Le droit au respect de la vie privée : définition, conditions et sanctions

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Quelles sont les règles juridiques relatives à la protection de la vie privée ?

Quelles sont les règles juridiques relatives à la protection de la vie privée ?

Le droit au respect de la vie privée : définition, conditions et sanctions

Chacun de nous a le droit de garder secrète l'intimité de son existence, afin de ne pas être livré en pâture à la curiosité publique.

Personne ne peut donc s'immiscer dans ce domaine contre le gré de l'intéressé.

Cette liberté a toujours été menacée et l'est encore plus aujourd'hui, avec l'accroissement de la pression sociale, la relâche de la contrainte morale et le développement des techniques de divulgation et d'investigation, telles qu'en témoignent mes nombreuses actions judiciaires dans lesquelles j'interviens ou j'ai eu l'occasion d'intervenir.

Un petit rappel des règles relatives à la protection de la vie privée s'impose.

I – La protection de la vie privée

L'article 9 alinéa 1 du code civil dispose que :

« Chacun a droit au respect de sa vie privée. »

Ainsi, chacun a, sur le fondement de l'article 9 du code civil, le droit de s'opposer à la reproduction de son image ou la diffusion de tout commentaire relatif à sa vie privée.

Il n'existe pas de définition légale de la « vie privée », cependant les juges ont délimité les contours de cette notion en considérant comme des atteintes à la vie privée toutes les informations faisant intrusion dans l'intimité de la personne, notamment :

  • Les relations sexuelles : tout individu a le droit d'organiser librement sa vie sexuelle. A ce titre, l'information sur l'homosexualité rentre dans le cadre du respect de la vie privée et de la non-discrimination ;
  • La vie sentimentale : l'immixtion dans la vie sentimentale d'une personne (liaison, divorce, rupture etc …) peut faire l'objet de poursuites judiciaires ;
  • La vie familiale : l'ingérence dans la vie familiale, et en particulier la divulgation d'informations telles que la correspondance, la domiciliation, les lieux de vacances, la maternité, le PACS, est prohibée. Sont ainsi répréhensibles les photographies représentant une personne se trouvant dans un lieu privé (à plus forte raison à domicile) ;
  • Situation financière : la révélation d'informations sur la situation financière d'un individu et de sa famille tombe sous la protection de la vie privée ;
  • Souvenirs personnels : les anecdotes et confidences appartiennent au domaine de la vie privée. Seule la personne concernée est en droit de décider de leur publication ;
  • Etat de santé : le secret médical, s'appliquant à tous les professionnels de santé, est une obligation de discrétion visant au respect de la vie privée des patients.
  • Convictions politiques ou religieuses : les opinions politiques et croyances religieuses des personnes font l'objet d'une obligation au secret.

L'atteinte à la vie privée est distincte de la diffamation, entendue comme l'allégation ou l'imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération.

La jurisprudence sanctionne tous les modes de divulgation : affichage, exposition publique du portrait (CA Paris, 1re ch., 19 avr. 1985), diffusion du journal, de la revue ou du livre, projection à l'écran, à la télévision, sur un site Internet (CA Paris, 10 févr. 1999), dans un jeu informatique (Cass. 1re civ., 16 juill. 1998), et le fait d'avoir recueilli l'information de façon licite n'assure pas l'immunité de l’auteur de l’atteinte (Cass. civ., 31 mai 1988).

La jurisprudence est constante : comme toute autre personne celui qui est connu d'un large public a le droit « d'être laissé tranquille » dans sa vie privée.

Le droit au respect de la vie privée n'est pas absolu ; il est empreint d'une flexibilité nécessaire à « la balance des intérêts en présence ».

Ainsi personne ne peut se plaindre d'une atteinte à laquelle elle a préalablement et expressément consenti et si l'intérêt légitime de l'information justifie la publication litigieuse.

La charge de la preuve incombe au défendeur (CA Versailles, 4 nov. 1999).

En effet, la protection cesse chaque fois que le public a un intérêt légitime à connaître les activités, le comportement, la situation, la condition, la manière d'être d'une personne.

La puissance publique s'immisce dans la vie privée, le plus souvent, en raison de son propre droit à la preuve : enquêtes, droit de communication, perquisitions, saisies, fouilles, contrôle d'identité...

Ces pouvoirs exorbitants sont conformes à la Constitution et à la Convention européenne s'ils sont reconnus dans un texte de loi (qui ne doit être ni général ni imprécis) et s'ils sont impérativement nécessaires à une des fins édictées par la Convention européenne, par exemple :

  • perquisitions (Cass. crim., 5 déc. 2000)
  • visites domiciliaires (Cass. crim., 7 mars 2000)
  • expertise sanguine (Cass. 1re civ., 22 févr. 2000)
  • empreintes digitales (TGI Marseille, 23 mars 1995).

En matière de sécurité routière il a été jugé que ne constitue pas une atteinte illicite à la vie privée le constat par les fonctionnaires de police d'un excès de vitesse à l'aide d'un cinémomètre associé à un appareil de prise de vue (Cass. crim., 15 nov. 2000 ; 12 févr. 1997).

Selon l'article 9 du code civil, la seule constatation de l'atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation (Cass. 1re civ., 5 nov. 1996).

L'importance du préjudice détermine le montant des dommages et intérêts. Ce montant ne doit pas varier en fonction de la gravité de la faute commise (CA Paris, 26 avr. 1983). Mais la gravité de la faute amplifie le plus souvent le préjudice.

Par ailleurs, diverses infractions pénales concourent à la protection de la vie privée :

  • délit de violation de domicile (articles  226-4, et 432-8 du code pénal) ;
  • délit de violation du secret des correspondances (articles 226-15 et 432-9 du code pénal) ;
  • délit de violation du secret professionnel (articles 226-13 du code pénal et 11, al. 2 du CGI, art. L. 103 du Livre des proc. Fisc).

De plus, l’article. 226-1 du code pénal punit l'atteinte volontairement portée à l'intimité de la vie privée d'une personne en écoutant, en enregistrant ou en transmettant au moyen d'un procédé quelconque, sans son consentement, ses paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, ainsi qu'en fixant ou en transmettant son image lorsqu'elle se trouve dans un lieu privé.

Il peut s'agir de microphones, magnétophones, tables d'écoute... et pour l'image, d'appareil photographique, de caméra, d'appareil émetteur de télévision...

La personne dont l'image est captée, enregistrée ou transmise doit être dans un lieu privé.

« Le lieu privé doit être conçu comme un endroit qui n'est ouvert à personne sauf autorisation de celui qui l'occupe d'une manière permanente ou temporaire ».

Ainsi, il existe un véritable arsenal législatif et jurisprudentiel qui vise à protéger le droit au respect de la vie privée.

II - Les sanctions de l’atteinte à la vie privée

Toute victime d'une atteinte à la vie privée peut obtenir du juge :

  • des mesures propres à limiter la diffusion de l'atteinte (saisie, séquestre, suppression des passages litigieux, publication d'un encart, astreinte...) ;
  • des dommages-intérêts pour indemniser le préjudice subi ;
  • l'insertion de la décision de justice dans la presse.

Sur le plan pénal, les peines applicables diffèrent selon que le coupable est une personne physique ou une personne morale. 



Une personne physique encourt un an d'emprisonnement et une amende de 45.000 euros.

De plus, l'article 226-31 du code pénal prévoit les peines complémentaires suivantes :

  • interdiction des droits civiques, civils et de famille ;
  • interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ;
  • interdiction pour une durée de cinq ans au plus de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation ;
  • affichage ou diffusion de la décision prononcée ;
  • confiscation de l'instrument qui a servi ou était destiné à commettre l'infraction, de l'enregistrement ou du document obtenu illicitement.

Une personne morale encourt notamment une amende égale au quintuple de celle prévue pour les personnes physiques, c'est-à-dire 225.000 euros.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.

Anthony Bem
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1 Publié par Visiteur
16/04/2017 23:47

Bonjour Maître,

Ma voisine est conseillère municipale et gardien de la paix.
Suite à des dizaines de nuisances sonores causées par cette dernière, qui est la terreur du voisinage, j'ai pris sur moi de prendre un camescope numérique et de la filmer (sans m'en cacher) en train de tondre en dehors des heures autorisées par la commune, qu'elle est pourtant censée connaître...
Elle a déposé plainte le jour même pour atteinte à la vie privée, et j'ai contre-attaqué le lendemain avec une plainte pour nuisances sonores sur plus de 3 ans et autres motifs (3 pages de plainte !...).
Je compte évoquer, si je passe au tribunal, le jugement du 31 janvier 2012 de la Cour de Cassation (mon enregistrement d'une infraction est valable s'il est débattu contradictoirement) et de la CEDH dans son avis du 27 mai 2014 (filmer n'est pas une viloation de l'article 8 de sa convention). Si le tribunal devait rejeter, je compte aussi évoquer le fait que, sur ma vidéo, elle me dit à un moment donné "savez-vous que vous n'avez pas le droit de filmer", mais ne dit jamais clairement qu'elle s'OPPOSE au fait que je filme.
Pensez-vous que ma ligne de défense sera suffisante ? Sinon, que me conseillez-vous ?
Merci d'avance pour votre réponse !
Bien à vous.

2 Publié par Maitre Anthony Bem
17/04/2017 08:29

Bonjour Lavraiejustice,

Il n'y a pas d'atteinte à l'intimité de la vie privée dans votre cas.

Vous pouvez parfaitement faire valoir les jurisprudences précitées pour vous défendre si besoin.

Bonnes chances.

Cordialement.

3 Publié par Visiteur
18/04/2017 13:00

Maître,

Merci pour votre réponse. Je me demandais si je pourrais porter plainte contre ma voisine pour dénonciation calomnieuse. J'ai tout de même subi une descente de gendarmerie dimanche matin pour enquête en flagrance, avec saisie de matériel.
Bien à vous.

4 Publié par Maitre Anthony Bem
18/04/2017 17:40

Bonjour Lavraiejustice,

Une plainte contre votre voisine pour dénonciation calomnieuse suppose la preuve de son intention par une décision de justice (non lieu ou relaxe) indiquant expressément qu'elle a porté plainte de manière calomnieuse.

Cordialement.

5 Publié par Visiteur
18/04/2017 22:24

Merci infiniment Maître d'avoir pris le temps de me répondre. J'espère simplement que la Justice ne sera pas aveugle ou manipulable dans mon affaire...
Longue vie à votre blog !

Cordialement.

6 Publié par Visiteur
21/04/2017 11:04

Bonjour

Mon futur ex mari passe la semaine prochaine prochaine devant le tribunal correctionnel pour avoir installé un système d'écoute dans ma voiture et dans mon domicile. Les gendarmes par une perquisition ont trouvé la matériel. C'est par une lettre anonyme que j'ai eu l'information. A quel préjudice moral je peux prétendre pour mes enfants et moi.

7 Publié par Visiteur
11/05/2017 15:20

Bonjour Maître,

Suite de mon affaire : la vice-procureur m'impose simplement un rappel à la loi par une de ses déléguées, convocation dans 1 mois.

Cela appelle une question : n'a t'on donc pas le droit de filmer une infraction/un délit commis par sa voisine ? Si elle m'insulte ou découpe des cadavres (j'exagère volontairement), je serai constamment sous le coup de l'article 226-1 du Code Pénal uniquement parce qu'elle se trouve chez elle, dans son jardin en l'occurence ?

Cela me choque : on devrait avoir le droit de filmer une infraction, pour pouvoir en produire la preuve devant un maire, la police, la gendarmerie ou surtout un tribunal.

Merci d'avance pour votre avis, toujours très éclairant!

Bien à vous.

8 Publié par Visiteur
13/05/2017 04:10

Bonjour maître,
je suis étudiante en Master 2 de droit et mon sujet de recherche est la vie privée à l'épreuve des réseaux sociaux. Étant donné que je suis en début de recherche j'aimerais savoir si on peut encore parler de vie privée avec le phénomène des réseaux sociaux.
Bien à vous

9 Publié par Maitre Anthony Bem
13/05/2017 07:20

Bonjour Lavraiejustice,

Pour votre parfaite information un rappel à la loi par un de délégué du procureur n'est pas un jugement, ni une décision de justice, ni une condamnation en tant que telle car il n'y a aucun contradictoire, aucun échange ni aucune défense possible.

Par cette mesure, le procureur de la République signifie simplement le tort au regard de la loi et vous permet d'échapper à des poursuites judiciaires.

Par ailleurs, je vous confirme qu'il est possible de filmer une infraction / un délit commis par un tiers sans être sous le coup de l'article 226-1 du Code Pénal, en vertu du principe selon lequel les victimes d’infractions pénales peuvent la rapporter même par des procédés déloyaux, voir illicites, tels des enregistrements audio / vidéo réalisés à l’insu de l’intéressé par une personne privée.

Je vous invite à lire mon article dédié à ce sujet :

https://www.legavox.fr/blog/maitre-anthony-bem/liberte-preuve-infractions-penales-admission-7706.htm

Cordialement.

10 Publié par Visiteur
13/05/2017 10:13

Merci Maître,

Je regrette simplement que la Vice-Procureur, sans voir la vidéo et en se basant juste sur le rapport d'un gendarme, me "donne tort" en me faisant un rappel à la loi : j'aurais préféré qu'elle classe sans suite, donnant un signal fort à ma détestable voisine.

Bien à vous

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