Le changement d'usage d'un lot de copropriété nourrit un abondant contentieux, tant en ce qui concerne les modalités de réalisation d'un tel changement par un copropriétaire que les possibilités de limiter , voire de restreindre ce changement au sein d'un règlement de copropriété.
Il arrive souvent que le syndic et/ ou des copropriétaires s'opposent au changement d' usage d'un lot réalisé par un autre copropriétaire.
Le syndic, qui représente doit d’abord vérifier que ce changement n’est pas interdit et que l’exercice de l'action visant à faire cesser cette nouvelle activité n'est pas prescrite.
La Cour de cassation affirme ainsi, depuis de nombreuses années, le principe selon lequel la destination d'un lot n'est pas figée.
Il n'est pas possible de faire obstacle à un changement d'affectation d'un lot de copropriété en se retranchant derrière sa destination contractuelle (Cass. 3e civ., 7 déc. 1994, n° 91-13.035)
Les copropriétaires peuvent donc, sous la double réserve de l'article 9, affecter un lot à usage différent de celui indiqué dans le règlement de copropriété.
Toutefois, si le règlement interdit expressément un usage déterminé, l'habitation, le copropriétaire perd la possibilité de lui conférer une telle affectation.
Dans une affaire récente , un copropriétaire avait affecté son lot à usage de débarras , à un usage d’habitation, pendant plusieurs années .
Considérant qu’il existait un risque d’incendie, l'assemblée générale des copropriétaires a décidé de modifier le règlement de copropriété afin de stipuler expressément l'interdiction d'un usage d'habitation pour les lots qualifiés de débarras.
Bien évidemment , le copropriétaire a contesté cette résolution et en a sollicité la nullité.
Le syndicat a sollicité le rétablissement du lot dans son état initial de débarras.
§ Le point de départ de la remise à l’état initial
Cette affaire revêt une importance car elle fixe le point de départ du délai pour demander la remise à l’état initial par le syndicat des copropriétaires.
La question qui se pose est de savoir si le point de départ de l'action exercée pour faire cesser l'usage irrégulier d'un lot est la date à laquelle cet usage a débuté ou la date à laquelle celui qui exerce l'action – le syndicat des copropriétaires ou le copropriétaire – a eu connaissance de ce changement d'usage ?
Si un copropriétaire modifie l’aspect de l’immeuble ou porte atteinte aux parties communes sans accord, le syndicat peut exiger en justice le retour à l’état antérieur dans un délai de 10 ans à compter de la réalisation des travaux.
Le délai applicable est celui de 10 ans anciennement prévu par l'article 42 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (ce délai a été ramené à 5 ans par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dans le cadre d'un renvoi à l'article 2224 du Code civil).
Au-delà, l’action est prescrite, et le copropriétaire n’a pas de droit acquis à l’usage qu’il revendique.
Le point de départ du délai de l'article 42 de la loi de 1965 était la date à laquelle les parties ont pu connaître les dommages et non le jour où ceux-ci sont apparus (Cass. 3e civ., 19 nov. 2015, n° 14-17.784 : JurisData n° 2015-025829 ;
Le point de départ de l'action exercée en vue de faire cesser l' usage irrégulier de lots de copropriété et le rétablissement de leur usage d'origine est la date à laquelle les copropriétaires ont eu connaissance de l'infraction au règlement de copropriété. Cass. 3e civ., 20 mai 2021, n° 20-15.449 : JurisData n° 2021-007715
Dans cette affaire, la Cour de cassation « reconnaît l'ancienneté de l'occupation des lots comme logements, mais estime – comme la cour d'appel de Paris – que le syndicat des copropriétaires n'a eu connaissance du danger de ce changement d'usage qu'en mai 2017 ; autrement dit à la date de la remise par l'architecte de son rapport, consécutif à l'incendie survenu un peu plus tôt dans l'année, révélant une non-conformité de l'accès au 6e étage au regard des règles de sécurité incendie, notamment pour l'évacuation des occupants. »
La Cour de Cassation ne fait plus référence à la connaissance par le syndicat du changement d’usage mais à la connaissance du danger provoqué par ce changement d’usage.
Au regard du risque que présentait, pour l'ensemble de la copropriété, l'occupation à des fins d'habitation du 6e étage, la cour d'appel a pu retenir que la restriction apportée aux droits des propriétaires des lots litigieux étant justifiée par des considérations tenant à la conservation de l'immeuble, l'assemblée générale n'avait pas commis d'abus en interdisant un tel usage.
Cass. 3e civ., 22 mai 2025, n° 23-19.387 : JurisData n° 2025-007515
La Cour de cassation se réfère à « la connaissance de la dangerosité » du changement d'affectation, ce qui reporte d'autant plus ce point de départ.
La réforme de l'alinéa 1er de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965opérée par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite loi « ELAN », qui renvoie désormais à l'article 2224 du Code civil. La prescription des actions personnelles est ainsi alignée sur celle du droit commun et portée à 5 ans au lieu de 10 ans et le point de départ de cette action édicté. Il s'agit « du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer »
§ L’adoption par l’assemble générale d’une clause interdisant un usage déterminé
Il arrive souvent , que des copropriétaires changent l’affectation d’un lot dès lors que le règlement de copropriété ne comporte aucune restriction, ni interdiction.
Si la Cour de cassation reconnaît la possibilité d’un changement d’affectation des parties privatives par un copropriétaire, cette possibilité est fortement encadrée.
Le changement d'affectation doit respecter les conditions suivantes :
- ne pas être contraire à la destination générale de l'immeuble ;
- ne pas porter atteinte aux droits des autres copropriétaires ;
- ne pas être expressément interdit par le règlement de copropriété.
Ainsi, il a été jugé qu’une cour d'appel ne peut rejeter la demande en annulation d'une décision de mandater le syndic pour agir en justice en vue d'obtenir la remise en l'état des lots transformés, sans avoir répondu aux conclusions des copropriétaires qui soutenaient que le changement d'affectation était conforme à la destination de l'immeuble ( Cass. 3e civ., 3 déc. 2020, n° 19-20.642 : JurisData n° 2020-020016 ).
Dans l’affaire litigieuse, l’Assemblée des copropriétaire avait jugé utile de précisé que les lots du 6 -ème étage ne pouvaient pas affectés à l’habitation.
Dans cette affaire , la Cour de Cassation a jugé que la décision prise en assemblée générale était justifiée par des considérations tenant à la conservation de l'immeuble, aucun abus n'a donc été commis par cette assemblée en interdisant l'usage des lots débarras en lots d'habitation.
Les copropriétaires peuvent donc, sous la double réserve de l'article 9, affecter un lot à usage différent de celui indiqué dans le règlement de copropriété. En revanche, si le règlement interdit expressément un usage déterminé, en l'espèce, l'habitation, le copropriétaire perd la possibilité de lui conférer une telle affectation.
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