UNE COUR D’APPEL NE PEUT PAS DÉSIGNER L’EXPERT CHARGÉ DE L’ÉVALUATION DES PARTS

Publié le Modifié le 23/01/2015 Vu 3 640 fois 0
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Suivant un arrêt du 24 juin 2014, la Cour de Cassation réserve exclusivement au président du tribunal, par voie de référé, le pouvoir de désigner un expert chargé de l'évaluation des parts d'une SCP d'avocats. Cette décision s’inscrit dans un riche actualité jurisprudentielle concernant la fixation judiciaire du prix des parts d’une SCP.

Suivant un arrêt du 24 juin 2014, la Cour de Cassation réserve exclusivement au président du tribunal, par

UNE COUR D’APPEL NE PEUT PAS DÉSIGNER L’EXPERT CHARGÉ DE L’ÉVALUATION DES PARTS

Suivant un arrêt en date du 24 juin 2014, la Cour de Cassation réserve exclusivement au président du tribunal, par voie de référé, le pouvoir de désigner un expert chargé de l'évaluation des parts d'une SCP d'avocats.

Cette décision s’inscrit dans une riche actualité jurisprudentielle concernant la fixation judiciaire du prix des parts d’une SCP.

La société civile professionnelle (SCP), est un groupement social formé entre des personnes exerçant une même profession, parmi celles listées par décret, telles que les avocats, les notaires, les huissiers de justice, les médecins, ou encore les architectes.

Régis par les dispositions générales des articles 1832 et suivants du Code civil, les SCP ont un statut rigide, qui laisse peu de place à la volonté des associés.

I – La cession des parts d’une société civile professionnelle

La cession des parts à l'initiative de l'associé :

Les conditions de forme :

Au plan formel, l'article 1865 du Code civil requiert que la cession de parts prenne la forme d'un écrit, cependant un acte notarié n'est nécessaire qu'en cas de cession à titre gratuit.

Il existe également des formalités visant à rendre la cession opposable à la société et aux tiers.

Aux termes de l'article 1865, la cession de parts est rendue opposable à la société après signification par voie d'huissier ou acceptation de la cession par la société par acte authentique.

Afin que la cession soit opposable aux tiers, en sus des formalités précédentes, l'acte doit faire l'objet d'une publication au registre du commerce et des sociétés.

Cependant, une décision récente énonce que même en l'absence de cette publicité, une cession peut être opposable à un tiers dès qu'il est démontré qu'il en avait connaissance.

La Cour de Cassation juge qu'une banque ne peut invoquer inopposabilité de la cession, alors que la Cour d'appel : « avait constaté que la cession de parts avait été portée à la connaissance personnelle de la banque par la mention expresse figurant à l'acte de vente ». (Cass. com., 24 sept. 2013, n° 12-24.083, FS-P+B).

Les conditions de fond :

Lorsqu'elle est consentie à un tiers, la cession de parts répond à des règles très strictes prévues par la loi-cadre du 29 novembre 1966.

Dans un premier temps, le projet de cession doit être notifié à la société et à chacun des associés par lettre recommandée ; à compter de ces notifications susvisées, la société va disposer d'un délai de deux mois pour formuler son avis.

Alors, l'article 19 de la loi du du 29 novembre 1966 prévoit que, sauf clause contraire, la décision d'agrément est prise à la majorité des trois quarts des voix.

Cette décision doit être notifiée tant au cédant qu'au cessionnaire dans les mêmes formes que le projet de cession

La Cour de Cassation a énoncé récemment l'impossibilité pour le cessionnaire de se prévaloir de l'irrégularité de l'agrément de la cession envisagée par les associés pour se soustraire aux obligations qu'il avait contractées (Cass. com., 20 mai 2014 ).

L'obligation pour la société d'acquérir ou de faire acquérir les parts de l'associé :

La société est tenue d'une telle obligation lorsque le cessionnaire présenté par l'associé n'a pas été agréé, mais également en cas de retrait volontaire lorsque l'associé renonce à chercher lui-même un acquéreur.

La société dispose généralement d'un délai de six mois pour procéder à la cession ou au rachat (parfois un an en fonction des professions).

En revanche, les textes ne s'étaient pas prononcés sur l'éventualité de l'inexécution de son obligation d'acquisition par la société.

La Cour de Cassation a donc reconnu pour l'associé de contraindre judiciairement la société à s'exécuter, c'est-à-dire à racheter elle-même les parts si elle n'a pas trouvé d'acquéreur (Cass. 1re civ., 7 févr. 2006, n° 03-10.850 et n° 03-11.845, Bataillon c/ Barberon).

Dans le cadre de cette action, un important contentieux est apparu concernant la fixation du prix des parts de l’associé.

II – La fixation du prix des parts d’une SCP

Lorsque l'associé cédant accepte le prix qu'on lui propose, les règles de la cession s’appliquent, que le cessionnaire soit un tiers, un ou plusieurs associés, ou la société elle-même.

En revanche, dès lors que l'associé cédant n'accepte pas le prix proposé, convient de mettre en œuvre la procédure en vue de l'évaluation de ses parts, prévue par l’article 1843-4 du Code civil.

L’article 1843-4 permet la désignation d’un expert chargé de cette évaluation : « soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible ».

L'expert sera chargé d'évaluer les parts, et donc notamment déterminer la valeur de la clientèle qui, bien souvent, est l'élément essentiel du patrimoine social.

Dans un arrêt très commenté du 11 mars 2014, la Cour de Cassation énonce que les dispositions de l’article 1843-4 : « sont sans application à la cession de droits sociaux ou à leur rachat par la société résultant de la mise en œuvre d'une promesse unilatérale de vente librement consentie par un associé » (Cass. com., 11 mars 2014, n° 11-26.915 : JCP E 2014, 1159, note A. Couret).

L'article 37 de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 a repris cette solution et exclut la fixation judiciaire du prix des parts, dès lors que celles-ci ont fait l’objet  d’une cession consensuelle.

Par ailleurs, la Cour de cassation a récemment jugé que dans une affaire où « l'expertise avait été ordonnée par le juge des référés et non par le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référé, il n'entrait pas dans les pouvoirs du juge des référés de fixer le prix des parts sociales litigieuses ».

Cette décision vient rappeler que la désignation de l’expert s'effectue selon une procédure particulière qui donne compétence au président du tribunal statuant « en la forme des référés », procédure qui ne doit pas être confondue avec la procédure de référés (Cass. 1re civ., 9 avr. 2014, n° 12-35.270).

Enfin, l’arrêt de la Cour de Cassation du 24 juin 2014 affirme que l’exclusivité de la compétence du président du tribunal pour la désignation de l'expert s'exprime également vis-à-vis des juges d'appel.

En l’espèce, la Cour d’appel, saisie d'un appel-nullité de la décision du président du tribunal, a évoqué l’affaire et a déclaré la société irrecevable en sa demande de désignation d'un expert.

L’arrêt d’appel est censuré par la chambre commerciale qui estime  que : « en statuant ainsi, alors qu'il appartenait au seul président du tribunal de se prononcer sur la demande formée par la société, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».

Le pouvoir d’évocation reconnu à la Cour d’appel par l’article 562 du Code de procédure civile, qui lui permet de juger l'intégralité des demandes soumises au premier juge, n’est donc pas applicable pour la désignation d’un expert évaluateur des parts sociales.

Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements et contentieux.

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Joan DRAY
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