La clause de garantie de passif

Publié le 06/04/2014 Vu 35 880 fois 0
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L’acquisition d’une société peut présenter certains risques. En effet, le passif de la société peut se révéler plus important que ce que l’on croyait. C’est donc pour cela que les parties concluent une convention dite de garantie de passif. Celle-ci vise à limiter les risques qui pourraient apparaitre au sein de l’entreprise acquise et donc de sécuriser la transmission d’une entreprise en garantissant la situation de celle-ci au jour de la cession.

L’acquisition d’une société peut présenter certains risques. En effet, le passif de la société peut s

La clause de  garantie de passif

L’acquisition d’une société peut présenter certains risques. En effet, le passif de la société peut se révéler plus important que ce que l’on croyait.

C’est donc pour cela que  les parties concluent une convention dite de garantie de passif. Celle-ci vise à limiter les risques qui pourraient apparaitre au sein de l’entreprise acquise et donc de sécuriser la transmission d’une entreprise en garantissant la situation de celle-ci au jour de la cession.

Cette convention de garantie de passif et d’actif viendra s’ajouter aux garanties prévues par la loi. L’objectif est que le cédant garantit l’acquéreur de la sincérité des comptes qu’il présente.

Le risque pour le cessionnaire qui a acquis les droits sociaux et qu’il en fait une mauvaise estimation notamment lorsqu’il ignorait le  passif social ou le montant des dettes de la société au moment de la signature.

Le cessionnaire doit se protéger pour éviter la perte de la valeur de ses actions.

La clause de garantie passif est régie par la liberté contractuelle et les obligations du cédant dépendront des stipulations figurant dans l’acte.

- L’objet et validité de la clause

Dans le cadre d’une clause de garantie de passif, le cédant des parts ou actions devra prendre l’engagement de régler personnellement les dettes de la société.

Le cédant garantit également que de nouveaux passifs ne devraient  pas se révéler et si c’est le cas, alors celui-ci sera contraint de les prendre en charge sauf s’ils ont une origine postérieure à la cession. Par exemple, le cédant devra s’engager à acquitter le passif fiscal dont l’origine serait antérieure à la cession mais qui serait ultérieurement mis à la charge de la personne morale. L’objectif est de protéger le cessionnaire des passifs inconnus que le cédant se serait gardé de révéler.

La clause de garantie de passif est généralement souscrite au profit de la société  et non du cessionnaire et la  garantie de passif se traduit par le versement dans les caisses de la société d'une somme égale à son appauvrissement net.

En revanche, si le cessionnaire des titres sociaux est en droit d'agir en exécution de la garantie de passif stipulée en faveur de la société dont il acquiert les titres, c'est à la condition que cette exécution soit poursuivie au profit de cette dernière.
(Cass. com., 14 mai 2013, n° 12-15.119, FS-P+B, Sté Leps-Straling c/ Lentoni : JurisData )

Le principe c’est que les parties demeurent libres de fixer leurs obligations. Néanmoins, certains aspects font souvent l’objet d’un contentieux : le juge est donc intervenu afin de préciser le champ d’application de la clause :

Il a par exemple estimé que l’absence de cause de l’engagement du cédant, dans le cas où le prix de cession se révèle finalement nettement inférieur aux sommes  ne peut être invoqué pour que la clause de garantie produise pleine ses effets (CA Paris, 3e ch. B, 26 avr. 1990).

De même, le juge a considéré que le cédant ne pouvait prétendre que le paiement de l’intégralité d’un redressement fiscal serait une clause léonine en ce qu'il aboutirait à garantir également la valeur des actions que l'acquéreur détenait dès avant la cession (CA Paris, 1re ch. C, 22 janv. 2004, SA Financière Nicol c/SA Alter Finance).

De plus, il faut savoir que le juge n’a pas hésité à prononcer la nullité partielle d’une stipulation de garantie de passif, en cas de dol du cédant ayant conduit le cessionnaire a accepté de limiter cette garantie (Cass. com., 20 janv. 2009, no 07-18.136).

- Clause de garantie et limites

En effet, il faut savoir que le cédant peut préférer apporter quelques aménagements à la garantie afin d’en limiter la portée et  ne pas être indéfiniment tenu. Par exemple, celui-ci peut fixer un plafond de garantie, dans lequel il fixera le montant des sommes qu’il pourrait éventuellement reversés. Il peut également fixer un seuil de déclenchement en dessous duquel il ne sera pas possible d’appeler le cédant en garantie (Cass. 2e civ., 8 juill. 2004, no 02-19.468).

Enfin, il peut limiter l’effet de la clause de garantie dans le temps (CA Paris, 25e ch. A, 10 janv. 2003, SA Traditions Securities and Futures et a. c/ Consorts Michelez et a.,).

Le juge a ainsi considéré que le bénéficiaire d’une clause de garantie de passif qui n’informe pas le garant dans le délai stipulé perd le bénéfice de la garantie (Cass. com., 9 juin 2009, no 08-17.843,).

Généralement , il est stipulé que le cessionnaire  a l’ obligation spécifique d'avoir à informer dans un délai impératif, le cédant de l'apparition de tout passif entrant dans le champ de la couverture de la garantie afin de lui permettre d’apprécier le quantum, de vérifier la créance etc..

- Clause de garantie et contentieux

En cas de refus de la part du cédant de remplir ses obligations prévues par la clause de garantie de passif, celui-ci pourra voir sa responsabilité engagée.

De plus, la garantie de passif engendre une responsabilité indéfinie et solidaire de tous les cédants envers l’acquéreur.

Pire encore, le juge n’a pas hésité à affirmer que le cédant pouvait être tenu de réparer le préjudice causé au dirigeant de la société cessionnaire qui suite au refus du cédant d’exécuter sa garantie de passif, avait été mis en liquidation judiciaire. Ainsi, le préjudice réparable pour le dirigeant consiste alors dans la perte de ses fonctions consécutive à cette liquidation (CA Paris, 1re ch. A, 28 sept. 1998, Banque Rivaud c/Schwartz).

De plus, la responsabilité du cédant n’est pas la seule à pouvoir être engagée.

En effet, la Cour de cassation a apporté quelques précisions. Elle a indiqué que si le cessionnaire est de mauvaise foi, cela ne le prive pas d’invoquer la clause de garantie de passif mais qu’en revanche, sa responsabilité peut en revanche être engagée. (Cass. com., 15 mars 2011, no09-13.299).

- Clause de garantie de passif et interprétation extensive

Enfin, il faut noter que le juge fait une appréciation très large de la notion de clause de garantie puisque celui considère qu’une société absorbante peut se prévaloir d'une clause de garantie de passif stipulée en faveur de la société absorbée lors de la cession des titres de celle-ci, même en l'absence de mention de la clause dans le traité de fusion (Cass. com., 10 juil. 2007, no 05-14.358).

Récemment, la Cour d’Appel a été amenée à statuer sur l’indivisibilité d’un acte de cession et une clause de garantie de passif signé un mois après l’acte de cession.

Le cédant avait sollicité la nullité de l’acte de cession de part  au motif que le prix était nul et la clause de garantie de passif et avait invoqué que les deu actes successifs constituaient un tout indivisible.

La Cour d’Appel a estimé au contraire que l’acte de cession était valable et que « les deux actes en question étaient parfaitement distincts et ne constituent pas un tout indivisible, dès lors que rien n'obligeait (le cédant), une fois ses parts cédées, à s'engager dans un acte conclu ultérieurement, à payer à la société acquéreur une somme égale au montant du passif de la société dont il ne détenait alors plus aucune part ».

La Cour d’Appel s’est donc prononcée distinctement sur l’acte de cession qu’elle a considéré comme valable mais a, en revanche annulé la garantie de passif sur l’absence de cause qu’elle a assimilée à la fausse croyance.

L'engagement du cédant, postérieur à la cession des parts sociales, de payer à l'acquéreur une somme égale au montant du passif social ne pouvait s'expliquer, en l'absence d'une quelconque contrepartie, que par la fausse croyance que celui-ci avait de rester personnellement débiteur de ce passif social en sa qualité d'ancien gérant associé, le protocole d'accord devant en conséquence être annulé en vertu des dispositions de l'article 1110 du Code civil et la demande de paiement émanant de l'acquéreur rejetée.


(CA Bordeaux, 1re civ., sect. A, 20 juin 2013, n° 11/07287, Luc Bernard c/ SAS Établissements Jean-Pierre Rulleau : JurisData n° 2013-014249).

Pour s’opposer à la mise en œuvre de la clause de garantie, le cédant avait invoqué dans une affaire que le cessionnaire avait été spécialement informé par les cédants des difficultés de commercialisation de matériels inscrits à l'actif du bilan de la société, il ne pouvait donc prétendre à une garantie pour un événement connu.

L'engagement du cédant de garantir le cessionnaire contre toute diminution d'actif ou tout augmentation de passif dont la cause ou l'origine serait antérieure à la date de fixation du prix inclut le passif connu du cessionnaire au jour de la cession.

(Cass. com., 14 déc. 2010, n° 09-68.868, F-D, SAS RFIL c/ Humbert : JurisData n° 2010-023958)

La garantie de passif nourrit un contentieux important notamment en ce qui concerne la couverture donnée par le cédant .

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Joan DRAY

Avocat à la Cour


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