Les réformes successives du droit des entreprises en difficulté ont cantonné les sanctions .
Lorsqu’un dirigeant est poursuivi dans le cadre d’une procédure collective , à la suite de la liquidation judiciaire de la société qu’il dirigeait , il peut se trouver confronter à des sanction graves qu’il convient de clarifier.
L’action en comblement de passif et la faillite ne tendent pas aux même fins et ne revêtent pas les mêmes caractères.
Cet article a pour objet de clarifier ces deux notions.
La faillite personnelle est l'une des sanctions les plus lourdes. Elle entraîne l’interdiction pour le dirigeant de gérer, diriger, administrer ou contrôler une entreprise, comme le prévoit l'article L653-8 du Code de commerce. Cette interdiction s’applique à la fois directement et indirectement, retirant au dirigeant son droit de vote dans l'entreprise, et lui interdisant d’occuper des postes similaires.
La faillite personnelle intervient nécessairement dans le cadre de la procédure collective engagée contre le débiteur.
La faillite personnelle est différente de la sanction patrimoniale dont peut être frappé un dirigeant : le comblement de passif.
Þ L’action en comblement de passif
Outre les risques d'extension de la procédure de redressement ou liquidation judiciaires sur les dirigeants sociaux, de condamnation pour faillite personnelle, ou à une interdiction de gérer, les dirigeants sociaux sont exposés en cas d'insuffisance d'actif de la personne morale, à une action en comblement de passif visant à leur faire supporter tout ou partie du passif...
L’action en comblement de passif est une notion qui concerne la responsabilité des associés ou dirigeants dans le cadre de la liquidation ou de la faillite d’une entreprise, notamment dans les sociétés à responsabilité limitée (SARL, SA, etc.), où en principe les associés ne sont responsables que dans la limite de leurs apports.
Cependant, dans certains cas, le juge peut étendre la responsabilité des associés ou dirigeants, par exemple :
- Pour combler le passif social, si leur comportement a aggravé la situation financière de la société (faute de gestion grave, abus de biens sociaux, non-respect des obligations légales de gestion, etc.).
- Pour engager leur patrimoine personnel à titre exceptionnel.
L’action en responsabilité pour insuffisance d’actif (C. com., art. L. 651-1 et s.) fondée sur la faute de gestion a vu son périmètre se restreindre au minimum.
Cette action repose sur la caractérisation d’une faute de gestion qui en l’absence de définition légale est laissée à l’appréciation des juges du fond.
Mais le législateur a encadré pour la limiter cette faute par la loi du 9 décembre 2016 , qui a introduit une exception à la sanction lorsque la faute de gestion résulte d’une « simple négligence ».
Le comblement de passif est une sanction financière. Le dirigeant est condamné par le tribunal à payer tout ou partie du passif non apuré par la liquidation. Cela signifie :
- Que l’on peut saisir son patrimoine personnel,
- Que ses biens présents peuvent être vendus,
- Que ses comptes bancaires peuvent être bloqués,
- Et que ses revenus futurs peuvent être attaqués en recouvrem
L'insuffisance d'actif s'établit à la différence entre le montant du passif admis et correspondant à des créances antérieures au jugement d'ouverture et le montant de l'actif de la personne morale débitrice tel qu'il résulte des réalisations effectuées en liquidation judiciaire (Cass., Com. 26 juin 2001, n°98-16.520).
Elle s'apprécie au jour où la juridiction statue dans le cadre de l' action engagée à l'encontre du dirigeant.
Þ La faillite personnelle
La faillite personnelle est une sanction civile prononcée à l’encontre du dirigeant d’une société (et dans certains cas d’un entrepreneur individuel). Elle consiste à interdire au dirigeant fautif de gérer, administrer ou contrôler toute entreprise, quelle que soit sa forme, pour une durée déterminée (en France, généralement de 5 à 15 ans).
Le dirigeant peut être poursuivi en faillite personnelle à l’initiative :
- du mandataire judiciaire ;
- du liquidateur judiciaire ;
- des contrôleurs ;
- du procureur de la République ;
Elle est prononcée en réponse à des fautes de gestion graves en lien avec l’état de cessation des paiements, telles que définies par l’article L651-3 du Code de commerce, notamment :
Les causes de faillite personnelle sont listées dans le Code de commerce et peuvent inclure :
- Avoir poursuivi abusivement une activité déficitaire.
- Avoir détourné ou dissimulé des actifs.
- Ne pas avoir tenu une comptabilité ou avoir dissimulé les comptes.
- Augmenter frauduleusement le passif de l'entreprise ;
- Utiliser les biens ou le crédit de l’entreprise à des fins personnelles ou contraires à son objet social ;
- Prendre des engagements financiers disproportionnés, mettant en danger la santé financière de l'entreprise ;
- Payer un créancier au détriment des autres, en période de cessation de paiements ;
- Faire disparaître des éléments comptables ou entraver le bon déroulement de la procédure.
La faillite personnelle ne signifie pas que la personne est financièrement ruinée, mais plutôt qu’elle est interdite de gestion. Elle peut cependant être combinée avec d’autres sanctions, comme la condamnation à payer l’insuffisance d’actif, ce qui affecte son patrimoine personnel.
La faillite personnelle et l’interdiction de gérer sont des sanctions ayant le caractère de punition, subissant de ce fait l’attraction de la matière pénale .
La faillite personnelle “emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale” ( C. com., art. L. 653-2 ).
Le domaine de la faillite personnelle est restreint.
Elle est exclue de la procédure de sauvegarde, pour être limitée au redressement et à la liquidation judiciaires.
La loi a doublement encadré temporellement le périmètre de cette sanction : d’une part, en prévoyant un délai de prescription de 3 ans pour l’engagement de l’action à compter du jugement qui prononce l’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaires. D’autre part, en limitant la durée de la faillite personnelle à 15 ans maximum
Pour l’avenir, pour la durée fixée par le juge, il est exclu du monde de " l’entreprise " quelle qu’elle soit et quelle que soit sa forme ou son activité (exploitation individuelle d'un fonds de commerce, d'artisanat, d'une entreprise agricole, ou de toute autre entreprise, y compris une EIRL, impossibilité d’adopter le statut d’autoentrepreneur
Peux -ton prononcer une mesure de faillite personnelle à l’encontre d’un ancien dirigeant , sans retenir une insuffisance d’actif ?
La Cour de Cassation a répondu par l’affirmative.
Attendu qu’ils résultent de ces textes « que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle du dirigeant de la personne morale débitrice contre lequel a été relevé un ou plusieurs faits qu’ils énumèrent sans qu’il soit tenu de constater l’existence d’une insuffisance d’actif », les Hauts magistrats censurent en effet les juges du fond pour avoir violé les textes susvisés, par refus d’application, « en ajoutant à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas ».
L’existence d’une insuffisance d’actif n’est pas une condition de la faillite personnelle. Partant, le tribunal qui rejette la demande du liquidateur tendant au prononcé de la faillite personnelle d’un dirigeant à défaut d’établir l’existence d’une telle insuffisance ajoute à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas.
Com. 12 juin 2025, F-B , n°24-13.566
Il convient de rappeler qu’on ne transige pas sur les mesures de faillite personnelle et d’interdiction de gérer qui relèvent de l’ordre public économique et vont bien au-delà du seul intérêt des créanciers de la procédure collective, contrairement à la transaction qui peut mettre fin à l’instance en paiement de l’insuffisance d’actif.
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