Lorsque le débiteur est placé en procédure collective, il arrive qu’il détienne des biens meubles dont il n’est pas propriétaire.
Tel est le cas lorsque le contrat ayant permis à la mise à disposition du bien au débiteur contient une clause réservant la propriété de ce bien jusqu’au complet paiement du prix au vendeur.
Avec une telle clause, le vendeur stipule ainsi une condition suspensive au transfert de propriété.
Dès lors, le cocontractant bénéficiant d’une telle clause et qui n’a pas été payer à la date du jugement d’ouverture alors qu’il a remis le bien a à cette date une double qualité : propriétaire d’un bien meuble détenu par le débiteur créancier antérieur.
La loi du 12 mai 1980 a consacré le principe de l’opposabilité de la clause de réserve de propriété à la masse des créanciers en cas de règlement judicaire ou de liquidations des biens d’acquéreur des marchandises.
Et, ce principe a été repris par les lois de 1985 et de 2005 à  l’article L624-16 al 2, 3 et 4 du Code de commerce.
Dans le cadre d’une procédure collective de son débiteur, le vendeur avec réserve de propriété peut demander la restitution de son bien dès lors que la clause de réserve de propriété a été publiée avant le jugement d’ouverture.
A défaut de publicité, le vendeur devra alors intenter une action en revendication avant d’en obtenir la restitution de son bien.
Cette action en revendication a pour objet de faire reconnaitre son droit de propriété sur le bien.
Cet article a pour objet de rappeler les conditions permettant à un vendeur avec clause de réserve de propriété d’agir en revendication afin de faire valoir ses droits et d’obtenir la restitution de son bien.
1/ Les conditions tenant à la clause de réserve de propriété :
Selon l’art L624-16, pour être efficace, la clause de réserve de propriété doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit intervenu au plus tard au moment de la livraison.
Il en résulte que la clause de réserve de propriété doit faire l’objet d’une stipulation contractuelle : un accord de volonté de la part de l’acheteur et du vendeur.
Dès lors, elle peut être établie par  une acceptation expresse résultant par ex de l’apposition d’une signature, d’un cachet de l’acheteur sur un bon de commande, une confirmation de commande, …
La jurisprudence a même admis que l’acceptation par l’acheteur n’a pas à être écrite et ne requiert pas nécessairement la signature de l’acheteur. Elle peut être donc tacite et découler de l’exécution du contrat par l’acheteur en connaissance de cause.
En plus, l’article L626-16 exige que l’écrit stipulant la clause soit établi au plus tard à la date de livraison du bien objet de la clause.
2/ Les conditions de procédure :
- La condition de délai
Selon l’article L626-9, l’action doit être intentée dans un délai de 3 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture.
A défaut, l’action sera irrecevable et le droit de propriété inopposable à la procédure collective.
- Le respect d’une phase amiable :
Dans le délai de 3 mois, le revendiquant doit envoyer une demander d’acquiescement par LRAR à l’administrateur ou à défaut au débiteur, une copie étant adressé au mandataire judicaire (art R624-13 C com).
L’article L624-17 précise que, l’acquiescement suppose l’accord du débiteur.
En cas d’accord du débiteur et d’acquiescement du mandataire judicaire, la procédure s’arrête là et le revendiquant est en droit d’obtenir la restitution du bien.Â
Si la demande n’aboutit pas, dans un délai d’un mois à compter de sa réception le revendiquant peut engager une phase judicaire devant le juge commissaire.
Il a un mois pour le faire à compter de l’expiration du délai de réponse accordé au mandataire ou au débiteur.
A cet égard, la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 11 juillet 2006 que le juge commissaire ne pouvait accueillir la requête en revendication lorsque le délai dont le mandataire dispose pour répondre à la demande n’est pas encore expirée (Com 11 juillet 2006).
Toutefois, elle a aussi précisé que le juge commissaire pouvait statuer sur cette requête dès lors que cette cause d’irrecevabilité avait disparu à la date où il statue.
3/ Les conditions tenant aux biens revendiqués :
Selon l’art L624-16 « le vendeur de meuble avec CRP ne peut en principe revendiquer que les biens existant en nature chez le débiteur à la date du jugement d’ouverture ».
- L’existence en nature des biens revendiqués :
Il résulte de cette exigence qu’il doit y avoir identité entre les biens livrés avec réserve de propriété et ceux présents chez le débiteur à la date du jugement d’ouverture.Â
A cet égard, la  Cour de cassation a réaffirmé dans un arrêt du 25 juin 2002 que la charge de la preuve de l’identité des biens revendiqués incombe au revendiquant (Cass com 25 juin 2002 n° 00-17.203).
- Le bien doit être en nature chez le débiteur
Cette condition peut poser des difficultés lorsque le bien revendiqué a été mis en gage par le débiteur avant le jugement d’ouverture.
En effet, dans cette hypothèque, le revendiquant vendeur de meuble avec clause de réserve de propriété peut se heurter au droit de rétention du créancier gagiste.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 26 mai 2010, a eu l’occasion d’appliquer cette règle à propos de biens ayant fait l’objet d’un gage tournant.
En l’espèce, une société avait acheté des noix de jambon à un fournisseur qui s’en était réservé la propriété jusqu’à complet paiement de leur prix.
Mais, cette société avait préalablement consenti un gage avec dépossession au profit d’une banque sur des jambons en court d’affinage avec stipulation de substitution des objets gagés pour éviter de bloquer les jambons.
Autrement dit, la société pouvait les vendre et le gage de la banque se reportait sur d’autres marchandises.  Â
A la suite de la mise en liquidation judicaire de la société, le fournisseur des noix de jambon qui n’avait pas été payé avait revendiqué celles qui étaient encore détenues pour le compte du débiteur.
Mais, la banque créancière gagiste s’y était opposé faisant valoir son gage avec droit de rétention et que celui-ci c’était reporté sur les noix de jambon grâce au jeu de la clause de substitution de marchandises convenue avec le débiteur.
La Cour de cassation a suivi l’argument de la banque estimant qu’il suffit que la clause de substitution convenue entre le gagiste et son débiteur soit valable et antérieure à la livraison des marchandises vendues avec clause de réserve de propriété pour que le vendeur de ces dernières soit privé de son action en revendication en nature (Com 26 mai 2010 n°: 09-65812).
Enfin, il résulte d’une jurisprudence constante que l’existence en nature du bien revendiqué chez le débiteur doit être appréciée au jour de l’ouverture de la procédure collective et non au jour de l’action en revendication.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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