La société créée de fait est « la situation dans laquelle deux ou plusieurs personnes se sont comportées en fait comme des associés, sans avoir exprimé la volonté de former une société » (G. Ripert et R. Roblot, Traité de droit commercial, t. 1).
Depuis Loi du 4 janvier 1978, la société crée de fait est soumise au même régime que celui de la société de participation (art.1873 du code civil).
Les difficultés pour distinguer la société créée de fait (I-) des autres contrats sont aggravées lorsqu'il s'agit de personnes vivant en commun (II-).
I – Les éléments caractéristiques de la société créée de fait
L'existence d'une société créée de fait suppose que celui qui l'invoque rapporte la preuve de l'ensemble des éléments constitutifs du contrat de société (art. 1832 du Code civil) : des apports réciproques, une intention de s'associer dans une entreprise commune et la volonté de partager les bénéfices et les pertes (CA Colmar, 1re ch. civ., sect. A., 26 juin 2008)
« La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. [...] Les associés s’engagent à contribuer aux pertes » (art.1832 du Code civil).
A/ Les apports
Les apports peuvent être effectués à n'importe quel moment de l'existence de la société créée de fait (Cass. civ., 6 oct. 1965).
Ces apports peuvent être en nature, en numéraire ou en industrie (Cass. com., 8 juin 1971).
Toutefois, l'apport en industrie ne consiste pas en de simples tâches d'exécution matérielle, mais en la participation non seulement aux activités productives de la société, mais aussi à sa direction effective (CA Paris, 9 nov. 1992, no 91.012375).
Autre précision, un prêt ne constitue pas un apport en l'absence de participation aux pertes et aux bénéfices par le prêteur (CA Paris, 28 sept. 1999, no 1997/08912).
B/ La réalisation et le partage des bénéfices ou la réalisation d'un profit
Un groupement qui n'est pas constitué en vue de réaliser des bénéfices ne saurait constituer une société de fait (CA Colmar, 17 avr. 1974).
C/ L’affection societatis
La société créée de fait suppose l'existence d'une affectio societatis.
L’affectio societatis consiste en la volonté de créer et de faire fonctionner une société d'une façon effective et pour compte commun.
La société créée de fait suppose l'existence d'une affectio societatis.
L’affectio societatis consiste en la volonté de créer et de faire fonctionner une société d'une façon effective et pour compte commun.
Ce troisième élément est primordial d’apporter la preuve de cet élément en raison du caractère souvent imprécis des autres éléments car il n'est en effet pas facile de distinguer : apport en industrie et travail subordonné ou participation aux bénéfices et rémunération.
Le tiers pourra se prévaloir de l'existence d'une société créée de fait s'il démontre, de bonne foi, qu'il a été amené à croire à l'existence de la société en raison de l'apparence (Cass. com., 15 nov. 1994).
II – Société créée de fait et époux / concubins
La jurisprudence distingue traditionnellement les sociétés créée de fait entre époux (A/) et les sociétés créées de fait entre concubins (B/).
A/ Société créée de fait et époux
Il y a société de fait entre époux lorsque deux époux ont la volonté de s'associer sur un pied d'égalité pour l'exercice d'une activité commune, ainsi que de contribuer aux bénéfices et aux pertes (Cass. com., 27 févr. 1996, no 94-14.568).
Cette volonté doit être distincte de la mise en commun d'intérêts inhérents au concubinage (Cass. 1re civ., 20 janv. 2010).
L'implication de l'épouse dans l'entreprise de son conjoint, avec lequel elle est mariée sous le régime de la séparation des biens ne peut caractériser l’existence de la société créée de fait, en l'absence de volonté commune des époux de s'associer sur un pied d'égalité (défaut de participation de l'épouse à la responsabilité de la gestion du fonds – Cass. 1re civ., 3 déc. 2008).
B/ Société créée de fait et concubinage
La communauté d'intérêts liant deux concubins ne suffit pas à donner naissance à une société créée de fait, en l'absence d'une intention de mettre en commun tous les produits de l'activité conjointe, et d'en partager les bénéfices ou les pertes.
L'existence d'une société créée de fait entre concubins ne peut être caractérisée uniquement par :
- La participation financière à la réalisation d'un projet (Cass. com., 3 avr. 2012, n° 11-15.671)
- La participation financière à l'édification ou la rénovation de l'immeuble dans lequel vivaient les concubins (Cass. 1re civ., 20 janv. 2010, n° 08-13.200)
- La mise en commun de revenus inhérents à la vie maritale (CA Nîmes, 1re ch., sect. A., 15 avr. 2008)
- La communauté de vie accompagnée d'une participation aux travaux d'une exploitation agricole (Cass. 1re civ., 4 juin 2007)
Pour constituer une société créée de fait, les concubins doivent avoir tacitement conclu et exécuté une convention comportant des apports, un partage de bénéfices et l'affectio societatis (Cass. 1re civ., 11 févr. 1997).
L'intention des concubins de collaborer sur un pied d'égalité à un projet commun doit être établie (Cass. 1re civ., 20 janv. 2010, n° 08-13.200).
Les apports en industrie ne peuvent se ramener à une aide occasionnelle ou à de simples tâches d'exécution matérielle mais doivent constituer une participation à la direction effective de la société (CA Paris, 15 nov. 1993, no 92/4599).
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Joan DRAY
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