Revendication de propriété de matériel identifiable et dissociable des autres actifs

Publié le 05/10/2018 Vu 3 119 fois 0
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Dans le cadre d’une liquidation judiciaire, le dirigeant peut-il s’opposer à la revendication de propriété du matériel d’un créancier et à la restitution au motif pris que la clause de réserve de propriété ne serait pas ostensible, que son avis n’a pas été demandé et qu’il y aurait de surcroit un risque de dégradation des actifs ?

Dans le cadre d’une liquidation judiciaire, le dirigeant peut-il s’opposer à la revendication de proprié

Revendication de propriété de matériel identifiable et dissociable des autres actifs

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en novembre dernier qui vient aborder la problématique propre à la revendication de propriété dans le cadre de la procédure collective et dans lequel l’arrêt en question apporte des réponses précises.

En premier lieu, dans cette jurisprudence, la Cour rappelle qu’à la lecture de l’article R 624-13 alinéa 1er du Code du Commerce, ledit article n’exige pas qu’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception contenant la demande de revendication de propriété soit adressée au débiteur lorsque ce dernier est assisté d’un administrateur ou représenté par le liquidateur.

En deuxième lieu, la Cour considère également qu’une action en revendication de propriété est bien fondée dès lors que la clause de réserve de propriété a été acceptée au plus au moment de la livraison et que le bien identifiable peut-être démonté sans risque de dégradation pour le débiteur.

En effet, la particularité de cette affaire est qu’effectivement, le matériel revendiqué était attaché à un plancher en béton.

A ce sujet, la Cour considère que le matériel revendiqué était identifiable et dissociable du plancher en béton sur lequel il avait été fixé,

Que son démontage nécessitait qu’en éventuelle remise en état de celui-ci sans risque de dégradation pour les biens de la société débitrice,

De telle sorte que la Cour de Cassation considère que la Cour d’Appel en a souverainement déduit que la séparation des biens pouvait s’effectuer sans qu’ils en subissent un dommage au sens de l’article L624-16 alinéa 3 du Code du Commerce.

Dans cette affaire la société M avait été mise en redressement judiciaire par un jugement du 2 avril 2010, Maître Y ayant été désigné administrateur.

La procédure a été, par la suite, convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 23 juin 2010.

La société E, fournisseur de matériel de tuyauterie avait déclaré à la procédure une créance de 32 227 euros et formé, dans le même temps, une demande de revendication de propriété de matériel afin de récupérer son matériel.

Dans le cadre de la procédure en question c’est le dirigeant qui, en qualité de représentant de la société débitrice, venait contester l’arrêt de la Cour d’Appel qui avait fait droit à la demande du créancier et venait solliciter le rejet des prétentions de la société E qui avait revendiqué et obtenu le matériel en question.

Il considérait notamment que si le créancier récupérait cet actif il le réaliserait à son seul profit et viendrait désintéresser en tout ou en partie sa seule créance au détriment des autres créances de la procédure collective,

Cette revendication de propriété de matériel vient clairement impacter le désintéressement des créanciers assujettis à un ordre précis de paiement strictement réglementé dans le cadre de la procédure collective entre créanciers privilégiés, rang des privilèges, et créanciers chirographaires,

Cela peut avoir une importance pour le dirigeant, caution par ailleurs, qui préfèrerait bénéficier du paiement des créances suivant le rang légal, notamment au profit de l’établissement bancaire pour lequel il serait caution,

Cela pourrait expliquer pourquoi ce dernier a imaginé contester cette revendication de propriété car il est bien évident que l’actif revendiqué en question avait vocation à désintéresser d’abord le créancier revendiquant alors que l’actif aurait pu être réalisé par les organes de la procédure collective et désintéresser en premier lieu les créanciers privilégiés.

Le débiteur vient contester la procédure de revendication de propriété sur la base de trois axes précis.

En premier lieu, il contestait avoir accepté la clause de revendication de propriété de matériel lors de la formation du contrat de telle sorte qu’elle n’était pas opposable dans le cadre de la procédure collective.

En deuxième lieu, le dirigeant considère que suivant l’interprétation qu’il fait des articles L624-9 et R624-13 du Code du Commerce, la demande de revendication de propriété doit être adressée à l’administrateur judiciaire et en cas de liquidation judiciaire au mandataire liquidateur, de telle sorte que cela n’enlevait rien au fait qu’il appartenait au créancier revendiquant d’adresser également la demande de revendication entres mains du débiteur, même en liquidation judiciaire,

Le dirigeant reproche au revendiquant de ne pas avoir respecter la procédure applicable en matière de revendication de propriété en adressant sa demande tantôt au représentant des créanciers puis à l’administrateur puis au liquidateur mais en se refusant de l’adresser au débiteur à titre personnel, de telle sorte que cela rendrait sa demande irrégulière.

Le dirigeant considère également que le matériel et les meubles ne pouvaient être démontés car cela génère un démontage risqué et risque d’occasionner des dégradations, ce qui impacterait la réalisation de l’actif en tant que tel si le créancier avait vocation effectivement à obtenir la restitution du matériel livré.

Pour autant, la Cour de Cassation ne partage absolument pas cet avis.

En effet, à la lecture de l’article L124-16 alinéa 2 du Code de Commerce, la clause de réserve de propriété devait avoir été convenue par les parties et notamment avoir été acceptée par l’acheteur au moment de la livraison, même tacitement mais à la condition que son attention ait été suffisamment attirée sur l’existence de la clause,

Ce qui impose, est-il besoin de le rappeler, que cette clause de réserve de propriété ait été ostensible isolée des autres conditions contractuelles et parfaitement visible.

Or, dans les faits, la clause apparaissait dans les devis et dans la facturation ainsi que sur le bon de livraison pour lequel le débiteur avait signé avec la mention « bon pour accord ».

Tout laissait donc à penser que le dirigeant l’avait clairement et expressément acceptée.

La Haute Juridiction considère en effet que la clause de réserve de propriété figurait bien sur les devis, sur les factures d’acomptes des 16 novembre 2005 et 30 janvier 2006 ainsi que sur celle du 23 mars 2006 émise avant la livraison pour le règlement du solde,

Par ailleurs, les deux factures d’acompte ont été payées sans observations de la part du représentant de la société débitrice qui a également apposé sur le bon de livraison la mention «  bon pour accord » de telle sorte qu’il apparaissait évident que la société débitrice avait accepté la clause de réserve de propriété dans un écrouit établi au plus tard au moment de la livraison .

La demande en revendication de propriété de matériel impose une lecture attentive de l’article L124-9 et de l’article R624-13 du Code du Commerce qui rappellent que la demande en revendication de propriété ou en restitution doit être exercée dans un délai de trois mois en étant adressée par lettre recommandée avec avis de réception à l’administrateur ou à défaut au débiteur avec copie au mandataire judiciaire,

Aux termes de l’article L624-17 du Code du Commerce, l’administrateur avec l’accord du débiteur ou à défaut le débiteur après accord du mandataire judiciaire peut acquiescer à la demande de revendication de propriété.

Pour autant, l’article L6247-13 alinéa 1er du Code du Commerce n’exige pas que la lettre recommandée avec demande d’avis de réception contenant la demande de revendication de propriété soit adressée au débiteur lorsque ce dernier est assisté d’un administrateur ou représenté par un liquidateur.

Enfin et surtout, la dernière question posée à la Cour est relative au démontage et à la séparation demandée du matériel par rapport à la dalle béton.

Sur ce point, la Cour de Cassation précise que c’est à bon droit que la Cour d’Appel a, en ayant relevé que le matériel revendiqué était identifiable et dissociable du plancher en béton sur lequel il avait été fixé de telle sorte que son démontage ne nécessité qu’une éventuelle remise en état de celui-ci sans risque de dégradation pour les biens de la société débitrice de telle sorte que la séparation des biens pouvait s’effectuer sans qu’ils en subissent un dommage tel et ce, dans le parfait respect de l’esprit de l’article L624-16 alinéa 3 du Code du Commerce.

Que c’est salutaire puisque la Haute Juridiction rappelle en tant que de besoin que les conditions de revendication de prospérité en rappelant bien dans quelle mesure le créancier doit faire apparaitre sa clause de réserve de propriété au sein de ces devis, factures et bons de livraison.

Elle rappelle également que dans le cadre de la procédure collective, qu’il s’agisse d’une procédure de sauvegarde, d’un redressement ou de liquidation judiciaire, le créancier, s’il souhaite procéder à une demande de revendication de propriété de matériel et au besoin en cas de liquidation, une restitution de matériel doit respecter la procédure et doit adresser aux organes de la procédure dans un délai de trois mois les demandes en question et ce de manière distincte à la déclaration de créance qui en est faite,

De même il doit vérifier à chaque fois si le matériel revendiqué est clairement identifiable et dissociable des autres actifs de la liquidation judiciaire pour pouvoir justement récupérer sans difficulté ou en tout cas sans créer quelques préjudices que ce soient à la liquidation judiciaire.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

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