Le délai et les conditions d’application de la prescription acquisitive immobilière trentenaire

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Le délai de la prescription acquisitive immobilière est en principe trentenaire, c'est-à-dire de 30 ans.

Le délai de la prescription acquisitive immobilière est en principe trentenaire, c'est-à-dire de 30 ans.

Le délai et les conditions d’application de la prescription acquisitive immobilière trentenaire

L’usucapion ou prescription acquisitive est le fait pour le possesseur d’un bien immobilier (appartement, maison, terrain, immeuble, etc …) d'acquérir juridiquement un droit réel (droit de propriété) sur ce bien, après l'écoulement d'un certain délai durant lequel il s’est comporté comme le propriétaire, sans en avoir le titre.

A cet égard, l’article 2272 du Code civil dispose :

« Le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans. »

Ce délai de trente ans de la prescription acquisitive immobilière s’applique lorsque deux séries de conditions sont réunies :

- la possession du bien doit être caractérisée (I)

- et le possesseur doit être de mauvaise foi (II)

I. Une possession caractérisée du bien immobilier

La prescription acquisitive trentenaire est caractérisée lorsqu’elle répond à un certain nombre de conditions tenant à la possession de l’immeuble.

En effet, l’article 2261 du Code civil dispose que :

« pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ».

A cet égard, la Cour de cassation a jugé que :

« la prescription acquisitive n’a ni pour objet ni pour effet de priver une personne de son droit de propriété ou d’en limiter l’exercice mais confère au possesseur, sous certaines conditions, et par l’écoulement du temps, un titre de propriété correspondant à la situation de fait qui n’a pas été contestée dans un certain délai ; que cette institution répond à un motif d’intérêt général de sécurité juridique en faisant correspondre le droit de propriété à une situation de fait durable, caractérisée par une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire. » (Cass. civ. III, 12 octobre 2011, n° 11-40.055)

Par conséquent, pour pouvoir prescrire, la possession doit donc être :

- continue : c’est-à-dire être « exercée dans toutes les occasions comme à tous les moments où elle devait l’être après la nature de la chose possédée, sans intervalles anormaux assez prolongés [pas plus de 1 an ] pour constituer des lacunes et rendre la possession discontinue. » (Cass., 11 janvier 1950)

- paisible : autrement dit, le possesseur ne doit pas appréhender le bien immobilier par la force, la violence ou encore par une voie de fait. Ainsi, l’article 2263 du code civil prévoit que « Les actes de violence ne peuvent fonder non plus une possession capable d’opérer la prescription. La possession utile ne commence que lorsque la violence a cessé.»

- publique : elle doit être connue de tous et ne doit pas être dissimulée.

- non équivoque : le possesseur doit manifester sans ambiguïté son intention de se comporter comme le propriétaire.

- exercée à titre de propriétaire : les locataires, dépositaires, usufruitiers et toutes autres personnes qui détiendraient précairement le bien ou le terrain sont juridiquement dans l’impossibilité de se prévaloir valablement d’une quelque prétention sur le fondement de la prescription acquisitive.

Enfin, il convient de relever que la bonne foi du possesseur n’est pas une condition pour acquérir au bout de 30 ans.

La cour de cassation définit la bonne foi  comme étant la croyance de l’acquéreur du bien, au moment de l’acquisition, de tenir la chose du véritable propriétaire. (Cass. Civ. III, 18 janvier 1972)

La bonne foi permet simplement de gagner du temps sur la prescription acquisitive du bien immobilier et de permettre au possesseur de n’attendre qu’un délai de 10 ans au lieu de 30 ans pour acquérir ledit bien.

II. Un possesseur de mauvaise foi

La prescription trentenaire ne s’applique que lorsque le possesseur est de mauvaise foi.

Or, si la bonne foi est présumée, le possesseur est considéré comme étant de mauvaise foi dès lors qu’il occupe les lieux en sachant qu’il n’est pas le titulaire du droit qu’il exerce.

Cette situation se présente notamment lorsque le possesseur ne bénéficie d’aucun titre de propriété ou lorsque son titre n’est pas considéré comme régulier.

Dés lors que le possesseur est de mauvaise foi, il se voit alors appliquer le délai de prescription de droit commun (30 ans).

Toutefois, pour mémoire, le fait d’être de mauvaise foi n’a aucune incidence sur la prescription acquisitive et ne pourrait venir remettre en cause la possibilité pour le possesseur de prescrire.

En ce sens, les règles de la prescription acquisitive en matière immobilière dérogent aux règles en matière de droit contractuel.

En effet, la particularité du mécanisme de la prescription acquisitive en matière immobilière réside dans le fait que même en étant de mauvaise foi, il n’est nullement interdit au possesseur de devenir propriétaire de l’immeuble par usucapion.

Surtout, l’article 2258 du Code civil prévoit qu’on ne peut opposer à celui qui invoque le bénéfice de l’usucapion « l’exception déduite de la mauvaise foi ».

Par conséquent, une personne qui, sans disposer d’un quelconque titre de propriété, a occupé pendant au moins une durée de trente ans un bien immobilier ou un terrain, en sachant qu’elle n’en était pas propriétaire, peut, au terme de ce délai, en devenir le propriétaire par la voie de l’usucapion et au détriment du propriétaire légitime du bien.

Pour ce faire, le possesseur du bien immobilier en question devra faire reconnaître son droit de propriété par voie judiciaire.

En effet, la prescription acquisitive sur un bien immobilier ne s’applique pas automatiquement.

La revendication par le possesseur d’un droit de propriété sur un bien immobilier par la voie de l’usucapion  pourra se faire de deux manières :

- soit en engageant une action judiciaire pour faire constater que le bien immobilier lui est acquis,

- soit en opposant à l’action en revendication engagée contre lui par le véritable propriétaire du bien immobilier, une fin de non-recevoir tirée de la prescription acquisitive.

À cet effet, le possesseur devra être en mesure de prouver qu’il a parfaitement rempli toutes les conditions visées précédemment et ce pendant toute la période où il a « possédé » le bien immobilier.

La preuve de la possession du bien immobilier peut être faite par tous moyens et notamment par témoignages et attestations.

La prescription acquise a un effet rétroactif de sorte que le possesseur est considéré comme propriétaire du bien immobilier rétroactivement depuis le jour où il a occupé ledit bien.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

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Anthony Bem
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1 Publié par Visiteur
12/11/2018 22:05

Bonsoir Maître,
Mes Parents ont achetés une maison en juillet 1989. Les anciens propriétaires possédaient un terrain accolé à la maison pour lequel mes parents n ont pas reçu de titre de propriété lors de leur achat.
Pourtant mes parents payent une taxe foncière sur ce terrain et mon père l utilise en tant que potager.
Peut on considerer que le terrain appartient aujourd'hui à mes parents et si oui quelles sont les démarches à suivre pour obtenir le titre de propriété.
Pouvez vous également nous indiquer les délais d une telle procédure?
Cordialement

2 Publié par Maitre Anthony Bem
13/11/2018 07:48

Bonjour Antony,

Je vous confirme que vos parents peuvent en effet se prévaloir de la prescription acquisitive trentenaire immobilière, par le biais d’une action en usucapion contre leurs voisins devant le tribunal de grande instance.

La procédure peut durer quelques mois, en fonction de la partie adverse et du calendrier de la juridiction saisie.

Cordialement.

3 Publié par Visiteur
28/11/2018 10:07

Bonjour maitre votre blog est vraiment super
Avec le partage de vos connaissance beaucoup de personne i vois plus claire

Voici ma question
Usucapion faite de 1ml sur ma propriété avec édification d’une construction visible
Depuis plus de 30 ans mais sans aucune régularisations du possesseur pour faite valoir ses acquit
Je lui ai fait savoir qu’il empiète sur ma propriété et que faillait régulariser la situation
A l’amiable il la refuse et cela ait reste comme cela.
3ans après il vient de décède les héritiers du Bien vienne de vendre le bien sans avoir régularisé la situation
L’acheteur qui n’est pas de la famille vient de racheter la propriété avec le litige en cours
Peut-il prétendre à cette acquit de prescription faite par le prédécesseur sans que cela n’est était régulariser avant la vente et porter aux titre de propriété la surface réelle ce cette empiétement

Merci de votre réponse

4 Publié par Visiteur
01/12/2018 11:46

bonjour Maitre pour quoi vous ne répondez pas
cordialement

5 Publié par Maitre Anthony Bem
01/12/2018 13:08

Bonjour goelant,

Merci pour vos encouragements

Je vous confirme que les héritiers et propriétaires successifs peuvent valablement se prévaloir de la prescription acquisitive immobilière respectivement de leurs parents ou vendeurs.

Cordialement.

6 Publié par Visiteur
07/12/2018 11:12

Bonjour,
J'utilise un parking privé avec une autorisation verbale de la première commercial de la société qui a construit les immeubles.
Après plus de 11 ans sans problème, le syndic actuel m'a sommé par lettre recommandé d'enlever mes 2 voitures sous peine de mise en fourrière.
sont-ils dans leurs droits ?

7 Publié par Lucas86
07/02/2019 22:13

Bonjour,

Après 28 années passées dans notre maison , un arrêté municipal est venu appréhender l'immeuble au titre de bien sans maître. L'arrêté a été ultérieurement annulé par le TA pour erreur de droit, et puis rien ne s'est passé. Nous sommes restés dans la maison , et aujourd'hui cela fait plus de 35 ans que nous y sommes. Je me demande si l'arrêté municipal a interrompu notre prescription acquisitive , si oui , est ce que l'annulation de cet arrêté a aussi annulé l'interruption de la prescription ? En résumé je voudrais savoir si aujourd'hui nous sommes dans notre bon droit de réclamer le titre de propriété en application de l'usucapion.

Merci de votre aide

8 Publié par imp679
13/02/2019 16:25

Bonjour Maitre
Il y a 32 ans nous avons fait construire notre maison dans un lotissement de 3 maisons.
Dans ce lotissement il y a une impasse commune d'accès à nos propriétés (impasse qui faisait partit du lotissement).
L'ancien propriétaire du lotissement à fait faillite et est décède. Nous n'avons pas d'autre accès chez nous que par cette impasse.
Dans notre acte de vente l'ancien propriétaire avait prévu de transmettre la propriété de cette impasse à l'association syndicale des 3 copropriétaires mais il n'a pas eu le temps de le faire.
Qui en est aujourd'hui propriétaire au bout de 32 ans, sachant que certains voisins extérieurs au lotissement en profitent pour venir y garer leurs voitures?

9 Publié par chimeres
26/03/2019 10:18

Bonjour Maître

J'ai acquis en Mai 2016 une maison datant pour une part de 2001 et l'extension de 2009. Ma propriété est bordée, sur un coté, par un talus appartenant aux propriétaires voisins, qui sont les parents de ma vendeuse.

Ces voisins vendent deux lots appartenant à leurs propriété. Ils ont fait venir un géomètre pour borné le terrain continu au talus qui jouxte leur propriété. Je dois précisé qu'il vendent deux terrains dont un enclavé dans leur propriété nécessite la création d'une entrée sur la rue qui longera mon habitation. Le géomètre m'a signalé que le talus marquant la limite des propriétés ne serait pas à sa place.Sur la fin il obliquerait pour formé un triangle de 5 mètres sur rue et douze mètres sur le coté.Mon compteur électrique est à cet endroit. Ce sont les anciens propriétaires qui l'on fait mettre à cet endroit. Par ailleurs lors de la construction de la maison ils avaient placé l'entrée de la maison à cet endroit. Par la suite en 20098 cette entrée a été déplacée et comblée. Les voisins veulent récupérer ce bout de terrain pour l'entrée du lot qu'ils vendent. Ce morceau de terrain est occupé par des palmiers, arbres divers plantés par mes vendeurs. Je pense que s'agissant de la même famille les modifications de l'angle du talus ont été faites en connaissance de cause. Bien sur tout le monde nie. Lors de mon achat rien n'indiquait cette situation. Cela vient après de nombreux problèmes que j'ai découvert après mon achat. Le géomètre vient le 8 avril pour un bornage contradictoire. Que faire ? s'agit d'un vice caché qui peut faire annulé la vente. J'ai 70 ans.

Merci de votre réponse.

Cordialement

10 Publié par Saranja
27/07/2019 17:57

Bonjour Maître,
La prescription acquisitive s'applique-t-elle aux biens sectionaux ?
Ma propriété est mitoyenne d'une vaste parcelle appartenant à une section de ma commune, dans le Puy-de-Dôme. Mais elle n'est absolument pas entretenue et voilà 33 ans que j'assure le débroussaillage et l'élagage des seules parties jouxtant ma propriété.
En 2013 j'ai proposé à la mairie d'acquérir les mètres carrés concernés (environ 350), mais sans succès. L'on m'a expliqué que la procédure était longue, compliquée, qu'il fallait consulter l'ensemble des habitants de la section et je n'ai senti aucune motivation de la part du maire et de son adjoint à l'urbanisme pour satisfaire ma demande.
Aujourd'hui j'ai le projet de bâtir une petite annexe à ma maison, environ 50 mètres carrés indépendants. Les quelques mètres carrés que j'entretiens seraient parfaits pour cela. Je vais donc relancer la mairie en vue d'une acquisition mais si je ne suis à nouveau pas entendu, pourrais-je tenter de faire jouer la prescription acquisition ?
En vous remerciant par avance.
Saranja.

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