Il est fréquent que les lots de copropriété fassent l’objet d’une location. Or, les preneurs sont également susceptibles de provoquer des troubles anormaux de voisinage ou d'autres dommages au détriment du syndicat ou de l'un de ses membres.
En vertu de l’autonomie du contrat de location par rapport au régime de la copropriété le copropriétaire bailleur est, en principe, directement responsable des agissements dommageables imputables à son locataire.
En effet, il doit veiller à ce que ce dernier, auquel il n'a pu, par le bail, transmettre plus de droits qu'il n'en possède lui-même pour la jouissance du lot, respecte aussi bien les obligations générales de voisinage que les prescriptions du règlement de copropriété.
Il incombe donc au copropriétaire bailleur de sélectionner ses locataires en s'assurant que leurs activités sont compatibles avec la destination contractuelle des locaux prévue dans le règlement de copropriété (Cass. 3e civ., 3 mars 1999 : JCP G 1999 IV 1762).
Dans cet article, il s’agira de préciser les cas dans lesquels le copropriétaire peut engager sa responsabilité du fait de son locataire puis dans un second temps de rappeler quelques règles concernant le régime de l’action en responsabilité.
I- Les cas de responsabilités du copropriétaire du fait de son locataire :
Tout d’abord, le copropriétaire bailleur est responsable de l'inobservation, par le locataire, des dispositions du règlement de copropriété relatives à l'affectation des lieux.
Quelles que soient les clauses du bail, celui-ci ne saurait aller à l'encontre du règlement.
Dès lors, une utilisation des locaux non conforme à la destination prévue par le règlement en fait rejaillir la responsabilité sur le copropriétaire bailleur (CA Paris, 14 juin 2001 : JurisData n° 2001-151262) ;
Ainsi, le copropriétaire bailleur est de plein droit responsable du dommage causé aux autres copropriétaires et occupants à titre régulier de l'immeuble en copropriété du fait de la violation par le locataire de son lot du règlement de copropriété, comme s'il avait contrevenu personnellement à celui-ci, sauf recours contre le locataire.
Dès lors que l'activité du locataire génératrice du trouble de jouissance est exercée dans son lot, le bailleur en répond.
De même, le copropriétaire bailleur est également responsable de l'inobservation, par le locataire, des obligations générales de voisinage, au même titre que des obligations prévues dans le règlement de copropriété à propos des modalités de jouissance des parties privatives et communes (CA Paris, 14 juin 2001 : JurisData n° 2001-151263).
A titre d’exemples, la responsabilité du copropriétaire a été engagée vis-à-vis du syndic ou des autres copropriétaires à raison des bruits générés par le preneur ou occupant ou par le fonctionnement d'appareils installés par lui dans les lieux loués (CA Paris, 5 mai 1999 : JurisData n°1999-022722 – CA Paris 13 juin 2011 : JuriData n° 2001-146801).
De même, un copropriétaire a été tenu de réparer le préjudice subi par le syndicat du fait de l'exercice d'une activité commerciale interdite par le règlement de copropriété (CA Paris, 12 sept. 2001 : JurisData : n° 2001-152212).
Par ailleurs, étant directement responsable du comportement de son locataire, le copropriétaire a le devoir d’intervenir pour que celui-ci respecte les obligations qui lui incombent.
A défaut, son inaction revêt un caractère fautif, génératrice du préjudice supplémentaire supporté par le syndicat ou l'un de ses membres.
II- L’action en responsabilité :
- Sur la qualité à agir :
Conformément aux règles applicables dans le contentieux de la copropriété, les actions à l'encontre du copropriétaire- bailleur à raison du comportement de son locataire peuvent être engagées soit par le syndicat agissant sur le fondement de l'article 15 de la loi de 1965, soit par un ou des copropriétaires, soit même conjointement par le syndicat et l'un de ses membres (CA Paris, 31 mai 2000 : JurisData n° 2000-118253).
Si le copropriétaire ne fait pas respecter par ses locataires le règlement de copropriété, il engage sa responsabilité contractuelle à l’égard des copropriétaires de l’immeuble et du syndicat de copropriété.
Mais, sa responsabilité devient quasi délictuelle envers les locataires d’autres lots affectés par les troubles provenant du local donné en location.
- Le défendeur :
La personne qui engage l'action en vue de faire cesser les troubles ou dommages provoqués par un locataire et d'obtenir, le cas échéant, une indemnisation, a le choix entre trois solutions.
Tout d’abord, il peut agir directement contre le copropriétaire bailleur.
Sur ce fondement, le copropriétaire peut par exemple être condamné à ne pas laisser poursuivre l’exploitation par le locataire d’un commerce non conforme au règlement de copropriété (Cass 3è civ 18 novembre 1992 Loyers et copr 1993 comm 68).
De même, il peut être condamné à faire cesser l’occupation commerciale des locaux loués prévus à usage d’habitation (CA Paris 23ème ch 30 avril 1990 : JurisData n°1990-023935).
Ensuite, Le syndicat – ou le copropriétaire qui subit un préjudice personnel – peut également agir directement à l'encontre du locataire auteur des dommages ou de la violation du règlement de copropriété qui s'impose pourtant à lui (CA Paris 14 juin 2001 : JurisData n° 2001-151263).
Par exemple, la responsabilité du locataire à l'égard d'un copropriétaire ou d'un autre locataire peut être engagée sur un fondement quasi délictuel en raison des nuisances de son exploitation commerciale (CA Paris 21 novembre 2001 : JurisData n° 2001-15965), ou de travaux sur parties communes sans autorisation (CA Paris 10 janvier 2008 : JurisData n° 2008-351978).
Par ailleurs, en cas de carence du copropriétaire bailleur à mettre fin aux infractions de son locataire au règlement de copropriété, le syndicat est fondé, par l'action oblique, à obtenir la résiliation du bail (CA Paris 22 février 2007 : JurisData n° 2007-330842).
Enfin, le copropriétaire bailleur devant répondre du comportement de son locataire se trouve donc lui-même en faute à l'égard du syndicat ou des autres copropriétaires si le preneur ne respecte pas ses propres obligations vis-à-vis de la collectivité. La responsabilité du préjudice constaté est ainsi partagée, permettant de réclamer la condamnation in solidum du bailleur et du locataire (CA Paris 12 septembre 2001 : JurisData n° 2001-152212).
- Sur la prescription :
Le délai pour agir à l'encontre du copropriétaire bailleur ou de son locataire est de dix ans, conformément à la règle posée par l'article 42, alinéa 1 de la loi de 1965.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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