire(C. assur., art. L. 132-8).
La clause peut être rédigée de différentes manières :
ü Dans le contrat d’assurance lui-même
La clause est insérée directement dans le corps du contrat au moment de sa souscription.
ü Par avenant au contrat
La clause peut être modifiée ultérieurement par avenant signé entre l’assureur et le souscripteur.
ü Par acte séparé
La désignation peut aussi être faite par acte sous seing privé ou acte notarié, et notifiée à l’assureur.
Il est toutefois admis en jurisprudence depuis de nombreuses années que la liste visée par l'article L. 132-8 du Code des assurances n'est pas limitative
Aucune règle de forme n'est donc applicable dès lors que la volonté du souscripteur est certaine et non équivoque. En conséquence, l'envoi à l'assureur de lettres-types non signées par le souscripteur ne peut pas opérer de substitution de bénéficiaires (Cass. 2e civ., 26 nov. 2020, n° 18-22.563 : JurisData n° 2020-019384
En outre, aucun parallélisme des formes n'existe ici, de sorte qu'une désignation opérée par testament authentique peut être modifiée par la voie d'un avenant (Cass. 1re civ., 3 avr. 2019, n° 18-14.640 )
II. La Cour de cassation précise que le changement de bénéficiaire peut s’opérer , sans informer l’assureur.
La Cour de Cassation a jugé pendant longtemps que la validité de la substitution de bénéficiaire est subordonnée à l'information de l'assureur avant le décès de l'assuré, sauf dans le cas où la cette substitution avait pris la forme d'un testament.(t Cass. 2e civ., 10 mars 2022, n° 20-19.655 : JurisData n° 2022-003329 ; JCP G 2022, act. 377)
Pourtant , aucun texte du Code des assurances ne subordonne la validité du changement de clause bénéficiaire à sa communication à la compagnie, ce que la Cour de cassation rappelle dans l'arrêt .
En outre, l'assureur ne dispose d'aucun moyen pour s'opposer à cette substitution. Simplement, lorsque, comme en l'espèce, il paie les capitaux-décès sans avoir été informé du changement de bénéficiaire, ce paiement est libératoire dès lors qu'il est de bonne foi (C. assur., art. L. 132-25).
Cette disposition a donc pour objet de protéger l'assureur qui n'aurait pas été informé de la modification des bénéficiaires.
Þ ARRET DE LA COUR DE CASSATION
L'arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le 3 avril 2025 (Cass. 2e civ., 3 avr. 2025, n° 23-13.803, publié au Bulletin : JCP G 2025, act. 463), est un arrêt important, qui opère un revirement de jurisprudence.
Dans cette affaire, l'assureur avait versé la totalité des fonds au bénéficiaire désigné , puis ignorant les nouveaux bénéficiaires, fut contraint de demander judiciairement au bénéficiaire initial , le remboursement des sommes indûment perçues.
L'assureur invoqua son erreur sur l'identité du bénéficiaire, pour obtenir remboursement des sommes, restitution à laquelle se refusa le bénéficiaire initial.
La CNP assurance , venant aux droits de l'assureur à la suite de son absorption, l'assigna alors en remboursement, prétendant que les garanties avaient été indûment perçues.
Pour la cour d'appel en effet, la substitution de bénéficiaires est privée d'effet car l'écrit du souscripteur, qui avait formalisé sa volonté, ne fut envoyé à l'assureur qu'après son décès. Celui-ci n'en a donc pas eu connaissance du vivant de l'assuré, alors que cet écrit n'était pas qualifié de testament olographe. L'assureur était donc bien tenu de verser la garantie entre les mains de Madame X.
L'arrêt est annulé par la Cour de cassation, selon laquelle « la substitution du bénéficiaire d'un contrat d' assurance sur la vie , qui n'est subordonnée à aucune règle de forme, suppose seulement, pour sa validité, que la volonté du contractant soit exprimée d'une manière certaine et non équivoque, condition appréciée souverainement par les juges du fond ».
La Cour de cassation rappelle, au visa de l'article L. 132-8 du Code des assurances, que le formalisme de la clause bénéficiaire est libre.
Deux enseignements de cet arrêt important :
-La connaissance par l'assureur n'est pas une condition de validité de la modification du bénéficiaire.
-Cette modification est valable dès lors que le souscripteur a exprimé une volonté certaine et non équivoque.
Elle procède également à un revirement de jurisprudence en considérant que l'information de l'assureur du vivant de l'assuré n'est pas une condition de validité du changement de clause bénéficiaire, même lorsque celle-ci n'est pas comprise dans un testament. Cass. 2e civ., 3 avr. 2025, n° 23-13.803 : JurisData n° 2025-003889
La substitution du bénéficiaire d'un contrat d' assurance sur la vie , qui n'est subordonnée à aucune règle de forme, suppose seulement, pour sa validité, que la volonté du contractant soit exprimée d'une manière certaine et non équivoque, condition appréciée souverainement par les juges du fond.
Il convient de préciser que l’information de l’assureur est une simple « condition d'opposabilité de cette modification à l'assureur » .
La désignation des bénéficiaires demeure un acte unilatéral, n'exigeant pas le consentement de l'assureur.
En définitive, le formalisme étant libre, seule compte la volonté certaine et non équivoque du souscripteur.
La Cour de cassation considère que la volonté du souscripteur est de nouveau l'unique critère de validité de la modification d'une clause bénéficiaire
« Il se déduit de ce qui précède que la connaissance de cette volonté par l'assureur ne peut pas conditionner la validité de la substitution de bénéficiaire opérée par le contractant.
En conséquence, la jurisprudence rappelée au point 11 [les arrêts du 13 juin 2019 et 10 mars 2022] ne peut être maintenue et il convient de juger désormais que la substitution du bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie, qui n'est subordonnée à aucune règle de forme, suppose seulement, pour sa validité, que la volonté du contractant soit exprimée d'une manière certaine et non équivoque, condition appréciée souverainement par les juges du fond. »
La Cour de Cassation précise que selon les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 132-8 du Code des assurances, l'assureur, lorsqu'il est informé du décès de l'assuré, est « tenu de rechercher le bénéficiaire, et, si cette recherche aboutit, de l'aviser de la stipulation effectuée à son profit.
Ainsi, il est vivement recommandé indispensable d'informer l'assureur du changement de bénéficiaire, afin d'éviter toute difficulté quant au règlement des capitaux-décès.
La cabinet intervient en cas de contestation ou défense de la clause bénéficiaire : clause absente, imprécise, ambiguë, ou contestée par les héritiers ou d’autres tiers.
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